Impacts de la COVID-19 sur la production, la pauvreté et le système alimentaire en République Démocratique du Congo

Coût économique considérable du confinement

  • Le PIB national a probablement chuté de confinement sur l’économie (1 milliard USD de pertes de PIB)
  • La chute de la demande des consommateurs et des exportations a eu un impact négatif sur le système alimentaire (baisse de 4 % du PIB agroalimentaire, même si le secteur alimentaire était dispensé des restrictions directes)
  • Le taux de pauvreté a augmenté de 7 points de pourcentage au cours du confinement (6,3 millions de personnes supplémentaires sont passées temporairement sous le seuil de pauvreté national)     

Impacts des 2 mois de confinement sur l’économie      

          

Coûts susceptibles de persister en 2021

L’économie a réouvert et les restrictions ont été progressivement allégées en 2020, mais de nouvelles restrictions ont été imposées en fin Décembre (dans les scénarios de reprise “plus rapide” et “plus lente”, les pertes de PIB étaient estimées à 5,7-6,6 % en 2020 et 2.0-2,8 % en 2021 par rapport au scénario sans COVID)

Le PIB et le taux de pauvreté pourraient revenir au niveau de référence pré-COVID d’ici fin 2021, mais de fortes détériorations en milieu d’année nécessitent de nouvelles mesures (certaines entreprises et populations nécessiteront un soutien du gouvernement pour résister et se rétablir)

Impacts trimestriels au niveau national sous l’hypothèse de reprise rapide et lente

                       

Pandémie de COVID-19 & mesures de restriction en RDC

Chronologie de la COVID-19 et des mesures

  •  État d’urgence déclaré le 23 mars, et renouvelé six fois jusqu’à mi-Juillet
  • Réduction de la capacité des transports publics au sein des territoires, interdiction de voyager entre les territoires, suspension des vols internationaux et fermeture des frontières terrestres aux passagers
  • Interdiction des activités des discothèques, bars, cafés et restaurants
  • Interdiction des rassemblements publics de plus de 20 personnes
  • Interdiction des évènements publics et des réunions religieuses, fermeture des lieux de culte
  • Fermeture des écoles et des universités
  • Levée de l’état d’urgence
  • Reprise des activités commerciales (restaurants, bars, cafés, entreprises)
  • Réouverture des écoles
  • Réouverture des frontières terrestres, ports et aéroports
  • Reprise des déplacements entre les territoires et les villes
  • Les mesures de restriction visant à contenir la deuxième vague ont consisté à instaurer un couvre-feu de 21 h à 5 h à partir du 18 décembre, en plus d’une série de mesures de prévention et de distanciation sociale et d’une interdiction des rassemblements publics de plus de 10 personnes


Secteurs affectés par la COVID-19 & les restrictions

SecteurRestrictions et exceptions pendant le couvre-feu à l’échelle nationaleImpact direct ?
AgricultureLes restrictions de transport ont perturbé les déplacements de travailleurs des sièges de Kinshasa aux plantations d’huile de palme et de caoutchouc dans les zones reculées. Toutefois, la baisse des importations a contribué à la reprise en augmentant la demande de biens produits localementAucun
Exploitation minièreDominé par des sociétés minières multinationales où la plupart des travailleurs vivent sur place, ce secteur n’a pas connu de perturbations. Les activités minières artisanales de l’or à petite échelle ont fortement chuté, mais cela était plus dû aux activités de groupes armés résultant de la forte demande d’or près de Goma (capitale du Nord-Kivu) et de Bukavu (capitale du Sud-Kivu)Aucun
Industrie manufacturièreAucune restriction autre que le télétravail auto-imposé pour les travailleurs du secteur formel au cours de la première vagueModéré
Services publicsDistribution d’électricité et d’eau exemptée (secteur essentiel)Aucun
ConstructionPas d’effet direct du confinement sur la construction publique ou privéeAucun
Services de commerce de gros et de détailPas de restrictions formelles, mais certaines activités des commerçants informels ont été restreintes jusqu’à mi-juillet en raison du manque de transports. Non affectés par les restrictions de la deuxième vagueModéré
Transport, entreposage et fretSuspension de tous les voyages domestiques et internationaux à l’exception du fretModéré
Hôtellerie et restaurationSecteur comprenant le plus grand nombre de petites entreprises. Interdiction jusqu’à mi-juillet, mais pas totalement appliquée. Interdiction étendue jusqu’à mi-septembre. Nouvelle fermeture pour la durée du couvre-feu depuis mi-DdécembreÉlevé


SecteurRestrictions ou exemptions pendant le couvre-feu à l’échelle nationaleImpact direct ?
Banques, finances et assurancesEntreprises plus grandes en termes de nombre d’employés, mais plus susceptibles de conserver l’ensemble du personnel. Effet direct du travail à domicile/des limitations des heures de travailModéré
Services professionnels et commerciauxOutre l’effet direct du télétravail, les licenciements et la distanciation sociale ont eu un certain impact indirect sur l’offre ou la demandeModéré
Administration publique et maintien de l’ordreService essentiel pour faire appliquer les mesures de restriction, donc exemptéAucun
Services d’enseignementÉtablissements scolaires fermés jusqu’à début Août et depuis le début des vacances de Noël ; possibilités limitées d’enseignement à distanceModéré
Services de santéServices de santé dispensés (service essentiel)Aucun
Sports et loisirsRassemblements sportifs, religieux et culturels suspendus au cours de la première vague jusqu’à Juillet. Nouvelles restrictions depuis mi-DécembreModéré
SecteurÀ l’échelle nationaleImpact direct ?
  Demande d’exportationsL’effet majeur attendu pendant la période de confinement de 2020 s’est accompagné d’une baisse de la demande mondiale de produits miniers (cuivre, cobalt, or et diamant) et de pétrole brut    Élevé
  Envois de fonds  Baisse de la valeur des transferts de fonds effectués par les congolais vivant à l’étranger  Élevé
Investissements directs étrangers  Chute des investissements directs étrangers dans les machines, les équipements, les véhicules et les activités de constructionModéré

Voir les hypothèses détaillées par secteur sur les chocs de production et de demande dans l’Annexe à la fin

2. Mesurer les impacts économiques

Analyse du multiplicateur sur l’ensemble de l’économie

Les mesures de confinement et d’autres chocs ont eu des impacts directs sur les activités de certains secteurs (par ex. fermeture des écoles, interdiction des évènements sportifs, restriction des déplacements, etc.)

• Mais elles ont induit également des impacts indirects sur d’autres secteurs impliqués dans les chaînes d’approvisionnement (par ex. fournisseurs d’intrants et utilisateurs en aval)

• L’analyse du multiplicateur utilise les tableaux d’entrée-sortie par secteur pour mesurer les impacts directs et indirects le long des chaînes d’approvisionnement et d’une chaîne à l’autre (y compris les impacts sur le PIB, les emplois et les revenus des ménages)

• Le modèle pour la RDC est basé sur la MCS de 2018 et les données de l’enquête 1-2-3 auprès des ménages (résultats mis à l’échelle en fonction du PIB et des niveaux d’emploi de 2019)

Cadre d’analyse de la COVID-19

Canaux d’impact et chocs

  • Les confinements sont simulés à l’aide d’une série de canaux d’impact. (Les chocs sur chacun des canaux sont appliqués sur le modèle, et les impacts sont suivis simultanément sur toutes les chaînes logistiques)
  • Le modèle du multiplicateur divise l’économie de la RDC en 86 secteurs (les chocs sont calculés de façon ascendante, en utilisant les tableaux ressources-emplois pour 111 biens et services)
  • L’ampleur des chocs est estimée par l’équipe de l’IFPRI et informée par des experts nationaux

(Voir Annexe)

Scénarios de confinement et de reprise

1. Impacts pendant le confinement

– L’état d’urgence a duré 4 mois (mi-Mars à mi-Juillet 2020), mais aux fins de la simulation, les deux premiers mois pendant lesquels les mesures restrictives sont les plus strictes sont considérés comme un « confinement »

On suppose que les chocs agissent à l’échelle nationale

2. Impacts pour le reste de 2020 et 2021

– Nous comparons un allégement plus rapide/plus lent des restrictions sur deux ans, à mesure de l’allègement des restrictions de la première vague jusqu’à mi-2020 et de l’adoption de nouvelles mesures pour contenir la deuxième vague

– L’analyse tient compte de la saisonnalité intra-annuelle

3. Impacts économiques pendant la période de confinement

Perte du PIB pendant les confinements

Le PIB national chute de 13% pendant les confinements (pertes économiques les plus importantes dans les secteurs industriels, tant en termes relatifs qu’absolus)

Sources de la perte du PIB

Contribution des restrictions & chocs à la perte du PIB total pendant la période de confinement (total=100%)

Impacts sur le système agroalimentaire

L’approvisionnement alimentaire est affecté par une perte importante dans l’agro-transformation causée par la baisse des revenus des consommateurs (les services d’hôtellerie et de restauration sont également touchés bien qu’il s’agit d’une composante moins importante de l’ensemble du système agroalimentaire)

Sources de la perte du PIB du système agroalimentaire

Les restrictions imposées aux secteurs de la transformation alimentaire et des boissons contribuent le plus à la perte du PIB agroalimentaire.

Contribution des restrictions et chocs à la perte du PIB agroalimentaire pendant la période de confinement (total=100%)

Décomposition des impacts du PIB agricole

                                    Variation du PIB pendant la période de confinement (%)

Décomposition des impacts du PIB de la transformation alimentaire

Remarque : La transformation alimentaire est un sous-secteur de la manufacture

                      Variation du PIB pendant la période de confinement (%)

Impacts sur les revenus des ménages

Tous les ménages connaissent d’importantes pertes de revenus (pertes de revenus plus importantes pour les ménages urbains et ruraux non agricoles qui sont plus susceptibles d’être employés dans des secteurs plus directement touchés par les restrictions)

                 Variation des revenus des ménages pendant la période de confinement (%)

Impacts sur la pauvreté pendant les confinements

Le taux national de pauvreté a augmenté de 7,3 points de pourcentage pendant les confinements (équivaut à 6,3 millions de pauvres supplémentaires)

4. Impacts économiques sous un allègement rapide et lent des restrictions et de la reprise

Allégement des restrictions et reprise

Nous envisageons deux scénarios stylisés basés sur un allégement plus rapide et plus lent des restrictions

Impacts sur le PIB basés sur les scénarios de reprise

Variations trimestrielles du PIB (écart par rapport au niveau de référence) compatibles avec les restrictions imposées et reflètent les hypothèses d’allégement

Le PIB national pourrait être 5,7-6,6 % plus bas en 2020 ; les pertes s’étendent jusqu’en 2021, mais devraient être modérées à 2,0-2,8 %

Pertes trimestrielles cumulatives du PIB

Bien que le PIB actuel peut revenir sur le niveau de référence d’ici la fin 2021, les pertes s’accumulent chaque trimestre ; le PIB prendra plus de temps à récupérer (cela pourrait affecter la capacité d’investissement et de croissance future de l’économie)

Variations cumulées du PIB en 2021 à partir de la fin 2019 (le taux de croissance prévu pour 2020 était de 3,9 % selon les Perspectives Economiques 2019 du FMI)

Impacts sur la pauvreté basée sur les scénarios de reprise

La pauvreté devrait se stabiliser en 2021 à mesure que les gens retournent au travail, que les revenus se redressent et que la demande des consommateurs reprenne (cela cache une forte augmentation de la pauvreté au milieu de l’année, lorsque de nombreux ménages vivant près du seuil de pauvreté peuvent avoir besoin d’un soutien gouvernemental ou autre)

Variation du taux national de pauvreté sous l’hypothèse d’un assouplissement rapide ou lent des restrictions (changements relatifs aux niveaux de pauvreté avant covid)


  1. Hypothèses détaillées sur les chocs de production et de demande

Canaux, chocs et secteurs affectés (1)

Canaux, chocs et secteurs affectés (2)

Karl Pauw, Josée Randriamamonjy, James Thurlow, et John Ulimwengu IFPRI

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