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Plaidoyer pour un programme de développement robuste et compréhensif pour l’Est de la RDC

Les six premiers mois après que le président George W. Bush ait envoyé le général David Petraeus pour diriger les forces armées américaines en Irak,  les combats avaient déjà coûté la vie à environ 3 000 Américains au cours des quatre premières années, et le nombre de victimes augmentait. Les attentats à la bombe se sont aggravés, dont un sur un marché de Bagdad qui a tué 125 personnes, et sont devenus plus sophistiqués. En février 2012, les insurgés ont utilisé pour la première fois des armes chimiques, faisant exploser du chlore gazeux dans trois villes. Bagdad a vu en moyenne un attentat à la voiture piégée chaque jour ce mois-là.

De retour à Washington, Bush, qui avait limogé à la fois le successeur de Petraeus et le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld, avait décidé de transférer la responsabilité de la guerre – et donc une grande partie de l’héritage de son administration – à son nouveau général. L’histoire retient que David Petraeus a réussi, parce qu’il avait mis l’accent sur l’accent sur le développement économique comme moyen à la fois d’accroître la confiance dans le gouvernement irakien et de réduire l’insurrection. Peut-être que les généraux nommes dans le cadre de l’Etat de siège peuvent s’en inspirer.

Dans le cas irakien, les composantes économiques de la contre-insurrection comprenaient la restauration des services essentiels ainsi que le développement économique intégrale. Les services essentiels comprenaient la police, la protection contre les incendies, l’eau, l’électricité, les écoles, les réseaux de transport, la disponibilité médicale, l’assainissement, l’approvisionnement alimentaire, les carburants et les services financiers de base.

Le développement économique reprenaient les activités susceptibles de conduire à une nette amélioration du niveau de vie de la population. Des exemples de ces activités sont la création d’emplois, l’investissement local, la clarification de la propriété et la résolution des conflits, la protection des droits de propriété, la création de marchés et la formation professionnelle.

LA SITUATION DE L’EST

Pour l’Est de la RDC, un tel programme doit être conçu comme une stratégie pour répondre aux déclencheurs des conflits. Sans être exhaustifs, les facteurs ci-dessous constituent des déclencheurs des conflits à l’Est du pays:

  • La baisse continue du pouvoir d’achat: réduit la capacité des ménages à faire face à leurs besoins quotidiens et exposent leurs membres à la recherche constance d’autres sources des revenus (y compris ceux résultant de l‘implication dans les conflits) pour compenser cette baisse.
  • L’exclusion d’accès aux ressources: les personnes exclues d’accès aux ressources ont une forte probabilité de devenir les instigateurs des conflits ou d’être facilement impliquées dans ces conflits. C’est le cas des habitants des zones minières qui souvent observent impuissants l’octroi de leurs terres pour exploitation sans obtenir en retour une activité régulière de génération de revenu ou même le financement des projets de développement communautaire (eau, électricité, écoles, hôpitaux, emplois, …).
  • Le chômage: la croissance constante de la population non suivie de la croissance de l’activité économique crée un flux additionnel des personnes en âge de travailler mais que le marché d’emplois ne peut absorber. Ces personnes (surtout les jeunes) ne sachant quoi faire pour subvenir à leurs besoins deviennent des candidats potentiels pour alimenter les conflits.
  • La pauvreté de masse: la généralisation de la pauvreté en RDC est devenue un facteur sérieux d’instabilité. En effet, près de 80% de la population de l’Est de la RDC vit en deçà du seuil de pauvreté de 1$ par jour. Cette pauvreté de masse crée un sentiment de frustration des pauvres vis-à-vis de la minorité «exemptée». Ce sentiment constitue l’un des déclencheurs de conflits dévastateurs qui continuent à déchirer le pays.
  • L’absence de politiques et stratégies de développement géographiquement ciblées. Il n’existe presque pas en RDC des politiques et stratégies de développement qui prennent en compte les réalités des entités administratives concernées et qui impliquent ses résidents. La plupart sont dictée au niveau central et finissent par ne pas produire des résultats escomptés. Aussi, elles conduisent à un développement déséquilibré qui, à son tour, favorise l’exode vers les entités offrant des conditions de vie décentes (eau, électricité, téléphone, TV, éducation, santé, etc…). Cet exode alimente la masse des sans-emplois dans les entités concernées. Pour des raisons de survie, ces derniers sont souvent disposés à sauter sur toute occasion qui offre l’opportunité d’avoir un revenu y compris les conflits armés.
  • Faible productivité des activités agricoles. L’agriculture emploie plus du tiers de la population en RDC, particulièrement à l’Est du pays. L’agriculture congolaise est actuellement essentiellement traditionnelle et de subsistance. Malheureusement, sa productivité est tellement faible qu’elle ne permet pas à ceux qui y sont impliqués de générer suffisamment des revenus nécessaires à leur survie. En plus, cette productivité a baissé ces dernières années. Cette baisse de la productivité a eu pour implication la baisse des revenus agricoles et les ménages agricoles à la recherche des sources alternatives y compris celles liées à l’implication dans les conflits.
  • Le manque d’opportunités économiques. Le manque d’opportunités économiques particulièrement pour les jeunes expose ces derniers à des situations des conflits. Selon la Banque mondiale, les obstacles à la création d’emplois incluent des infrastructures et des services publics insuffisants, un capital humain et un accès au financement limité, des obstacles règlementaires, des monopoles d’entreprises d’État des questions relatives aux droits fonciers et les tracasseries administratives.
  • L’insécurité alimentaire. Elle augmente la vulnérabilité et expose les personnes qui sont affectées à toute forme de tentation y compris l’implication dans les conflits. L’intensification de la crise alimentaire est en grande partie causée par une recrudescence de la violence, des conflits et de l’instabilité. Plus de 5 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur du pays, en particulier dans l’est de la RDC. La pandémie du COVID-19 et le déclin économique général sont d’autres facteurs clés qui expliquent les niveaux sans précédent d’insécurité alimentaire. Le manque d’infrastructure, l’accès limité aux services de base, les épidémies récurrentes et la pauvreté sont des facteurs supplémentaires.

LA NATURE DE LA STRATEGIE

Pour répondre à tous ces problèmes, il doit s’agir d’une stratégie intégrée  centrée autour  des secteurs créateurs de croissance et d’emplois que sont l’agriculture, les mines et les forêts. Cette stratégie doit également incorporer les investissements connexes tels que les infrastructures de communication, l’énergie, la santé, l’éducation et le logement.

Une mise en œuvre réussie de cette stratégie de développement participera à la consolidation de la stabilité économique et politique à l’Est du pays. En servant comme un des greniers de la RDC à côté de l’Ouest économique, la filière agro-pastorale devrait assurer le développement de l’industrie agroalimentaire par la création de la chaîne d’activités industrielles  qui transforment des matières premières issues de l’agriculture (thé, café, huile de palme, cacao, coton), de l’élevage (ovins et bovins) ou de la pêche (dans les lacs Albert, Kivu, Edouard, Tanganyika) en produits alimentaires destinés essentiellement à la consommation humaine pour l’ensemble des populations de la RDC.

L’Est économique devrait permettre d’associer le développement des villes côtières (Kalemie, Bukavu, Goma, Sake, Rutshuru, Butembo, Beni) en formant une ceinture industrielle par le développement de la pêche sur les différents lacs, du commerce transfrontalier et régional basée sur une industrie manufacturière et agro-alimentaire de forte compétitivité et la création des incubateurs et centres de recherche.

Le développement de la partie Est aura un impact considérable sur la compétitivité de l’économie congolaise en général étant donné sa forte insertion dans l’économie régionale (SADC, COMESA, EAC, CEPGL), un accroissement de la valeur ajoutée des produits agricoles et miniers exploités, un renforcement du dynamisme commercial déjà observé à l’Est du pays au cours des dernières décennies.

En outre, il sonnera le glas de la fin de l’isolement des provinces du centre et leur revalorisation en termes de point de convergence du réseau national des infrastructures grâce à une stratégie de transport multimodal qui alliera la route, le rail et l’eau (dont le fleuve Congo).

Dr. John M. Ulimwengu
Chercheur principal à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, basé à Washington, DC.

https://www.ifpri.org/profile/john-ulimwengu

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