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Le programme de développement de 145 territoires de la RDC : comment éviter le piège du développement du pauvre ?

La croissance économique de la RDC a ralenti, passant de son niveau d’avant la COVID de 4,4 % en 2019 à environ 0,8 % en 2020. Comme depuis des années, la croissance est tirée par le secteur extractif qui, aidé par la forte demande de la Chine, a progressé de 6,9% en 2020 (contre 1% en 2019). Dans le même temps, les secteurs non miniers se sont contractés de 1,6% (contre une croissance de 5,7% en 2019) en raison des restrictions de mobilité liées à la pandémie, de l’affaiblissement des activités commerciales et de la limitation des dépenses publiques. La consommation privée et l’investissement public ont diminué en 2020 d’environ 1,0 % et 10,2 %, respectivement. Le déficit de la balance courante s’est creusé pour atteindre 4,0 % du produit intérieur brut (PIB) en 2020 et n’a été que partiellement financé par les entrées de capitaux, ce qui a entraîné une diminution des réserves internationales.

Sur le plan social, le pays se classe au 175e rang sur 189 pays selon l’indice de développement humain 2020 (IDH), bien que certains indicateurs de l’IDH se soient légèrement améliorés de 2018 à 2020. L’indice du capital humain de la RDC est de 0,37%, inférieur à la moyenne de l’Afrique au Sud du Sahara qui est de 4,0. Cela signifie qu’un enfant né en RDC aujourd’hui sera 37% aussi productif à l’âge adulte qu’il pourrait l’être s’il jouissait d’une éducation complète et d’une pleine santé dans ses premières années. En moyenne, un enfant congolais reçoit 9,1 ans de scolarité, ce qui se traduit par 4,5 années d’années scolaires ajustées à l’apprentissage (estimation de 2020). Par rapport à l’alimentation, 43 % des enfants souffrent de malnutrition. Ce qui met en danger non seulement leurs immunités sanitaires, mais aussi leur capacite cognitive.

C’est donc dans ce contexte que le gouvernement a décidé de lancer le Programme Développement Local des 145 Territoires (PDL-145T ) programme de développement des 145 territoires de la RDC. Il s’agirait de booster le développement du pays par la base, plus précisément au niveau des territoires avec un investissement annuel autour de 10 millions USD pour la période 2021-2023. Sans considérer le contenu du programme, c’est le niveau d’investissement qui a d’abord attiré notre attention. En effet, en matière de développement, il y a fondamentalement deux manières de procéder : maximiser le bien-être sous une contrainte budgétaire donnée ou minimiser le budget sous la contrainte d’un niveau de bien-être juge acceptable par la société. Dans le premier cas, c’est le niveau du budget qui détermine finalement le niveau qualitatif and quantitatif du bien-être alors que dans le second le pays détermine d’abord le niveau de bien-être et s’emploi ensuite à mobiliser les ressources nécessaires pour le réaliser. Au-delà de différence des sémantiques, il s’agit de deux approches fondamentalement différentes. Il nous semble que le gouvernement aurait choisi la première approche. Dans cet article, nous mettons l’accent sur la nécessité d’identifier les problèmes de développement auxquels font face les territoires

congolaises avant de cogiter sur les options de solution. Ceci évitera au pays de tomber dans le piège du développement du pauvre.

Comme souligné dans mes livraisons antérieures, la formulation de la plus part de programmes de développement traduit souvent l’aveu de l’incapacité à trouver des mécanismes innovants pour suppléer à la modicité des ressources publiques. Il s’ensuit que la faiblesse majeure des stratégies de développement à la congolaise est qu’elle est presque exclusivement fonction des ressources mobilisées par les régies financières pour le compte du Trésor Public. On en arrive de ce fait à ce que nous appelons « le piège du développement à moindre coût ou le syndrome du développement du pauvre ». En d’autres termes, les leaders s’emploient à réajuster les ambitions de développement à la hauteur des ressources que leurs institutions parviennent à mobiliser à l’intérieur du pays. Au final, peut-être qu’ils auront accomplis quelques progrès, mais ceux-ci resteront très en deçà des standards de développement qui sont les mêmes aussi bien pour un citoyen américain que pour un citoyen congolais. Certes un pays ne peut dépenser qu’à la hauteur des ressources disponibles, mais il est tout aussi inacceptable qu’un pays « capitule » pour offrir à sa population un développement de qualité inferieure.

Bref aperçu du programme du gouvernement

Adossé au Plan National Stratégique de Développement (PNSD) 2019-2023, au Programme d’Actions du Gouvernement (PAG) 2021-2023 et au Programme Présidentiel Accéléré de lutte contre la Pauvreté et les Inégalités (PPALCPI), le PDL-145T, est organisé autour de quatre (4 ) composantes, à savoir :

Composante 1 : Améliorer l’accès des populations des territoires ruraux aux infrastructures et services socioéconomiques de base. Cette composante vise à mettre en place des infrastructures socioéconomiques de base (routes de desserte agricole, microcentrales photovoltaïques, lampadaires solaires, forages et mini réseaux, écoles, centres de santé, marchés, bâtiments administratifs des secteurs et des territoires et logements du staff dirigeant du territoire.) dans le but de désenclaver les territoires et de contribuer à l’amélioration des conditions de vie et d’éducation des populations ;

Composante 2 : Promouvoir le développement des économies rurales et des chaines de valeur locales. Cette composante se focalisera davantage sur l’appui au développement des activités de production et de services dans les territoires en vue de mettre en place les conditions nécessaires pour relancer les économies rurales et locales afin de les revivifier et de les redynamiser pour les inscrire sur la trajectoire de l’émergence. L’objectif final étant d’améliorer la productivité, d’augmenter le revenu des ménages ruraux et d’assurer la sécurité alimentaire ;

Composante 3 : Renforcer les capacités de gestion du développement local, dans le but de développer les capacités techniques, organisationnelles, institutionnelles et communautaires pour une bonne gestion du développement local. A terme, cette composante vise une autonomisation des communautés locales pour produire les services de qualité en milieu rural en se basant sur l’approche de décentralisation.

Composante 4 : Développer un système d’information géo référencé de suivi à même de renseigner sur les progrès du programme. Cette composante vise principalement à mettre en place un dispositif efficace de suivi et d’évaluation des progrès du programme. A terme, ce système servira d’instrument de suivi de la mise en oeuvre des politiques et programmes publics pour d’une part évaluer l’impact des résultats du développement à tous les niveaux dans la matérialisation de la vision globale du développement et d’autre part, pour être utilisé comme un outil d’aide à la prise de décisions pour l’ajustement des politiques publiques.

De quoi souffrent les territoires de la RDC ?

La mise en œuvre de programmes de transformation structurelle visant à promouvoir un développement économique inclusif doit s’inscrire dans des contextes spatiaux, politiques et socioéconomiques spécifiques. Pour des raisons d’efficience et d’efficacité, la conception de ces programmes doit donc tenir compte de contraintes budgétaires axées sur des objectifs et de délais limités. Alors qu’un programme efficace est celui qui produit le résultat escompté, un programme efficient produit le même résultat de manière optimale avec le moins de gaspillage de ressources possible. Pendant de nombreuses années, les outils de ciblage traditionnels tels que les cartes de la pauvreté se sont avérés utiles pour rendre les programmes plus efficients, en aidant les décideurs à identifier les zones à forte concentration de ménages pauvres et, en fin de compte, en guidant la conception de réponses efficaces. Bien que ces outils aient le potentiel d’éviter de gaspiller des ressources en réduisant l’affectation de fonds aux endroits où des erreurs d’inclusion sont plus susceptibles de se produire, leur capacité d’accroître l’efficacité des programmes est limitée parce qu’ils offrent peu d’information sur les rendements économiques potentiels des investissements proposés.

Pour un pays comme la RDC, la  transformation structurelle du secteur agricole reste le moteur le plus efficace pour produire une croissance inclusive. Cependant, l’hétérogénéité spatiale dans les zones rurales, liée aux caractéristiques des terres, au climat, aux ressources en eau, aux avoirs en actifs, au capital humain, aux disparités entre les sexes et aux niveaux d’accès aux marchés locaux ou régionaux, exige que les programmes et les investissements axés sur le développement soient adaptés à chaque contexte spécifique. Pour transmettre pleinement l’impact de la transformation agricole sur la croissance des revenus, la sécurité alimentaire, l’égalité, la création d’emplois et la réduction de la pauvreté, des programmes bien conçus et bien ciblés doivent non seulement augmenter la productivité et les revenus des ruraux pauvres, mais aussi s’attaquer aux disparités sociales et de genre qui pourraient limiter ou accroître l’impact de ces politiques. Les liens contextuels entre les groupes sociaux ayant différents niveaux de régime foncier; différents niveaux d’accès aux marchés, aux services financiers et à l’emploi rural; et les différences en matière de capital social et de vulnérabilité à une mauvaise nutrition et à une mauvaise santé doivent être identifiées et prises en compte dans la conception des programmes.

De nouvelles données, de nouveaux outils, de nouvelles analyses géospatiales, de nouvelles techniques de modélisation ex-ante et de nouvelles technologies de l’information sont de plus en plus accessibles. Ces nouveaux outils et données offrent l’opportunité sans précédent de fournir des connaissances spécifiques pour guider le ciblage et l’identification des programmes, la réplication et la mise à l’échelle des expériences réussies, ainsi qu’une gestion efficace des ressources.

Nous présentons ici quelques résultats d’une typologie de sécurité alimentaire et nutritionnelle (SAN)  menée par  Ulimwengu et Marivoet (2021) pour un groupe des provinces. Pour cet article, nous nous concentrons uniquement sur les  provinces qui comprennent l’Oubangui du Nord, l’Oubangui du Sud et  l’Équateur  qui ont  15 territoires et quatre villes statutaires(villes):Mbandaka, Gemena, Zongo et Gbadolite. La typologie spatiale appliquée à cette étude est conçue pour générer des informations de base sur l’éventail des goulots d’étranglement qui entravent la SAN en indiquant les types et la gravité des contraintes observées tout au long de la chaîne de valeur alimentaire et en identifiant les priorités d’intervention. Le cadre conceptuel utilisé pour cette typologie s’aligne à peu près sur les piliers séquentiels de la SAN, c’est-à-dire la disponibilité, l’accès et l’utilisation. En plus de collecter et de profiler les données pour chaque pilier individuellement, la typologie interconnecte les différentes dimensions, ce qui est essentiel pour saisir le tableau complet, comprendre la chaîne causale qui détermine l’état nutritionnel et guider les politiques publiques sur la malnutrition.

Nous utilisons une approche chronologique;  du potentiel agricole à la nutrition. Pour que la production alimentaire soit efficace, les agriculteurs ont besoin d’un accès durable, par exemple, au crédit, aux semences, aux engrais et aux connaissances pour pouvoir exploiter le potentiel agricole existant. Mais même si suffisamment de nourriture est produite, l’accès des familles pourrait encore être limité en raison de toutes sortes de coûts de transaction, tels que les barrières commerciales, les mauvaises infrastructures de transport et les prix élevés. Enfin, même lorsque les familles ont obtenu un accès à la nourriture, la nutrition peut encore être compromise par diverses contraintes d’utilisation empêchant une absorption adéquate des nutriments par les individus. Ces contraintes peuvent être liées aux habitudes de cuisson, aux allocations intra-ménages, à la sécurité alimentaire et aux conditions de santé et d’assainissement.

Conformément au cadre conceptuel, nous identifions l’emplacement et la gravité des obstacles aux étapes clés de la chaîne, du potentiel agricole à l’état nutritionnel. En comparant les cartes sur les performances absolues et relatives, nous pouvons expliquer la contre-performance agricole par une série d’inefficacités de production, d’accès et d’utilisation. Nous présentons trois ensembles de trois cartes. Le premier ensemble indique l’efficacité de la capacité de production agricole de chaque territoire par rapport au potentiel existant, tout en soulignant la performance relative de chacun. Le deuxième ensemble indique comment la production agricole se traduit par l’accès à la nourriture, détaillant à nouveau les contraintes relatives auxquelles sont confrontés les ménages dans chaque territoire ou ville. Le troisième ensemble se concentre sur la conversion de la consommation alimentaire aux résultats nutritionnels et sur les performances de chaque territoire ou ville par rapport aux autres. Pour toute analyse comparative relative, il est important de souligner qu’une performance moyenne ou même supérieure  à la moyenne n’implique pas nécessairement une « bonne » performance, ni une efficacité inférieure à la moyenne n’est automatiquement une « mauvaise » performance.

Les résultats indiquent qu’à l’exception de Gemena et, dans une moindre mesure, de Mbandaka, la figure 1 indique que toutes les zones de ce groupe nord-ouest ont un potentiel agricole plus que suffisant pour produire les quantités requises de nourriture (voir la première carte). Cependant, la production réelle est beaucoup plus faible pour la plupart des territoires, en particulier pour Bosobolo, Businga et Bikoro, qui ont une production quotidienne inférieure à 2 500 kilocalories par personne. Bien qu’ils produisent moins que leur potentiel, Makanza et surtout Yakoma sont beaucoup plus performants que leurs homologues de leur cluster, produisant respectivement plus de 7 500 et 15 000 kilocalories par personne et par jour.

La figure 2 montre que les piètres performances agricoles de Bosobolo, Businga et Bikoro ne se traduisent pas nécessairement par un accès tout aussi médiocre à la nourriture pour leurs populations respectives. En effet, avec environ 50% des ménages enregistrant une consommation alimentaire acceptable, les marchés alimentaires et les chaînes de valeur de Bikoro sont nettement plus performants que prévu sur la base de la capacité de production du territoire. Inversement, la faible production agricole de Bosobolo est encore aggravée par les piètres performances d’accès du territoire, ce qui fait que moins de 14% des ménages ont une consommation alimentaire acceptable. La même observation s’applique à Lukolela, bien qu’elle ait même une performance agricole légèrement meilleure que  Bosobolo. Avec une performance relative moyenne, la faible capacité de production de Businga se traduit en outre dans la dimension d’accès avec environ 20% des ménages enregistrant un score de consommation alimentaire (SCA) acceptable;  dans  les territoires les plus performants de Makanza et Yakoma, les niveaux acceptables de consommation alimentaire atteignent respectivement environ 60 % et 80 % des ménages.

Malgré les scores d’accès à la nourriture les plus faibles, Bosobolo et Lukolela n’ont    pas les taux de retard de croissance des enfants les plus élevés  parmi toutes les régions du nord-ouest, grâce à des performances d’utilisation supérieures à la moyenne. En effet, comme le montre la figure 3, Kungu, Libenge, Gemena (territoire), Budjala et Mobayi-Mbongo ont les niveaux de retard de croissance les plus alarmants ; entre 45 et 50 pour cent de tous les enfants de moins de cinq ans souffrent d’un retard de croissance. Alors que le résultat observé est principalement lié à une faible efficacité d’utilisation à Kungu, Budjala et Mobayi-Mbongo, l’amélioration de l’état nutritionnel des enfants à Libenge et Gemena (territoire) nécessite principalement de mettre l’accent sur l’élimination des contraintes d’accès.

Comment faire la typologie des interventions

Cette section présente un ensemble de critères visant à déterminer les potentiels domaines d’intervention, y compris la  sélection des chaînes de valeur pour la programmation des investissements. Étant donné que l’emplacement détermine en grande partie l’éventail des options de chaîne de valeur, nous présentons d’abord une liste de critères pour guider la sélection des zones d’interventions avant de procéder à la sélection des chaînes de valeur.

Le tableau 2 présente une liste de critères potentiels pour identifier les emplacements appropriés pour le développement des chaines de valeur agricole. Sans définir de seuils réels, la plupart de ces critères peuvent avoir une limite inférieure et supérieure. Du point de vue du développement inclusif, par exemple, le fait de concentrer les interventions sur les zones où l’incidence de la pauvreté est la plus élevée peut avoir un impact substantiel sur la réduction de la pauvreté. Toutefois, lorsque la pauvreté est trop répandue, le développement de la chaîne de valeur peut être moins efficace que la fourniture d’une aide humanitaire directe. Dans une certaine mesure, une logique similaire de conditions minimales et d’impact maximal s’applique à la plupart des critères.

Les deux premiers critères exigeront que les interventions futures se concentrent sur les zones les plus pauvres dans chacun des trois groupes focaux. La pauvreté peut être mesurée en termes de consommation réelle ou de niveaux de propriété d’actifs par rapport à un seuil donné (seuil de pauvreté). Alors que le premier se concentre sur le bien-être actuel, le second ajoute une perspective dynamique en termes de vulnérabilité, de résilience ou de croissance. Ces informations peuvent être tirées de la dernière enquête nationale sur la consommation menée en RDC (l’enquête  123  réalisée en  2012/2013).

Les critères 3 et 4 se concentrent davantage sur la dimension alimentaire et donnent la priorité aux zones présentant les taux de malnutrition ou d’insécurité alimentaire les plus élevés tout en tenant compte des niveaux actuels d’excédent de production. Ce dernier critère va encore une fois dans deux directions : dans les zones où il y a un excédent de production, les chaînes de valeur peuvent naturellement être « poussées » à envisager le développement de produits pour approvisionner des marchés plus éloignés. De même, les interventions planifiées peuvent également se concentrer sur l’expansion du développement de la chaîne de valeur par le biais de la transformation. Cependant, lorsque la production alimentaire actuelle est déficiente, le développement des chaînes de valeur peut inciter les petits exploitants agricoles à produire davantage (Voir Ulimwengu et Marivoet (2021) pour les informations sur la façon d’appliquer ces critères liés aux aliments.

Un cinquième critère possible consiste à utiliser des indicateurs environnementaux pour déterminer les zones où le développement de chaînes de valeur de manière intelligente par rapport au changement climatique et sensible  à l’environnement  pourrait avoir le plus grand impact en termes de sauvegarde des écosystèmes (forêts, poissons, récolte de produits forestiers non ligneux), d’atténuation du risque de dégradation tout en équilibrant la valeur des écosystèmes et leurs fonctions (puits de carbone, biodiversité) avec leur importance pour les moyens de subsistance actuels.

Les critères 6 et 7 comprennent principalement des conditions minimales en termes de sécurité humaine et  d’absence de violence, d’une part, et d’infrastructures de base, d’autre part. Il s’ensuit que les programmes de la chaîne de valeur devraient inclure des éléments pour la résolution des conflits et la construction d’infrastructures; sinon, bien que les conditions de vie soient généralement mauvaises dans de tels  endroits, la mise en œuvre de programmes de chaîne de valeur peut ne pas produire l’impact escompté. Pour les conflits, les données rassemblées par l’Armed  Conflict Location  and Event Data Project (ACLED) sont une bonne source, tandis que les informations sur l’infrastructure de base pourraient être compilées à partir de diverses enquêtes auprès des ménages et d’autres sources de données. Les infrastructures de base devraient inclure les transports (routes, stations-service, ferries, voies navigables, ports), les télécommunications, l’eau, l’énergie (électricité) et les unités de stockage et de traitement agricoles existantes.

Le critère 8 vise à soutenir et à mettre à l’échelle les initiatives réussies du secteur privé tout en identifiant les opportunités futures grâce à la cartographie des activités actuelles du secteur privé ainsi qu’à l’emplacement de marchés rentables et captifs. L’accès à ces marchés dépend à nouveau à la fois des niveaux minimaux d’actifs (productifs) des ménages (voir critère 2) et des infrastructures de base (critère 7), chacun ayant une dimension physique, économique et sociale.

Les deux derniers critères tiennent compte de la cartographie des activités en cours et futures d’autres organisations sur le terrain, ainsi que des politiques nationales et locales, qui sont importantes pour exploiter les synergies possibles, obtenir un soutien institutionnel et ainsi augmenter le taux de réussite des interventions futures. En ce qui concerne les politiques, il est important de faire le point sur les décisions passées et à venir en termes d’aménagement du territoire et d’affectation des terres (mines, agriculture, sylviculture), d’investissements majeurs dans les infrastructures (création de zones économiques spéciales / pôles de croissance, agro-incubateurs planifiés) et de réformes législatives (droits fonciers, impôts)–et comment les décisions nationales s’alignent, se chevauchent ou se contredisent entre les secteurs et comment elles sont déployées localement,  où ils interagissent avec les politiques locales et d’autres structures de gouvernance. Ces informations ajouteront un contexte social et contextuel à la rigueur statistique des huit premiers critères.

Critères pour sélectionner les chaines de valeur agricoles.

Le tableau 3 présente une liste de critères potentiels pour guider la sélection des chaînes de valeur. Un premier critère concerne l’aptitude des zones à cultiver des matières primaires/rangées (cultures vivrières ou commerciales) pour les chaînes de valeur sélectionnées. Cela nécessite des données et des analyses telles que des cartes d’adéquation des cultures et d’autres informations biophysiques pour évaluer les dotations naturelles et les avantages comparatifs de divers endroits.

Pour que l’avantage comparatif se traduise par un avantage concurrentiel et augmente le revenu des ménages, une infrastructure minimale et la disponibilité des facteurs de production, ainsi qu’une demande solide, devraient être en place afin de promouvoir des chaînes de valeur axées sur les entreprises. Le critère de compétitivité va nécessiter des données et des analyses sur la structure des coûts des facteurs de production, la taille du marché, les tendances futures et les préférences des consommateurs.

La rentabilité d’une entreprise dépend également des activités et des structures de marché qui résultent d’autres opérateurs du secteur privé. Outre la concurrence, il pourrait être utile de cartographier ces activités et ces marchés pour identifier les domaines potentiels de collaboration et d’alignement. Par exemple, les unités de stockage et de transformation existantes utilisées pour une chaîne de valeur pourraient être utiles et rentables pour le développement d’une autre chaîne grâce à des économies d’échelle et d’agrégation. Dans le même ordre d’idées, les acteurs de la chaîne de valeur ou les fournisseurs de services pourraient facilement étendre leurs activités actuelles pour s’engager dans d’autres chaînes de valeur qui impliquent le même type de ressources et de travail.

Un quatrième critère possible est lié à la capacité des chaînes de valeur à autonomiser les groupes vulnérables (tels que les pauvres et les femmes) afin d’accroître le revenu des ménages et de réduire leur vulnérabilité. Au-delà du ciblage des groupes vulnérables, les chaînes de valeur sélectionnées devraient avoir le potentiel de fournir des emplois au plus grand nombre de personnes possible (cinquième critère). La meilleure garantie d’un développement à large assise est que les activités de la chaîne de valeur sont organisées par des acteurs de différentes tailles d’une manière plutôt intensive en main-d’œuvre (par opposition à une économie de capital), étant donné que le travail est le facteur de production clé que la plupart des populations rurales ont en abondance. En tout état de cause et dans la mesure du possible, les chaînes de valeur devraient être sélectionnées et organisées de manière à encourager les synergies entre les entreprises de différentes tailles.

Outre l’alignement sur les préférences actuelles des consommateurs, un sixième critère peut exiger que les chaînes de valeur soient sélectionnées en fonction de leur potentiel à diversifier l’alimentation des ménages et à remédier aux carences nutritionnelles actuelles. Cela nécessite une analyse combinée des régimes alimentaires actuels et des types d’aliments qui peuvent le mieux fournir les nutriments requis.

Un septième critère exige que les chaînes de valeur sélectionnées soient à la fois sensibles au climat et durables sur le plan environnemental, tout en étant résilientes. Alors que la première exigence pourrait être évaluée au moyen d’études d’impact sur le climat et l’environnement (si disponibles), qui détermine la probabilité et la gravité de la déforestation, de la pollution de l’eau, du déclin de la fertilité des sols, de l’érosion et de la perte de biodiversité, la seconde mesure la vulnérabilité d’une chaîne de valeur aux changements climatiques et environnementaux. La durabilité et la vulnérabilité pourraient être évaluées à différents stades de la chaîne de valeur, c’est-à-dire de la production agricole à la distribution et à la consommation finales.

Les critères 8 et 9 tiennent compte des activités en cours et futures, ainsi que des politiques nationales et locales, afin d’assurer un maximum d’alignement, de synergie et de faisabilité politique.

Quelles interventions pour booster le développement des territoires congolais ?

L’exemple de typologie spatiale proposée dans cet article rapport vise à aider les leaders congolais à tous les niveaux, particulièrement au niveau des territoires de mieux cibler leurs investissements en identifiant les domaines et activités hautement prioritaires. Bien que la typologie utilise une approche de sécurité alimentaire comme principal cadre analytique, son application intègre des objectifs et des cibles de développement au sens le plus large.

Dans l’ensemble, les résultats confirment des écarts importants entre un potentiel agricole élevé et de faibles niveaux de résultats de développement dans les zones sélectionnées. Dans la plupart de ces domaines, des investissements bien définis, associés à des politiques et à des infrastructures de soutien, devraient suffire pour déclencher un  processus de transformation agricole durable. Le bref examen des sites ayant un potentiel avéré confirme l’importante dotation du pays en ressources agricoles sous forme de terres et d’eau. Cependant, un environnement commercial peu attrayant, le manque d’infrastructures de transport (routes, chemins de fer et voies navigables) et d’énergie empêchent les territoires du pays de transformer leur énorme potentiel en opportunités de développement inclusif.

Le secteur agricole en RDC est principalement dominé par les petits exploitants agricoles qui sont toujours confrontés à de multiples contraintes, notamment le manque d’infrastructures et de services; des vides institutionnels; un accès limité au marché (aux marchés des intrants et des extrants) et un accès insuffisant aux ressources (physiques,  humain, technologie et information). En outre, ils doivent également faire face à des systèmes logistiques de plus en plus complexes, à des marchés alimentaires mondiaux concurrentiels et à des exigences plus strictes en matière de normes de qualité de la part des consommateurs. Ces contraintes se perpétuent souvent d’elles-mêmes ; par exemple, l’absence de routes pavées dans la plupart des zones ciblées entraîne des coûts de transport élevés et des obstacles au commerce, ce qui rend les prix des intrants agricoles essentiels comme les engrais et les semences améliorées deux à six fois plus élevés que dans d’autres régions du monde. En outre, les agriculteurs tentent de faire face à la faible fertilité des sols en défrichant des terres supplémentaires et provoquent ainsi la déforestation et les émissions massives de gaz à effet de serre, ce qui réduit encore les  rendements et la  production.

Que faut-il faire ? Premièrement, le pays doit créer un environnement commercial favorable à l’agriculture et à l’agro-industrie, qui comprend un environnement politique stable et un environnement financier favorable. Deuxièmement, le pays doit mettre en place des cadres institutionnels et juridiques efficaces pour régir le secteur agricole, y compris les marchés des intrants et des extrants, les finances et les assurances, la fourniture de machines et de matériel agricole, la commercialisation et le commerce. Troisièmement, une réforme institutionnelle est nécessaire pour soutenir la transformation structurelle du secteur agricole, y compris la recherche et le développement (R&D), la formation et l’éducation agricoles, la prestation de services techniques et la planification multisectorielle. Quatrièmement, des investissements doivent être faits dans les infrastructures rurales, y compris les marchés, les transports, les installations de stockage, l’assainissement, l’irrigation, l’énergie et les technologies de l’information et des communications. Cinquièmement, des politiques et des interventions plus ciblées devraient soutenir la commercialisation des produits des petits exploitants et à promouvoir les petites et moyennes entreprises. Compte tenu de la diversité des dotations naturelles, de la capacité de production en RDC, chaque territoire devra soigneusement adapter le programme de transformation en fonction de ses propres circonstances spécifiques.

Compte tenu des contraintes identifiées au niveau des territoires, quel niveau de développement peut-on espérer d’un niveau d’investissement de 10 millions USD sur deux ans ? Juste pour besoin de comparaison, certains de ces territoires (Bafwasende, 48.817km2 ; Kamina, 41.887 km2 ; Oshwe 41.732 km2 ; Ubundu, 41.536 km2 ; Bondo, 37.844 km2 ; Monkoto, 35.820 km2 ; Mambasa, 35.604 km2 ; Manono, 34.614 km2 ; Ango, 34.522 km2 ; Dungu, 33.887 km2 ; Sandoa, 30.404 km2 ; Lomela, 28.733 km2 ; Kamonia, 27.491 km2 ; Aketi, 27.380 km2 ; Kasongo-Lunda, 27.117 km2 ; Opala, 26.453 km2) sont plus grands que le Rwanda (26.338 km2) dont le budget annuel est de 3,9 milliards USD. On n’a pas besoin d’une analyse approfondie pour comprendre que la mise en œuvre, même réussie, du PDL-145T, va maintenir l’ensemble de la RDC sur une trajectoire de développement bien inférieure à celle du Rwanda ! Peut-être que telle est la volonté des congolais !

Dr. John Mususa Ulimwengu

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