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Les changements climatiques modifient le rythme saisonnier du cycle de vie des plantes

La chronologie saisonnière des événements biologiques est également un aspect essentiel de l’adaptation des plantes et peut revêtir une grande importance sur le plan économique.

Les changements climatiques modifient le calendrier des événements récurrents du cycle de vie des plantes, ce qui affecte gravement les écosystèmes.

L’horloge des plantes

Au printemps, les fleurs éclosent. À l’été, les fruits mûrissent. À l’automne, les feuilles changent de couleur et tombent. Et, l’hiver, les plantes se reposent. Cela constitue la phénologie – l’étude de la chronologie des phénomènes périodiques du cycle de vie.

Le cycle de vie des plantes, des animaux et de toutes les formes de vie dépend du milieu qui les entoure.

Mais comment les plantes reconnaissent-elles le passage du temps et le moment opportun pour leur croissance et leur reproduction ? Comme les humains, elles fonctionnent selon un calendrier. L’horloge d’une plante est rythmée par les cycles des conditions environnementales, et les événements phénologiques sont régulés par le climat.

Plus précisément, les plantes utilisent un ensemble de déclencheurs pour synchroniser les moments de croissance et de reproduction avec des conditions favorables.

Selon les espèces, les événements phénologiques sont déclenchés par la température (refroidissement en automne et en hiver et réchauffement au printemps), la photopériode (durée du jour), les précipitations ou, souvent, une combinaison de ces facteurs.

Quand le climat change, la phénologie change aussi

La phénologie est l’un des indicateurs biologiques les plus sensibles aux changements climatiques. Sous l’effet de l’augmentation progressive des températures du dernier siècle et des variations de la répartition saisonnière des précipitations, les déclencheurs environnementaux surviennent généralement de plus en plus tôt.

C’est pourquoi des décalages phénologiques ont été observés dans le monde entier, et il semble que les événements phénologiques tendent à se produire plus tôt d’année en année.

La saison des Sakura, ou fleurs de cerisier, au Japon est l’une des preuves les plus manifestes de cette évolution. On célèbre cette floraison depuis le IXe siècle, et la date du festival a dû être devancée au cours du dernier siècle à cause de la hausse des températures moyennes.

Quel est le problème ? Le printemps, c’est chouette, non ?

Selon la poétesse américaine Anne Bradstreet, « s’il n’y avait pas d’hiver, le printemps ne serait pas si agréable. » Il s’agit bien sûr d’une hyperbole, mais il faut tout de même considérer que le moment de la floraison, du mûrissement des fruits et d’autres événements phénologiques de ce type résulte d’une adaptation de chaque espèce à son milieu.

Le calendrier des événements phénologiques s’est développé de manière à assurer les conditions parfaites pour l’accomplissement des cycles annuels de la vie d’une plante tout en minimisant les risques de dommages. Des changements dans ces conditions peuvent avoir des répercussions écologiques et économiques, car ils affectent la quantité et la qualité des produits agricoles et forestiers.

À la fin de la période végétative, les plantes forment des bourgeons dormants afin de protéger la couche des cellules méristématiques – tissu dans lequel les cellules conservent la capacité de se diviser tout au long de la vie de la plante – et de suspendre toute activité. La dormance est un mécanisme d’adaptation qui a évolué dans les climats où l’on observe des saisons pour échapper aux plus rudes conditions hivernales.

Les températures chaudes du printemps (forcing), l’augmentation de la durée du jour au printemps (photopériode), la durée et l’intensité des températures hivernales (chilling) influencent la croissance des bourgeons apicaux – les bourgeons situés au sommet de la plante – au printemps. De toute évidence, la température joue un rôle central et prépondérant dans ce processus. C’est pourquoi le réchauffement peut déclencher une réactivation précoce au printemps et une fin tardive à l’automne, ou les deux, ce qui allonge la période de végétation.

Certains considèrent qu’une saison de croissance prolongée pourrait améliorer l’absorption du carbone et, par conséquent, la productivité des forêts. Dans certains endroits, comme les régions situées dans les latitudes nordiques ou en altitude, les arbres bénéficient d’une plus longue saison de croissance et, de façon générale, de conditions climatiques plus propices découlant du réchauffement climatique.

Cependant, une réactivation précoce de la croissance augmente le risque de dommages dus au gel de fin de printemps, et l’allongement de la période de végétation augmente le risque de dommages dus au gel du début de l’automne.

Si les arbres ne peuvent pas adapter, ou réadapter, leur phénologie aux nouvelles conditions climatiques, la santé et la croissance des certaines populations pourraient être gravement affectées.

Quand la phénologie change, l’interaction entre les espèces change aussi

Les écosystèmes sont généralement complexes, et les espèces qui les composent interagissent entre elles ainsi qu’avec leur environnement. Les espèces ne réagissent pas toutes de la même façon à l’évolution des conditions climatiques, ce qui peut conduire à des synchronismes ou à des asynchronismes phénologiques potentiellement dangereux.

Ainsi, les conditions climatiques actuelles créent de nouveaux synchronismes phénologiques entre les proies et les prédateurs. Les épinettes noires pourraient devenir un excellent hôte pour la tordeuse des bourgeons de l’épinette, car le moment où les larves sont les plus actives pourrait être mieux synchronisé avec la formation annuelle des pousses, ce qui augmente le risque de sévères défoliations pour l’une des essences boréales les plus rentables en Amérique du Nord.

Les changements climatiques peuvent également entraîner des asynchronismes entre les plantes et leurs pollinisateurs. Les bourdons constituent l’un des plus importants pollinisateurs de plusieurs espèces sauvages et de nombreuses variétés présentant un énorme intérêt agricole. Compte tenu de leur faible tolérance à la chaleur et au froid, les bourdons sont particulièrement sensibles aux conditions environnementales. Pour cette raison, le risque climatique anticipé pour cette espèce est extrêmement élevé.

La relation mutuellement bénéfique entre les plantes et les pollinisateurs est un service écosystémique essentiel, surtout si l’on considère que la pollinisation par les insectes contribue à 9,5 % de la production alimentaire mondiale.

Il faut agir

Avec les changements climatiques qui affectent différents écosystèmes, nous devons être conscients de la phénologie des plantes et réfléchir à la manière dont ces transformations risquent de toucher nos vies et nos entreprises.

De nos jours, les scientifiques utilisent des données d’observation pour déterminer la vulnérabilité des espèces, des populations et des communautés aux changements climatiques actuels et futurs. Cette recherche peut servir de base à une intervention humaine essentielle, susceptible d’influencer la distribution des plantes par le biais de la migration assistée, soit le déplacement par l’humain d’espèces vers des zones situées bien au-delà de leur aire de répartition établie. Cela permettra à diverses essences d’arbres de resynchroniser leur phénologie en fonction des conditions climatiques actuelles.

La phénologie des plantes est le résultat d’une adaptation. Cependant, l’adaptation nécessite du temps, temps dont nous ne disposons pas compte tenu de l’ampleur et du rythme associés aux changements climatiques. Une surveillance constante des changements phénologiques à l’échelle mondiale nous permettra d’élaborer des stratégies pour protéger les écosystèmes les plus vulnérables ainsi que nos entreprises.

Même si nous sommes comme des feuilles d’automne sur des arbres, nous devrions essayer de ne pas tomber !

Sergio Rossi

Professor, Département des Sciences Fondamentales, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)

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