RDC – M23/RWANDA: Tshisekedi devrait emprunter le livre de jeu de Museveni pour mettre Kagame à genoux

Dans le discours à la nation du président de la République, ce jeudi 3 novembre 2022, hormis un bref mea culpa camouflé et des lamentations, un constat s’impose : l’incapacité à donner du sens au chemin choisi et parcouru et à présenter une inédite résolution. En fin de compte, il n’a fait qu’alimenter les tempéraments congolais déjà surexcités avec une cuillerée de populisme au lieu d’une approche et d’un fouet modernes et appropriés contre le Rwanda.

Le passé tumultueux du Rwanda et de la RDC a déjà entraîné des coûts humains incalculables pour les Congolais et est loin d’être terminé.

Certains trouvent que c’est le résultat d’une élite congolaise qui ne veut pas, pour des raisons personnelles ou idéologiques, faire ce qu’il faut pour mettre fin à la folie de Kagame et obliger les Rwandais à redessiner leur feuille de route de développement économique.

D’autres pointent que le fait que l’élite congolaise ne veuille pas troquer sa motivation à consolider l’illusion d’opulence au profit du développement économique et social national qui permet à Paul Kagame de se faufiler militairement en RDC et de servir à financer son fantasme de grandeur. Pour cette élite et Kagame, les vies congolaises perdues à cause de cette manœuvre sont classées comme un simple aléa moral.

Cependant, plutôt que tantôt carottes tantôt grimaces, Tshisekedi aurait dû emprunter le stratagème de Museveni qui a réduit Kagame à un garçon docile.

Museveni vs. Kagame

Le résidu l’affrontement d’ego entre deux dictateurs autocratiques, Museveni et Kagame, pendant la guerre des Six jours, une série d’affrontements armés entre les forces ougandaises et rwandaises autour de la ville congolaise de Kisangani en juin 2000, n’a jamais disparu.

Le match de boxe a repris en 2005 lorsque Kampala a estimé que Kigali avait manqué de respect à Museveni lors du sommet du COMESA à Kigali et Kagame, à son tour, a annulé une visite à Kampala sans préavis, alors même que de hauts responsables ougandais l’attendaient déjà à l’aéroport. Par la suite, le Rwanda accusa l’Ouganda d’abriter le Congrès national rwandais (CNR) dirigé par l’ennemi juré de Kagame, Kayumba Nyamwasa, et Tribert Rujugiro qui est reproché de financer des activités subversives contre le Rwanda. Quant à Museveni, il lança une contre-accusation que le Rwanda s’est livré à des actes d’espionnage et a tenté de déstabiliser l’Ouganda.

A défaut de fabriquer un groupe armé en Ouganda comme il l’a fait à plusieurs reprises en RDC, en 2019, Kagame pique une crise and lance un assaut économique sur l’Ouganda. Il ferme le passage frontalier de Gatuna/Katuna entre l’Ouganda et le Rwanda, scellant la rupture.

Quand Museveni déclare que « ceux qui tentent de déstabiliser notre pays ne connaissent pas notre capacité », Kagame rétorque que « personne nulle part ne peut me mettre à genoux ».

Puis vient 2022, on a la surprise de voir le tout-puissant Paul Kagame ramper sur ses genoux comme un adolescent docile aux pieds du vieil homme. Il rouvre la frontière avec l’Ouganda, mettant fin à une impasse de trois ans.

Quelle mouche l’a piqué ?

Le clou au bon endroit

Des troupes militaires ont été déployées aux frontières adjacentes par les deux pays en prévision de la guerre alors que le commerce entre les deux s’éteint. Le ministère ougandais du commerce avait estimé que la fermeture du poste frontière avait entraîné une perte d’environ 200 millions de dollars de recettes d’exportation pour son voisin sur un an.

Côté burundais, les frontières avec le Rwanda étaient fermées depuis 2015, du temps de feu Nkurunziza.

Même ses inamités avec la Tanzanie, rien n’indiquait que Kagame pouvait changer d’avis.

Il semblait que la RDC par ses relations extra-favorables avec Tshisekedi lui suffisait.

Puis l’Ouganda, au milieu d’une impasse avec le Rwanda voisin, a annoncé qu’il aiderait à financer des projets d’asphaltage de plus de 200 kilomètres de route à l’intérieur de la RDC voisine dans le cadre de plans visant à stimuler le commerce entre les pays.

La plus menaçante pour les intérêts économiques du Rwanda est la route de 89 km reliant le poste frontière de Bunagana à la ville de Goma, ce qui dirigerait potentiellement la majorité du commerce du Rwanda vers l’Ouganda, un marché plus grand et meilleur pour les congolais.

En d’autres termes, les Ougandais ont en quelque sorte compris que les sentiments congolais contre le Rwanda devaient être utilisés pour exercer des représailles économiques contre Kagame.

Du coup, sans que les Ougandais tirent une balle même en l’air, Paul Kagame replia ses cartes et s’agenouilla devant eux.

Les faux-pas de Tshisekedi

D’une part, l’erreur la plus fatale que celle Tshisekedi lui-même admet dans son discours, offrant toujours à Kagame des bouées de sauvetage économiques pour l’apaiser, est qu’au lieu d’encourager davantage la division entre Kagame et Museveni pour régner sur les deux serpents, il investit de grands efforts pour se réconcilier. À la fin, les deux se retournent contre lui.

En revanche, selon certaines sources ougandaises, la paille qui a fait déborder la frustration de Museveni sur Tshisekedi aurait été d’envoyer un ministre débutant et politiquement adolescent, d’ailleurs pas des Affaires étrangères, mais semble par le fait qu’il est tutsi négocier avec Museveni, imputé d’avoir le béguin pour les nilotiques. Ce que le vieil homme va trouver est un signe de manque d’estime à son égard.

Es ce le manque de « volonté » ou de « capacité » ?

Dans son discours, le président a évoqué la maladie de Kagame, le besoin du Rwanda d’une croissance économique rapide pour perpétuer sa dictature comme Museveni le fait en Ouganda. Par malheur, il a perdu la trace ou la signification de cet élément, tout comme la nation entière, au milieu de son discours révélant la solution.

De Kinshasa, hier c’était Kabila le père puis le fils, et aujourd’hui le président Tshisekedi appelle le peuple à se mobiliser contre l’agression dont la RDC se dit victime de la part du Rwanda voisin.

L’appel à la mobilisation générale du temps de Mzee Kabila signalait l’absence de capacité de défendre la grande nation ; les troupes rwandaises avaient déjà atteint la capitale. Alors que pour le fils, on pourrait dire que c’était une tactique qui a pu lui faire gagner du temps pour sauver la face. Le danger n’était pas si grand comme son prédécesseur ; le cancer était contenu au Kivu.

Au fil du temps, le contexte politique de la nation a changé en raison des cycles d’élections « démocratiques » qui ont eu lieu. Par contre, dans une partie de l’est de la RDC, les tueries et tant d’autres monstruosités persistent sur la base du même argument social antidémocratique et du même appétit économique primitif de la part des certains congolais et du président rwandais Paul Kagame.

Il convient de noter les efforts de Kagame pour occuper Bunagana et faire des ravages à Rutshuru par le biais du groupe terroriste M23 pour faire oublier le projet qui faciliterait les échanges commerciaux entre la RDC et l’Ouganda à son détriment.

A l’heure actuelle, les terroristes du M23 manquent d’effectifs pour couvrir l’étendue du territoire sous leur contrôle tout en faisant face au rejet de leur agenda ou du fondement tribal de leur projet par la population de ces zones. De ce fait, l’appel à la mobilisation générale alors que les soldats congolais sur le champ de bataille ne demandent que les moyens d’écraser l’ennemi, parait indiquer un manque de volonté, plutôt que de capacité, pour en finir avec la terrible expédition militaire rwandaise en RDC.

Par ailleurs, rassembler un groupe d’adolescents en colère, la question de savoir comment financer leur formation n’étant pas clairement discutée, et les jeter dans la bataille avec des tueurs expérimentés est clairement stratégiquement la pire chose à faire.

Pour la dernière fois je crierai, la seule façon de commencer mettre fin aux mésaventures meurtrières de Kagame en RDC est d’étouffer économiquement le Rwanda. Et là, je défie la volonté et la sagesse du président Tshisekedi ainsi que la cohorte des conservateurs congolais comme Kabila, Fayulu, Katumbi, Muzito, etc… ainsi que toute la nation.

Volons l’essence de la formule de Museveni qui a brisé l’esprit et l’ego de Kagame.

Quant aux Ougandais, il faut bien comprendre qu’ils n’ont pas d’amis ou d’ennemis permanents, que des intérêts, m’a dit en souriant un haut responsable de Kisoro, en Ouganda.

Jo M. Sekimonyo

Auteur, théoricien, militant des droits de l’homme et économiste politique

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