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Canada : le spectre du séparatisme albertain

En octobre, les membres du Parti conservateur uni (UCP) au pouvoir en Alberta éliront un nouveau chef qui deviendra ensuite le prochain premier ministre de l’Alberta.

Un enjeu déterminant dans cette course au leadership est la place de l’Alberta dans la Confédération canadienne, plusieurs prétendants discutant ouvertement de « souveraineté », « d’ autonomie » et même d’« indépendance ».

Les Albertains sont-ils vraiment si désireux de rompre les liens avec le reste du Canada? Les Canadiens devraient-ils accorder beaucoup d’attention au mouvement séparatiste en Alberta? Pour répondre à ces questions, nous avons examiné les données du récent sondage Viewpoint Alberta .

Séparatisme et économie

Le soutien à la séparation demeure un point de vue minoritaire dans la province, un sur cinq estimant que l’Alberta « devrait se séparer du Canada et former un pays indépendant ».

Il s’agit d’une petite base à partir de laquelle construire une suite à l’échelle de la province. Pourtant, les séparatistes représentent un tiers des électeurs de l’UCP – une circonscription importante pour les dirigeants potentiels devant les tribunaux.

Qu’est-ce qui motive ces Albertains à adopter une position aussi drastique?

Contrairement aux souverainistes du Québec motivés par le désir de protéger leur culture, nous constatons que les séparatistes albertains sont préoccupés par les questions fiscales et économiques.

D’après nos recherches, le mouvement séparatiste albertain est également plus ancré dans la politique partisane que dans le nationalisme.

Les séparatistes se placent plus à droite que les autres Albertains. Ils sont plus susceptibles d’appuyer les partis politiques conservateurs tant au niveau fédéral que provincial. Et ils détestent fortement le gouvernement fédéral et Justin Trudeau.

À quel point les séparatistes albertains sont-ils engagés?

Dans notre analyse, nous avons trouvé deux indices qui suggèrent que le soutien au séparatisme est moins un désir sincère de former un nouveau pays et plus une expression tactique de griefs.

La première est que la plupart des Albertains – y compris les séparatistes eux-mêmes – pensent que la séparation est peu probable. À peine un séparatiste sur 10 pense que l’indépendance de l’Alberta est « très probable » ou « se produira ».

Le deuxième indice est que la majorité des séparatistes (62 %) conservent un sentiment d’attachement au Canada. Les séparatistes sont tout simplement plus en colère et plus pessimistes quant à l’avenir du pays.

Ils n’ont pas complètement tourné le dos au Canada; ils estiment qu’il va dans la mauvaise direction et qu’il a besoin d’une réforme radicale.

Pessimisme et méfiance

La vision du monde de la plupart des séparatistes est fondée sur un sentiment de perte de statut et de méfiance à l’égard des institutions qui a alimenté les mouvements populistes ailleurs dans le monde.

Ils sont plus susceptibles d’avoir l’impression de prendre du retard sur les autres membres de la société et ils ont très peu confiance dans les gouvernements et les élites. Ces soupçons ont poussé la plupart des séparatistes à soutenir le soi-disant convoi de la liberté qui a occupé Ottawa pendant des semaines en février 2022.

Les séparatistes se sont démarqués en croyant que les dernières élections fédérales étaient injustes. Cela peut être dû au fait que leur parti préféré a perdu malgré le fait qu’il ait remporté plus de voix , ou à une croyance dans les théories du complot diffusées par les organes d’information de droite.

Quelle qu’en soit la raison, ce faible niveau de confiance – combiné à un profond sentiment de pessimisme quant à l’avenir – a déclenché des mouvements comme le Brexit et le Trumpisme dans d’autres parties du monde.

Séparatisme en Alberta

Bien que le soutien à la séparation soit un point de vue minoritaire en Alberta, ce n’est pas une position marginale. Une majorité écrasante de séparatistes appuient l’UCP à l’échelle provinciale et constituent une partie substantielle de sa base de soutien.

Un si grand bloc électoral est attrayant pour les candidats à la direction. Les promesses voilées de restaurer la « souveraineté » de l’Alberta ou d’assurer une plus grande « autonomie » peuvent aider à vendre des adhésions au parti. Ils peuvent même mener à la victoire dans la course UCP, créant une pression pour que le vainqueur tienne des promesses qui sont politiquement et constitutionnellement impossibles.

Mais nos recherches nous indiquent que flirter avec le séparatisme est susceptible de tomber à plat – voire de se retourner complètement contre lui – lors d’une élection provinciale.

L’électorat élargi de l’Alberta est fédéraliste. La majorité n’appuie pas les mesures qui diviseraient davantage la province du Canada.

Quatre-vingts pour cent des Albertains rejettent la séparation, et de solides majorités s’opposent également à l’abandon du Régime de pensions du Canada, de la GRC et de la perception de l’impôt fédéral sur le revenu. La plupart se sont opposés au « convoi de la liberté » et à ce qu’il représentait, et la majorité a confiance dans la plupart des institutions politiques.

Les candidats à la direction de l’UCP ont le choix. Ils peuvent faire semblant de soutenir les positions populistes et souverainistes pour obtenir le soutien interne du parti. Ou ils peuvent résister à cette tentation en vue de remporter les prochaines élections provinciales, de préserver l’unité nationale et de renforcer les institutions démocratiques dans le processus.

Conséquences pour le Canada

Les Canadiens à l’extérieur de l’Alberta devraient garder un œil attentif sur cette dynamique. Même s’ils n’ont pas le profil des souverainistes québécois, les séparatistes albertains sont bien placés pour exercer une influence politique significative sur les relations intergouvernementales dans les années à venir.

Le degré d’influence dépend des engagements pris par l’éventuel vainqueur de la course à la direction de l’UCP et de la réponse du reste du Canada à leur pression pour un accord plus équitable au sein de la Confédération.

Si le prochain premier ministre est incapable de tenir ses promesses en obtenant des concessions significatives du reste du Canada, les séparatistes seraient encore plus éloignés du processus démocratique. Leur déception pourrait conduire à de nouveaux troubles civils comme ce que nous avons vu du « convoi de la liberté », ajoutant du carburant à la politique du ressentiment.

Lisa Jeune

Professeur de sciences politiques, Université de Calgary, Université de Calgary

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