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Royaume-Uni : la Cour suprême déclare illégal le projet rwandais

La Cour suprême du Royaume-Uni a statué à l’unanimité que le projet du gouvernement visant à envoyer des demandeurs d’asile au Rwanda était illégal. Confirmant une décision antérieure de la cour d’appel, la Cour suprême a estimé que les demandeurs d’asile envoyés au Rwanda risquaient d’être refoulés, c’est-à-dire d’être renvoyés vers un pays où ils pourraient être persécutés, torturés ou tués.

Les tribunaux ont cité de nombreuses preuves provenant de l’agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) selon lesquelles le Rwanda ne respecte pas le principe de non-refoulement – ​​une obligation légale. Les éléments de preuve du HCR remettent en question la capacité des autorités rwandaises à évaluer équitablement les demandes d’asile. Il a également exprimé ses inquiétudes quant aux violations des droits humains commises par les autorités rwandaises, notamment le non-respect du non-refoulement avec les autres demandeurs d’asile.

Il est important de noter que la décision de la Cour suprême ne constitue pas un commentaire sur la viabilité politique du plan rwandais, ni sur le concept de délocalisation des procédures d’asile en général. La décision s’est concentrée uniquement sur le principe juridique de non-refoulement et a déterminé qu’à cet égard, le Rwanda n’est pas un « pays tiers sûr » pour envoyer des demandeurs d’asile.

Cette décision constitue un nouveau coup porté à la promesse du gouvernement d’« arrêter les bateaux ». Et comme le plan rwandais est au cœur de sa nouvelle loi sur les migrations illégales, le gouvernement devra reconsidérer sa politique d’asile. La situation est encore compliquée par les luttes intestines au sein du parti conservateur et le limogeage de la ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, deux jours seulement avant le jugement.

Comment est-ce qu’on est arrivés ici?

Depuis des années, le gouvernement britannique cherche à réduire les arrivées de petits bateaux au Royaume-Uni. En avril 2022, le Royaume-Uni et le Rwanda ont signé un accord permettant au Royaume-Uni d’expulser vers le Rwanda certaines personnes demandant l’asile en Grande-Bretagne, sans que leur cas ne soit entendu au Royaume-Uni. Au lieu de cela, leur cas serait tranché par les autorités rwandaises et se verrait accorder (ou refuser) l’asile au Rwanda.

Bien que le plan rwandais ait été jugé illégal, le gouvernement pourrait, en théorie, reproduire cela dans d’autres pays à condition qu’ils soient considérés comme « sûrs » pour les demandeurs d’asile.

Le gouvernement n’a encore envoyé personne au Rwanda. Le premier vol a été empêché de décoller par la Cour européenne des droits de l’homme en juin 2022, qui a déclaré que les tribunaux britanniques devaient examiner toutes les questions liées aux droits de l’homme avant de commencer les expulsions.

Une Haute Cour britannique a ensuite décidé en décembre 2022 que le plan rwandais était légal.

Dix demandeurs d’asile originaires de Syrie, d’Irak, d’Iran, du Vietnam, du Soudan et d’Albanie ont contesté la décision de la Haute Cour, avec le soutien de l’association caritative Asylum Aid. Leur revendication visait à savoir si le Rwanda répondait au seuil légal pour être un pays sûr pour les demandeurs d’asile.

La cour d’appel a déclaré que ce n’était pas le cas et que les demandeurs d’asile risquaient d’être renvoyés dans leur pays d’origine (où ils pourraient être persécutés), alors qu’en réalité ils pourraient avoir une bonne demande d’asile.

Le gouvernement a depuis adopté la loi sur les migrations illégales. La loi stipule désormais que tous les demandeurs d’asile arrivant irrégulièrement (par exemple à bord de petits bateaux) doivent être renvoyés vers un pays tiers sûr. Mais maintenant que l’accord avec le Rwanda a été jugé illégal, aucun autre pays n’a déclaré qu’il accepterait les demandeurs d’asile du Royaume-Uni.

Que se passe-t-il ensuite ?

Il est clair que la politique d’asile du gouvernement devra être repensée. Si un autre pays était désormais désigné comme pays sûr et que des dispositions différentes étaient mises en place, celles-ci feraient probablement l’objet de nouvelles contestations judiciaires, notamment devant la Cour européenne des droits de l’homme et devant les tribunaux britanniques.

Cette décision est susceptible de relancer le débat sur la sortie du Royaume-Uni de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui impose au Royaume-Uni une obligation de non-refoulement. Certains conservateurs, dont l’ancienne ministre de l’Intérieur Suella Braverman, ont fait valoir que quitter la convention faciliterait l’adoption de lois sur l’immigration plus strictes.

Mais en rendant l’arrêt de la Cour suprême, Lord Reed a souligné qu’il existe des obligations envers les demandeurs d’asile qui vont au-delà de la CEDH. Le devoir de non-refoulement fait partie de nombreuses autres conventions internationales, ainsi que du droit national. En d’autres termes, la sortie de la CEDH ne rendrait pas automatiquement le plan du Rwanda légal ou plus facile à mettre en œuvre.

Le Premier ministre, Rishi Sunak, a déclaré qu’il travaillait sur un nouveau traité avec le Rwanda et qu’il était prêt à modifier les lois nationales pour « faire tout ce qu’il fallait pour arrêter les bateaux ».

Le Royaume-Uni n’est pas le seul pays à tenter de délocaliser le traitement des demandes d’asile. L’Allemagne et l’Italie ont récemment envisagé de trouver de nouveaux pays tiers sûrs pour accueillir également les demandeurs d’asile.

Mais il est compliqué de garantir que ces mesures soient conformes aux obligations en matière de droits de l’homme. Le droit international exige que les États offrent un refuge à ceux qui fuient les persécutions ou risquent leur vie. Comme le montre cette décision, le Royaume-Uni ne trouvera pas de solution facile pour se soustraire à ces obligations.

Devyani Prabhat

Professeur de droit, Université de Bristol

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