Où sont la CENCO, l’opposition et la société civile lorsque la constitution qu’ils crient de ne pas toucher est bafouée ?

C’était un dimanche ordinaire, du moins, c’est ce que je croyais. Je me promenais tranquillement autour du rond-point Socimat, mon laptop sous le bras, lorsque l’impensable est arrivé. En plein jour, sous un soleil éclatant, j’ai été attaqué. Mon laptop ? L’écran en miettes. Et les agents de police présents ? Des spectateurs impassibles, tout comme les passants. Ils ont regardé la scène, immobiles, comme si l’inaction était leur devoir sacré. Une véritable chorégraphie de l’indifférence.

Mais l’histoire, hélas, ne s’arrête pas là. Je me rends au poste principal sur le boulevard 24, au bureau de la police. L’agent chargé de ma plainte commence par me réclamer des « frais de dossier » pour simplement enregistrer le crime. Et, comble du ridicule, il exige encore plus pour envoyer une voiture à la poursuite des fameux kulunas. La somme totale demandée ? Bien supérieure à la valeur de mon vieux laptop brisé.

Les kulunas, dira-t-on, sont une plaie ouverte sur notre société, capables du pire, des petits larcins aux actes les plus atroces. Parfois, l’instinct primitif me tente de joindre le sentiment de beaucoup de Congolais : punir en masse, laisser la colère guider nos actions. Pourtant, la Constitution nous l’interdit. Cette loi suprême, notre pacte moral en tant que nation, ne souffre d’aucune exception. Toute règle ou acte qui la contredit est, selon ses termes, nul et non avenu.

Opération « ZÉRO KULUNA – NDOBO » : La justice ne peut se défendre en se reniant elle-même

La justice devient une farce quand elle se permet d’être violée sous le prétexte grotesque de se défendre elle-même. Comment peut-on tolérer des arrestations et condamnations arbitraires sans procès équitable, alors que l’article 19 de notre propre Constitution garantit à chaque citoyen un droit inaliénable à une audience juste devant un tribunal compétent ? En foulant aux pieds ce principe fondamental, on assassine le droit à la présomption d’innocence. Oui, assassine ! Car c’est un pilier sacré de la justice, et le bafouer revient à rendre cette dernière méconnaissable, sans âme, sans honneur.

Et que dire de ces tribunaux militaires qui s’arrogent le droit de juger des civils, en violation flagrante de l’article 156 ? Cet article est pourtant clair : les juridictions militaires ne s’occupent que des infractions commises par les membres des forces armées et de la police nationale. Juger des civils devant un tribunal militaire, comme celui de garnison de Kinshasa-Gombe, c’est une insulte monumentale à la Constitution et une démonstration effroyable de mépris envers les droits fondamentaux des Congolais. C’est un détournement abject de la justice, ni plus ni moins.

Et que dire des pratiques barbares ? Ces traitements cruels, inhumains et dégradants, que l’article 61 condamne sans appel, se perpétuent sous nos yeux comme si ces mots n’avaient jamais été écrits. En temps de guerre ou d’urgence, nous dit la Constitution, ces pratiques restent interdites. Mais non, ici, on les applique allègrement, avec une brutalité qui glace le sang. Et pire encore, on ose appliquer des punitions collectives : des arrestations arbitraires, des exécutions sommaires ! L’article 61 est pourtant explicite : on ne peut punir un groupe entier pour les crimes de quelques-uns. C’est une négation totale de l’égalité devant la loi et de la justice équitable.

Les présumés Kuluna, qu’ils soient criminels endurcis ou simples petits voleurs, restent avant tout des Congolais. Oui, des Congolais ! Ils doivent être jugés pour leurs actes de manière individuelle, selon les principes élémentaires de justice. Mais que fait-on ? On engloutit tout un groupe sous une irresponsabilité collective révoltante. C’est un système où la vengeance prend la place de la justice, où la colère écrase le droit, et où la Constitution, notre loi suprême, est abandonnée, piétinée, humiliée. Et nous, que faisons-nous ? Nous regardons. On ne cherche pas à comprendre, encore moins à rendre justice. Parce qu’après tout, pourquoi se compliquer la vie avec des droits fondamentaux, n’est-ce pas ?

Opération « ZÉRO KULUNA – NDOBO » est un théâtre absurde où la vengeance joue le rôle principal, où le droit est relégué à l’arrière-scène, bâillonné.

Un pays de sans-voix ou de cent voix qui choisissent de se taire ?

Quand Delly Sesanga a été interpellé et brutalisé par la police à Kinshasa lors d’une manifestation, les médias et les Congolais ordinaires ont crié haut et fort. Moi aussi, j’ai dénoncé cet acte, mais pas parce qu’il s’agissait de lui, un homme connu ou une figure politique. Non, je l’ai fait parce qu’il est, avant tout, citoyen congolais. Tout comme vous, tout comme moi, tout comme ces millions d’autres que personne ne voit ni n’entend. Et pourtant, quand cette même police s’acharne sur les pauvres, les anonymes, que se passe-t-il ? Un silence glacial, un mutisme qui hurle l’indifférence. Voir pire, des applaudissements. Comme si leur vie comptait moins, comme si leur existence ne méritait même pas l’ombre d’un soupir.

La CENCO, Moïse Katumbi, Matata Ponyo, Martin Fayulu, Delly Sesanga, la soi-disant opposition, et cette société civile sont prêts coaliser et à se mobiliser bruyamment, presque héroïquement, pour bloquer toute révision de la Constitution. Où sont-ils quand cette même Constitution est violée par le régime en place ? Où est leur colère quand les droits des plus vulnérables sont piétinés ? Ils sont absents. Leur silence, face à ces injustices, est non seulement assourdissant, mais profondément révoltant.

Et ce n’est pas d’hier que cette hypocrisie dure. J’ai moi-même dénoncé une loi électorale injuste et discriminatoire, une violation flagrante de la Constitution, qui marginalise les citoyens selon leur condition socio-économique. J’ai tendu la main, invité ces figures à rejoindre une initiative qui aurait pu faire bouger les choses. Et devinez quoi ? Rien. Pas un mot, pas une réponse. On peut que déduire, leur indignation est un théâtre. Leur cri est calculé, leur posture soigneusement orchestrée pour servir des ambitions personnelles. Défendre les droits du peuple ? Cela n’a jamais été leur véritable objectif.

Aujourd’hui leur seule obsession, c’est empêcher Tshisekedi d’obtenir un troisième mandat. Tout le reste, y compris mon projet de révision intégrale de la Constitution, qui n’a rien à voir avec les jeux de pouvoir actuels, n’est qu’un détail insignifiant pour eux. Le développement économique du pays ? L’avenir des Congolais ? Des poussières balayées par leurs calculs politiciens.

Mais soyons honnêtes : qui rend cela possible ? Nous, le peuple congolais. Nous avons abandonné notre souveraineté, notre dignité, à des individus a qui la politique n’est rien d’autre qu’un jeu de stratégie, un match où l’on marque des points et où le contrôle du pouvoir est la seule finalité. Et nous ? Nous restons figés dans un mélange de paresse intellectuelle et de résignation. Nous ne réalisons pas que notre propre apathie est le plus grand ennemi de notre avenir.

La justice congolaise sait pourtant mieux faire

Les membres congolais du M23-RDF, ces rebelles accusés des pires atrocités, ont-ils commis moins de crimes, en quantité ou en gravité, que les Kulunas ? Certainement pas. Pourtant, regardez comment la justice les a traités. Prenons Nangaa et consorts : accusés de crimes de guerre, participation à un mouvement insurrectionnel et trahison, ils ont été traduits devant un tribunal militaire, jugés individuellement, avec un minimum de respect pour la procédure. Chaque prévenu a eu droit à son moment devant la justice, et même si les accusations étaient accablantes, il n’y a pas eu de condamnation massive, tout le groupe M23-RDF par défaut, ni de spectacle d’humiliation publique. Pas de vidéos de leur arrestation où ils auraient été rabaissés ou traînés dans la boue.

Et pourtant, la trahison, ce crime gravissime, est bien plus sérieux que ce que l’on reproche généralement aux Kulunas. On parle ici de saper les fondations mêmes de l’État, de vendre la souveraineté nationale à l’ennemi. Malgré cela, ces prévenus ont eu droit à un procès équitable, avec un respect apparent des principes constitutionnels. On les a jugés, non pas comme une masse indistincte, mais comme des individus, chacun responsable de ses actes.

Il est clair ici que le régime sait mieux faire et respecter la Constitution. Alors, pourquoi ce respect de la justice disparaît-il dès qu’il s’agit des Kulunas ? Pourquoi eux, des jeunes souvent issus de la pauvreté et du désespoir, sont traités comme une nuisance à éradiquer, et non comme des humains responsables de leurs actes individuels comme les membres du M23-RDF.

Pourquoi cette différence flagrante de traitement ? Est-ce parce que les Kulunas n’ont pas de poids politique ? Parce qu’ils sont faciles à diaboliser ? Ou simplement parce que la population, lasse et résignée, regarde sans rien dire ? La vraie trahison : dans l’indifférence face à un système qui applique la justice selon des intérêts et non des principes. Et cette hypocrisie, plus qu’un crime, est un affront à ce que devrait être un État de droit.

Quand les règles vacillent, l’économie trébuche

La Constitution n’est pas juste un texte juridique poussiéreux qu’on sort pour les grandes occasions. C’est le contrat moral qui lie une nation à ses citoyens. Et devinez quoi ? Ce contrat a tout à voir avec l’économie. Une nation qui méprise sa propre Constitution ou la viole comme bon lui semble envoie un message désastreux à tout acteur économique sérieux. Imaginez une boutique où le propriétaire fixe les prix en fonction de la tête du client, ou décide qu’aujourd’hui vous payez en pommes et demain en chèques. Absurde, n’est-ce pas ? Eh bien, c’est exactement l’impression que donne un pays sans cadre stable et prévisible. La confiance est la colonne vertébrale de l’économie. Une justice bancale, incapable de garantir les droits fondamentaux inscrits dans la Constitution, c’est comme un pont suspendu avec des câbles en plastique. Dans ces conditions, aucun investisseur, entrepreneur ou commerçant digne de ce nom, qu’il soit étranger ou local, ne prendra le risque de s’engager dans un tel chaos où l’application des règles changent comme le vent.

Là qu’entre en scène le ridicule du domaine judiciaire comparer a d’autres, censé être le dernier rempart de la justice et de la Constitution, fonctionne comme un guichet fermé : il n’intervient que si on lui apporte un dossier sur un plateau d’argent. Oui, même si l’injustice brûle comme un feu de brousse, la justice attend tranquillement qu’on vienne frapper à sa porte. Imaginez une ambulance garée devant un accident, moteur éteint, et le conducteur qui dit : « Désolé, je ne bouge que si quelqu’un m’appelle officiellement. » Absurde ? Oui. Mais malheureusement, c’est ainsi que fonctionne tout système judiciaire.

Bien que j’aie proposé une nouvelle Constitution, radicalement différente de l’actuelle et fondée sur une vision moderne de l’économie politique, je tiens toujours à ce que la Constitution en vigueur soit respectée. Ce que je cherche à accomplir devrait être évident à travers les nombreux cas que je continue de porter devant la Cour constitutionnelle et le Conseil d’État : pousser ce système à devenir plus fonctionnel, plus responsable et, surtout, à respecter pleinement les exigences de notre Constitution. Car un cadre juridique fiable repose d’abord sur une Constitution appliquée avec rigueur. Sans cela, nous ne construisons pas une véritable économie, mais un simple jeu de hasard, où seuls les plus cyniques et les mieux placés tirent leur épingle du jeu.

Si vous me connaissez un tant soit peu, que vais-je faire ensuite ? La réponse est si évidente que je n’ai même pas besoin de vous la donner.

Jo M. Sekimonyo

Économiste politique, théoricien, militant des droits des humains et écrivain

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