La dette publique de la République démocratique du Congo connaît une progression rapide et suscite un vif débat national. Passée de 12,72 % du PIB en 2020 à 25 % en 2023, elle atteint aujourd’hui près de 16 milliards de dollars, partagée entre dette intérieure et extérieure. Dans un contexte marqué par la fragilité macro-économique, les conflits armés persistants et les failles de gouvernance, le gouvernement opte désormais pour une stratégie ambitieuse : recourir aux marchés financiers internationaux à travers l’émission d’euro-obligations. Présentée comme un levier de financement destiné à soutenir le programme d’actions 2024-2028 et à développer les infrastructures, cette orientation nourrit pourtant des inquiétudes croissantes. Entre opportunité de mobilisation des ressources et risque d’un surendettement difficilement soutenable, la question de l’endettement extérieur place la RDC face à un dilemme stratégique majeur : comment financer son développement sans compromettre la stabilité économique et hypothéquer l’avenir des générations futures ?
La dette publique de la RDC est passée de 12,72% du PIB à la clôture de l’exercice 2020 à 14,25% au terme de l’année 2021. Cette tendance haussière a été maintenue en 2022 et 2023 car la dette publique globale de la RDC a représenté respectivement 22,60% et 25% du PIB à la clôture de deux années.
Actuellement, le volume de la dette publique est estimé autour de 16 milliards de dollars Américains, ventilée en dette intérieure et extérieure. La dette extérieure est répartie entre différents bailleurs des fonds : Bilatéraux, Multilatéraux, et très bientôt avec plusieurs créanciers institutionnels et privés issus des marchés des financiers internationaux.
L’entrée en jeu de ces nouveaux créanciers en majorité privés dans l’architecture de la dette publique extérieure résulte de la nouvelle politique d’endettement du Gouvernement. L’objectif affiché est de lever les fonds nécessaires au financement du programme d’actions horizon 2024-2028.
En revanche, le volume global d’endettement tel que révélé par le VPM du Budget Adolphe Muzitu choque, et suscite plusieurs interrogations dans l’opinion publique des Congolais. Ces interrogations sont consécutives à l’évolution rapide de la dette extérieure en si peu de temps, augmentant ainsi la charge de l’endettement par habitant, dans un pays au faible revenu per capita, en proie à des conflits armés, manquements récurrents aux principes de bonne gouvernance caractérisés par des détournements des ressources affectées aux projets de développement.
Euro-obligation, nouveau cadre d’endettement extérieur
Par définition, un Eurobond est emprunt obligataire émis par un État sur les marchés financiers internationaux dans une devise étrangère dans le but d’attirer les investisseurs.
Malgré les appels à une gestion orthodoxe des finances publiques et à une politique d’endettement prudente, le Gouvernement de la RDC, à travers le ministère des Finances, s’engage à entrer sur les marchés financiers par l’émission d’une euro-obligation d’une valeur de 1,5 milliard de dollars Américains, d’ici juin 2026. L’objectif affiché par l’argentier congolais, Monsieur Doudou Fwamba, est clair et sans détour : le financement des infrastructures dans le but d’améliorer la connectivité nationale.
Euro-obligation, cadre macro-économique et notation financière
En dépit des indicateurs macro-économiques jugés satisfaisants, mis en avant lors de l’annonce publique de l’opération d’émission d’euro-obligation, le cadre macro-économique congolais demeure précaire et largement affecté par des fluctuations monétaires et la volatilité du taux de change.
Il est important de signaler que le cadrage macro-économique considéré pour cette opération avait été effectué sur une période, c’est-à-dire l’année 2025. En voici quelques indicateurs retenus à cet effet :
Techniquement parlant, une opération financière d’une si grande envergure aurait nécessité l’analyse préalable des indicateurs économiques de base sur une longue période.
Au-delà des indicateurs macro-économiques ayant conduit au satisfecit de l’émission d’euro-obligation, la RDC bénéficie d’une notation souveraine stable B- chez Standards et B- chez Moody, ce qui peut rassurer son image vis-à-vis des investisseurs étrangers.
Mon analyse théorique de l’évolution de l’endettement en République Démocratique du Congo
Il est reconnu que la dette en soi n’est pas toujours une fatalité. Comme pour une entreprise, la dette publique peut constituer un effet de levier pour le développement national. Elle a de l’impact tant sur la génération présente que future. Cet impact peut être perçu comme potentiellement positif ou négatif selon l’usage.
Dans le passé, le débat sur la dette publique avait donné lieu à une large littérature économique. À mon avis, ce débat refait surface, certes dans le milieu universitaire et professionnel, mais avec acuité au sein de l’opinion populaire. Celle-ci juge inopportune la hauteur de la dette annoncée et de celle déjà en cours.
Xavier Timbeau affirme que : « nous ne léguons pas seulement une dette que devront s’acquitter les générations futures, mais nous leur léguons un état de l’économie ». Dans le même ordre d’idées, nous pensons aussi que chaque dollarprojet et/ou europrojet mal affecté, détourné est un surpoids pour la prochaine génération et a des incidences variées selon les catégories sociales.
Les révolutions keynésiennes ont permis de reconsidérer le rôle et l’impact de l’État dans l’économie. Tout en soutenant la thèse de l’interventionnisme, il y a lieu au regard de l’environnement institutionnel congolais de se poser les bonnes questions quant à l’usage, l’affectation des emprunts, étant donné que les prescrits keynésiens valent encore leur pesant d’or dans une petite économie en transition vers le plein emploi.
Doit-on toujours soutenir le financement des politiques publiques que par l’endettement ? Qu’en est-il des impôts et des autres composantes de la demande globale ? Dans un pays aux ressources internes multiples, il est possible d’élargir les sources de ses ressources pour financer sans contrainte les politiques publiques.
Risque d’insolvabilité et possibilité de restructuration de la dette publique
Les encours de la dette extérieure sont garantis en République Démocratique du Congo par un secteur minier en plein essor au regard de l’évolution des cours mondiaux des matières premières. Mais il est évident qu’en cas d’un choc externe ou interne que la tendance bascule et conduise à des situations d’insolvabilité et par conséquent d’insoutenabilité.
Nonobstant ce risque lié au choc, il appartient aux décideurs politiques d’assainir les finances publiques et de renforcer la gouvernance des projets pour lesquels ces sommes sont mobilisées.
Sigis Aberi Lumbule,
-Économiste et
Conférencier sur des questions de gouvernance des Institutions et Entrepreneuriat
-Acteur politique
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