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RDC : la Belgique revoit son passé colonial 

L’année 2022 s’annonce comme une période critique pour les relations troubles entre Kinshasa et Bruxelles. En juin, lors d’une visite en République démocratique du Congo (RDC), le roi belge Philippe a exprimé ses regrets pour les blessures du passé colonial de son pays. Le Premier ministre Alexander De Croo a ensuite présenté ses excuses pour la « responsabilité morale » de la Belgique dans l’assassinat en 1961 du Premier ministre congolais Patrice Lumumba. Le pays a ensuite rapatrié sa dépouille .

Dès le début, le président de la RDC, Félix Tshisekedi, a déclaré que le défi pour les deux nations était de se tourner vers l’avenir. Il espère notamment que des liens plus forts avec la Belgique permettront d’attirer davantage d’investissements.

Mais il y a ceux en RDC qui pensent que la Belgique n’a pas encore fait assez pour compenser son passé. La sénatrice de l’opposition Francine Nkanga, par exemple, a déclaré :

Nous ne regarderons jamais vers l’avenir sans des excuses et des réparations de la part de la Belgique.

Ainsi, même si Kinshasa et Bruxelles veulent encadrer leur relation comme une relation tournée vers l’avenir, il est clair que leur passé commun pèse toujours lourdement sur leurs pays.

En juillet 2020, la Belgique a mis en place une commission parlementaire pour se pencher sur l’histoire coloniale du pays et sur la meilleure façon de faire face à ses conséquences.

La commission devrait présenter des recommandations concrètes plus tard cette année. On espère qu’ils donneront une idée de la façon de soigner les relations entre Belges, Congolais, Rwandais et Burundais.

C’est une tâche herculéenne.

La commission a pour mission de faire la lumière sur une histoire controversée. Il est nécessaire d’évaluer de manière critique les rôles de l’État, de la monarchie, de l’Église et des entreprises sous le régime de Léopold II (1885-1908). Il couvrira également la domination coloniale de la Belgique (1908-1960) et l’histoire du pays au Rwanda et au Burundi (1919-1962).

J’ai interviewé Wouter De Vriendt, le président de la commission, pour avoir un aperçu du travail de l’équipe. Il a dit:

Les recommandations pourraient être déployées dans de nombreux domaines : décolonisation de l’espace public, patrimoine culturel, lutte contre le racisme et la xénophobie, recherche académique, éducation, relations diplomatiques et coopération au développement.

Mais certains partis politiques s’interrogent sur cette portée. Les critiques se sont également élevées de la part des personnes d’ascendance africaine vivant en Belgique.

Entre autres choses, ils disent que la commission n’inclut pas suffisamment les personnes noires et métisses, et que leurs luttes actuelles ne sont pas prises en compte. Selon eux, la parole est avant tout donnée aux experts académiques, révélant une colonialité persistante des savoirs.

En tant que professeur d’histoire qui a examiné l’influence du passé sur les relations politiques, économiques et culturelles actuelles entre l’Afrique et l’Europe, je suis conscient qu’il est crucial mais complexe de comprendre les points de vue de personnes dont nous ne partageons pas les expériences.

Le travail de la commission parlementaire belge cristallise certains de ces défis auxquels les sociétés européennes sont confrontées face à leur passé colonial. C’est peut-être sur un chemin difficile, mais c’est nécessaire.

Aux prises avec le passé

En 2020, le meurtre de George Floyd aux États-Unis et le mouvement mondial Black Lives Matter ont ravivé les revendications de longue date des organisations de la diaspora qui ont dénoncé la persistance des schémas néocoloniaux en Belgique.

Ces tendances alimentent encore aujourd’hui le racisme et la discrimination dans le pays.

En juillet 2020, le parlement belge a nommé une commission pour enquêter sur le passé colonial du pays, documenter ses conséquences et proposer des réponses appropriées.

La première tâche de la commission – composée de 17 membres issus de tout l’éventail politique belge – a été de nommer un comité multidisciplinaire. Ces 10 experts ont publié un rapport en octobre 2021.

Afin d’élargir et d’approfondir les conclusions de ce rapport, les parlementaires ont organisé des auditions avec la diaspora et la société civile. Un large panel d’experts internationaux fait également chaque semaine des présentations sur les responsabilités des acteurs impliqués dans la colonisation.

Le débat se concentre actuellement sur les types pertinents de processus de réparation et de réconciliation.

Les experts interrogés changent chaque semaine, mais trois spécialistes universitaires indépendants travaillent en permanence avec le Parlement.

Un chemin caillouteux

Dès le début, la commission a rencontré des obstacles.

Alors que l’attention publique et politique a culminé avec le mouvement Black Lives Matter, les priorités ont changé à la suite de la pandémie de COVID en 2020 et de la guerre de 2022 en Ukraine, et de leurs retombées économiques.

Cela a amené certaines parties à s’interroger sur l’importance de l’exercice de la commission.

En particulier, l’établissement de responsabilités historiques et d’éventuelles réparations financières a suscité de vifs débats entre experts et partis politiques.

Pour les observateurs, la situation humanitaire et sécuritaire désastreuse, qui s’est récemment aggravée dans l’est du Congo , devrait occuper une place plus importante dans l’agenda politique que dans l’examen de l’histoire.

Certains s’inquiètent également des gains politiques que les législateurs participant à la commission pourraient chercher à récolter.

En réponse à cela, De Vriendt m’a dit :

La commission représente un large éventail d’idéologies et d’intérêts belges et synthétise de nombreux sujets et opinions… C’est la première fois que les diasporas sont à ce point incluses dans une initiative parlementaire… Les trois universitaires indépendants contribuent en outre à dépolitiser et à objectiver le travail et méthodologie adoptés.

Pourtant, les points de vue partagés chaque semaine peuvent être diamétralement opposés. Tirer des conclusions constructives pour les générations présentes et futures sera donc une tâche ardue.

Mais lorsque je l’ai interviewé, De Vriendt a souligné que l’objectif de la commission « n’est pas de parvenir à une ‘vérité’ partagée ni de créer un consensus autour d’un récit définitif sur l’histoire ».

Son objectif, a-t-il dit, était de « démontrer que la Belgique est capable d’une réflexion ouverte, lucide et approfondie sur son passé et ses conséquences, et… des recommandations pratiques suivront, ouvrant la voie à des relations apaisées et améliorées entre Belges, Congolais, Rwandais ». et Burundais ».

Ce que signifie la réconciliation

Parmi les réparations possibles, les excuses officielles et les représailles financières sont les plus fréquemment citées. Mais ils ne sont que la pointe d’un iceberg.

Pour dépasser le passé, la Belgique envisage d’autres pistes. Il s’agit notamment de la restitution d’artefacts , de recherches conjointes entre Congolais et Belges, d’une éducation réformée, de la facilitation des visas pour les personnes originaires de ses anciennes colonies et de la lutte contre la discrimination à laquelle sont confrontés les descendants africains en Belgique.

Les recommandations finales pourraient également s’appliquer à la politique de développement de la Belgique en Afrique centrale pour favoriser des partenariats plus inclusifs et équitables.

Compte tenu de l’étendue des compétences visées, toutes les couches de l’État belge seront probablement appelées à agir dans le rapport final attendu en décembre 2022. Cela comprendra le gouvernement fédéral et les autorités locales. Ceux-ci devront à leur tour s’inspirer des propositions, s’ils choisissent de le faire.

Anne-Sophie Gijs

Professeur, Université catholique de Louvain (UCLouvain)

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