Qui sont les jésuites ?

Pendant des siècles, les jésuites ont porté plusieurs casquettes : missionnaires, éducateurs et prédicateurs ; écrivains et scientifiques; prêtres avec les pauvres et confesseurs des cours royales d’Europe.

Je suis un érudit du catholicisme et un prêtre qui appartient à la Compagnie de Jésus (plus communément appelée les Jésuites) – souvent considérée comme l’un des ordres religieux les plus influents de l’Église catholique.

Mais les jésuites font également partie des groupes les plus controversés de l’Église : ils se sont parfois heurtés à des groupes catholiques ayant des opinions ou des autorités ecclésiastiques différentes, et ils ont également été accusés de connivence en politique. Par exemple, craignant que l’ordre n’interfère dans la politique américaine, le père fondateur John Adams écrivit à Thomas Jefferson en 1816 que l’ordre méritait « la perdition éternelle sur terre et en enfer ».

Alors, qui sont les jésuites ? Et qu’est-ce qui les rend distinctifs?

Soldat à saint

En 1521, le noble basque Iñigo López – connu dans l’histoire sous le nom de Saint Ignace de Loyola – a été grièvement blessé lors d’une bataille contre les Français à Pampelune, en Espagne. Une prière intense pendant des mois de récupération douloureuse a provoqué une transformation personnelle qui l’amènera à fonder la Compagnie de Jésus en 1534.

Ignace a compilé ses idées spirituelles dans un manuel de prière appelé les « Exercices spirituels ». Ce livre avait pour but d’aider les gens à « chercher et trouver la volonté de Dieu » et de les guider à travers une retraite silencieuse d’un mois.

Pendant ses études à l’Université de Paris, Ignace a réuni un petit groupe d’ hommes partageant les mêmes idées qu’il a guidés à travers les « Exercices Spirituels ». Ils devinrent les premiers jésuites, élisant bientôt Ignace comme leur chef, le premier supérieur général. Au moment de la mort d’Ignace en 1556, il y avait environ 1 000 jésuites répartis en Europe, en Inde et au Brésil .

Une mission, plusieurs façons

Les ordres religieux catholiques exigent généralement de leurs membres qu’ils prononcent trois vœux à vie : pauvreté, chasteté et obéissance. Le «quatrième vœu» jésuite supplémentaire est un engagement à être disponible pour être envoyé travailler là où les besoins de l’église et du monde sont les plus pressants. Souvent, cela signifie entreprendre des ministères dans des coins reculés du globe ou dans des domaines d’études émergents.

Le désir de « chercher Dieu et de trouver la volonté de Dieu en toutes choses » est également intégré à l’ordre . Cette conviction a historiquement attiré les jésuites vers de nombreux domaines d’études différents , y compris les mathématiques et les sciences , et les a envoyés dans des endroits éloignés. Les explorateurs jésuites ont cartographié le fleuve Amazone et découvert la source du Nil Bleu . Seize astéroïdes et quelque 34 cratères lunaires portent le nom des astronomes jésuites.

À une époque où l’enseignement public était rare, ils ont répondu à ce besoin et ont construit un réseau d’écoles à travers l’Europe, l’Amérique latine et l’Asie . Leurs écoles ont développé un programme d’ études innovant qui intégrait la rhétorique, les classiques, les arts et les sciences .

L’éducation continue d’être l’un des principaux axes de l’ordre, avec près de 200 universités fondées par des jésuites et des centaines d’autres lycées et projets éducatifs à travers le monde.

Des paratonnerres pour la controverse

Le travail des jésuites les a parfois plongés dans des controverses et des critiques.

Parmi les plus connus, le débat sur les « rites chinois » au XVIIe siècle. Convaincus que le christianisme se répandrait plus rapidement s’il s’adaptait aux cultures locales, les missionnaires jésuites en Chine incorporèrent des éléments de vénération des ancêtres confucéens dans les rituels catholiques. Ce mouvement a été violemment opposé par les missionnaires franciscains et dominicains, et le pape Clément XI a interdit la stratégie en 1704 .

L’association étroite des jésuites avec les cours royales et la papauté a rendu l’ordre influent, mais aussi vulnérable à l’opposition. En commençant par les territoires de l’Empire portugais, les jésuites ont été progressivement expulsés de tous les territoires des Bourbons – des régions qui font aujourd’hui partie de l’Espagne, de l’Italie et de la France et de leurs anciens empires – et des terres des Habsbourg d’Europe centrale. Cédant à la pression politique, le Vatican a officiellement aboli les jésuites , et ils n’ont eu aucune existence officielle de 1773 à 1814.

S’adapter au changement, embrasser la justice

En 1965, le Père Pedro Arrupe , un Basque qui avait passé une grande partie de sa vie au Japon, fut élu 28e supérieur général des Jésuites. À l’époque, l’Église catholique mettait en œuvre les enseignements du Concile Vatican II , adaptant de nombreuses pratiques pour qu’elles soient plus pertinentes à un monde en mutation qui connaît la décolonisation, la politique de la guerre froide et le déplacement de la population catholique vers l’hémisphère sud.

Sous la direction d’Arrupe, les jésuites ont officiellement déclaré qu’un engagement envers la justice était essentiel au travail de leur ordre. Cette évolution a amené de nombreux jésuites à adopter des positions progressistes en religion et en politique. Les jésuites d’Amérique latine, par exemple, ont adopté des aspects de la théologie de la libération , qui mettaient l’accent sur le souci des pauvres et des opprimés : subvenir aux besoins des gens non seulement spirituellement, mais matériellement. Aujourd’hui, dans l’esprit de beaucoup, les jésuites continuent d’être associés à des points de vue plus progressistes et libéraux .

Comme ceux d’autres ordres catholiques, les prêtres jésuites du monde entier ont été accusés d’abus sexuels. Un récent rapport d’église en Espagne, par exemple, a identifié 96 agresseurs, dont la plupart étaient déjà décédés.

Pendant ce temps, des recherches plus historiques se font jour sur l’implication des jésuites dans l’esclavage . En 2021, l’ordre a promis 100 millions de dollars américains pour les descendants de personnes réduites en esclavage par l’Université de Georgetown au XIXe siècle et pour des initiatives de justice raciale.

Le pape François et l’avenir des jésuites

La perspective d’un pape jésuite était autrefois considérée comme peu probable, étant donné les tensions parfois entre les autres dirigeants de l’église et l’ordre. Par conséquent, l’ élection en 2013 du jésuite Jorge Bergoglio en tant que pape François en a surpris beaucoup, et son pontificat a continué dans cette veine.

Le pape François a tour à tour été salué comme un modernisateur accueillant les catholiques LGBT et critiqué pour sa réactivité insuffisante à la crise des abus sexuels cléricaux .

Les observateurs du Vatican notent quelques accents ignatiens caractéristiques dans les priorités, le langage et le style de gestion du pape François , y compris une plus grande attention aux pauvres. Il a souligné la nécessité de considérer tous les aspects d’un argument lors de la prise de décisions de l’église et a montré une volonté pragmatique d’envisager de nouvelles approches.

Les priorités futures des jésuites continueront d’évoluer au fur et à mesure que l’ordre s’adaptera aux nouvelles circonstances. Mais ce sont les « Exercices spirituels » qui restent au cœur de l’identité et de la mission des 17 000 jésuites d’aujourd’hui .

Dorian Llywelyn

Président, Institut d’études catholiques avancées, USC Dornsife College of Letters, Arts and Sciences

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