asd

RDC/Kasaï : dislocation massive vers le Katanga– le président Tshisekedi n’est ni le problème ni la solution

Avec des millions de Congolais vivant dans des camps de déplacés et de réfugiés en raison des conflits ethniques et de la violence, l’exode massif du Kasaï pourrait être jeté dans un tiroir comme si c’est la même vieille histoire en RDC qui depuis quelque temps se répète et que le monde en a marre d’entendre. Mais dans ce cas, les gens ne fuient pas pour éviter les balles et les grenades ou, de manière optimiste, pour délocaliser leurs entreprises pour de meilleures perspectives commerciales. La circonstance exceptionnelle de cette catastrophe humanitaire n’est pas un climat de peur ou de persécution, mais plutôt la famine.

Pour répondre de manière appropriée à cette dislocation qui est économique, il est important d’identifier les véritables responsables de la cause au Kasaï et du malaise au Katanga.

La réticence à adopter des mesures de modernisation économique a conduit à une croissance économique imparfaite et à aucune amélioration du niveau de vie en RDC. Il appartient toujours au gouvernement de concevoir une véritable et moderne stratégie nationale globale pour faire face à ces perturbations économiques. Au lieu d’une stratégie nationale, il existe un ensemble de programmes désuets et inadéquats qui fournissent trop peu d’aide trop tard à ceux qui en ont besoin.

En ce qui concerne le cas du Kasaï, la sonnette d’alarme a été tirée depuis longtemps.

D’une part, il est bien connu que l’économie locale a longtemps reposé sur une ressource naturelle non renouvelable, le diamant, qui a été durement touché par l’ingéniosité humaine pour les fabriquer en laboratoire, a montré tous les signes de déclin. D’autre part, la famine, ou devrait-on dire l’insécurité alimentaire, est depuis longtemps rapportée à un niveau très préoccupant au Kasaï par les ONG et les journaux locaux ainsi que par les organisations internationales.

Sur base de ces deux facteurs, le budget de l’Etat étant le document établi par le gouvernement et voté par le Parlement qui prévoit et définit les dépenses et les recettes que l’Etat est en droit d’engager et de percevoir pour l’année à venir, devrait donc refléter les mesures prises pour remédier à la situation, ce qui n’est pas le cas.

Comment le budget de l’Etat est-il élaboré puis adopté ?

Il faut dire d’emblée que la préparation du budget relève de la compétence exclusive du pouvoir exécutif du Premier ministre et non du Président de la République. Quant aux ministres nationaux, ils doivent s’abstenir de promouvoir les intérêts de leur tribu ou province d’origine, ce qui est rarement le cas.

Chaque année, sur la base des directives contenues dans la circulaire budgétaire, chaque ministre établit, avec le concours de son administration, une préfiguration du budget de ses services. Et après, le gouvernement prépare un « projet de loi de finances » qui est soumis à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Le Parlement peut alors proposer des modifications avant d’adopter une loi de finances initiale qui sera signée par le président de la République. Cette loi peut être révisée en cours d’année par une loi modificative.

Il convient de souligner ici que si le gouvernement élabore le budget, c’est le parlement qui a la prérogative d’approuver le budget ; il jouit donc du droit d’adopter le budget.

Comment un membre du Congrès s’assure-t-il que sa circonscription est correctement prise en compte dans le budget ?

Il existe des dispositions du Congrès ordonnant que les fonds soient dépensés pour des projets spécifiques ou l’allocation des dépenses gouvernementales à des projets localisés garantis uniquement ou principalement pour apporter de l’argent au district d’un représentant.

Il existe également une disposition insérée dans le projet de loi de crédits sur les dépenses discrétionnaires qui oriente les fonds vers un destinataire spécifique tout en contournant le processus d’attribution des fonds fondé sur le mérite ou concurrentiel.

Un membre du Congrès peut également faire pression sur un ministre pour qu’il insère des projets pour sa circonscription dans la ligne budgétaire de son département.

Comment un membre du Congrès s’assure-t-il que l’argent alloué ou le projet a été réalisé dans sa circonscription ?

Le Congrès peut auditer les fonds appropriés. Le Congrès, et en particulier la Chambre des représentants, est investi du pouvoir, de la capacité de contrôler les dépenses de l’argent public par le gouvernement national.

L’inspection peut prendre la forme d’une mission ou pendant les vacances parlementaires.

La définition de ce qu’être congolais est une flèche taillée pour notre identité

Une espèce envahissante est un organisme vivant ou même les graines ou les œufs d’un organisme qui n’est pas originaire d’un écosystème et qui cause des dommages. Le fait que pour être congolais il faille prouver son appartenance à une tribu documentée dans les livres ou registres coloniaux qui préexistaient au Congo avant l’indépendance dans une zone spécifique cartographiée, dépeint qu’une personne d’une tribu est considérée comme une espèce envahissante dans l’espace d’une autre.

L’un des cas flagrants est celui de Julien Paluku, alors gouverneur du Nord-Kivu et aujourd’hui ministre national, qui a suspendu, dans une note circulaire, en 2016, tout « mouvement suspect » de populations inconnues dans toute la province et dans le territoire de Beni plus précisément. Comme il y avait déjà des services de sécurité affectés à cette mission, les troupes du groupe rebelle islamiste ADF ne prennent pas les transports en commun et ce ne serait pas une bonne idée d’essayer de les attraper sans armes, et le fait que les districts de la RDC sont culturellement très homogènes, cela déléguait n’importe quelle foule de civils frustrés ou de dingues d’une tribu, Nande, en particulier, pour commettre des crimes horribles sur une autre tribu, Hutu, dans la plupart des cas. Et cela s’est produit et continue de se produire même si Beni et une grande partie de l’Ituri sont scandaleusement pauvres et coincés au Moyen Âge.

Cette affaire, comme ce qui se passe au Katanga qui n’est ni moderne ni économiquement avancé comme on l’imagine, montre comment la barbarie justifiée par le sentiment primitif valorisé par une définition délicate de la nationalité l’emporte sur la nécessité du développement social et économique de la nation. Dans l’« altérité », les entrepreneurs tribaux incitent les pauvres à attaquer d’autres pauvres sous prétexte de préserver ou de protéger leur soi-disant meilleure part de la misère nationale qui est en soi une paranoïa irrationnelle.

Pointons dans la bonne direction

On peut dire que depuis que l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo-Zaïre « AFDL », la coalition des rwandais, ougandais, burundais et des dissidents congolais, et des nations mécontentes, a renversé Mobutu Sese Seko, dans le Nord-Kivu, la ténacité des entrepreneurs politiques tribaux et leurs compromis antipatriotiques dépasse de loin celle des âmes saines et de leurs convictions. Et rien qu’en 2016, au Katanga, un désaccord entre Pygmées et Lubas autour d’une récolte de chenilles transformée en violence interethnique et entraînant 20 morts, dont deux Lubas tués par des flèches, démontre l’existence de désirs primitifs centrés sur l’ethnicité. A cela s’ajoute le fait que les affrontements entre communautés autour des ressources minérales et forestières du Kasaï sont fréquents. Mais tous ces aspects des sanglants conflits en RDC réaffirment l’argument selon lequel la « congolité » est ancrée par la constitution sur un mauvais socle.

Au lieu de penser à la Société minière de Bakwanga « MIBA », un exemple d’action simple ayant un impact direct et plus pertinent à la fois sur la lutte contre la malnutrition et sur l’apport de capital au niveau local est la relance de la production de « bisoka », biscuits énergétiques au soja. L’utilisation de fonds publics pour un programme visant à donner ces biscuits aux enfants des écoles publiques créerait un marché de garantie pour tous les acteurs impliqués dans la production et la distribution. Mais les cris pour relancer l’usine, qui a fait faillite il y a près de trente ans dans le Kasaï central, et implanter des nouvelles à travers cet espace sont tombés dans l’oreille d’un sourd, jusque-là.

On peut crier haut et fort aux effets dévastateurs de la zaïrianisation sur l’industrie agricole du Kasaï et au pillage financier et social scandaleux de la MIBA. Mais cela ne changera pas grand-chose à la trajectoire économique du gros morceau du centre de la nation. Cependant, de cette crise humanitaire, les congolais, surtout dans ce cas-ci, au Kasaï, se demandent-ils si leurs membres du Congrès font pression en leur nom sur ce qui compte vraiment, le développement économique ? Notre conscience nationale sera-t-elle suffisamment ébranlée pour repenser notre façon de nous définir ? Combinant les traits des deux formes pures de gouvernement, présidentialisme et parlementarisme, le système semi-présidentiel est-il adapté à notre panoplie de culture et d’intrigue ?

Par maladresse, poussé par les populistes, le président Tshisekedi se précipite pour s’approprier un péché qui n’est pas le sien, ce qui à son tour va potentiellement créer un plus grand drame ou le pérenniser, à l’image de ce qu’est devenu l’Est de la RDC.  Le chef de l’Etat, comme le Congolais ordinaire, doit comprendre que la crise au Kasaï et le sentiment d’incompassion au Katanga trouvent leur origine dans le comment, qui et surtout le pourquoi que les Congolais choisissent dans le processus de sélection de nos représentants. A cela s’ajoute la structure de notre forme de gouvernement et le consensus actuel sur qui est congolais.

En d’autres termes, nos représentants et notre constitution sont le problème et la solution, mais nous le sommes tous aussi.

Jo M. Sekimonyo

Auteur, théoricien, militant des droits de l’homme et économiste politique

2 Commentaires

Articles Similaires

- Advertisement -

A La Une