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Un Salaire décent+ l’IPR : Plus de revenus pour l’État, plus de pouvoir d’achat pour le peuple (Tribune par Sylvain Nsana)

Le salaire constitue la compensation monétaire octroyée par l’employeur à l’employé en échange de la force de travail mise à sa disposition. Il incarne la valeur du travail dans le cadre d’un contrat d’emploi, où le salarié cède une part de son temps et de ses compétences au profit de l’employeur. Ce rapport de subordination économique, caractéristique du capitalisme salarial, fait du salaire un levier central dans les dynamiques de production et de distribution des richesses.

Sur le plan politique et économique, le salaire occupe une place déterminante, car il joue un rôle clé dans la régulation du marché du travail et dans l’équilibre des rapports entre capital et travail. Il influence non seulement la consommation et la demande globale, mais aussi le pouvoir d’achat, l’inflation, et les inégalités sociales. De plus, les débats sur le salaire minimum, la rémunération équitable et les politiques de redistribution reflètent son importance en tant qu’outil de justice sociale et de régulation économique.

Le salaire, ou rémunération, est l’un des trois piliers fondamentaux qui caractérisent un contrat de travail, aux côtés du lien de subordination et de l’aptitude à exercer une fonction professionnelle. Il constitue la contrepartie financière de l’activité fournie par l’employé au profit de l’employeur. En droit du travail, la règle selon laquelle « tout travail mérite salaire » est impérative, et toute rétention abusive ou non justifiée de celui-ci constitue une infraction à l’ordre contractuel, susceptible de sanctions légales. Cette protection juridique vise à assurer l’équilibre des relations entre les parties contractantes et à garantir le droit du salarié à une rémunération juste et régulière.

Dans une économie extravertie comme la nôtre, où la majorité de l’activité économique est contrôlée par des expatriés, la question du juste salaire doit être perçue comme un rempart essentiel contre les dérives des entreprises et l’oppression économique qui pèse sur les populations les plus vulnérables. Ces dernières, souvent dépourvues de pouvoir de négociation, se trouvent en position de faiblesse face aux grandes entreprises, ce qui accentue les inégalités et perpétue un système économique profondément déséquilibré. Le salaire équitable ne devrait pas être simplement un droit, mais un levier stratégique pour rééquilibrer les relations économiques au bénéfice de la majorité.

Le cas de la RDC illustre une situation presque pathologique, où l’abondance des ressources naturelles, tant vantée, ne se traduit pas par une amélioration des conditions de vie de son peuple, maintenu dans une pauvreté flagrante. Cette contradiction s’explique en grande partie par l’absence de politiques salariales ambitieuses et structurées, capables de valoriser la main-d’œuvre locale. La mise en place de telles politiques pourrait progressivement transformer l’économie congolaise en un modèle à revenu élevé, créant ainsi un cercle vertueux où le travail est justement rémunéré et la prospérité mieux partagée.

Dans l’état actuel de notre économie, l’instauration d’une politique salariale à revenu élevé constituerait une réponse décisive pour endiguer les flux financiers qui s’évadent au travers d’un réseau sophistiqué d’optimisation fiscale, certes légale mais moralement discutable. Ces pratiques sont favorisées par des politiques salariales inefficaces, perpétuant la misère du peuple congolais. En effet, des salaires dérisoires combinés à l’absence de régulation renforcent un système économique où la majorité des travailleurs demeure piégée dans une pauvreté chronique, tandis que les grandes entreprises, souvent étrangères, prospèrent en contournant leurs obligations fiscales.

L’État doit impérativement se saisir de cette problématique pour assurer une meilleure circulation monétaire à l’intérieur du pays, en s’assurant que ces flux financiers passent entre des mains congolaises et profitent véritablement à la population. Cela nécessite de réorienter les politiques économiques afin de redonner au peuple congolais un véritable contrôle sur son destin économique. Actuellement, ce contrôle est largement accaparé par des intérêts étrangers dont le principal objectif est de rapatrier les bénéfices et les super-profits générés sur le sol congolais vers leurs propres économies, laissant la population locale dans un état de précarité et d’abandon. Une politique salariale ambitieuse permettrait non seulement de freiner cette fuite des capitaux, mais aussi de créer un environnement propice à une répartition plus équitable des richesses et au développement économique du pays.

Le relèvement des revenus dans tous les secteurs du salariat représente une opportunité majeure pour l’État, notamment en termes de fiscalité. En augmentant les salaires, la base imposable, c’est-à-dire le montant total des revenus soumis à l’impôt, s’élargit automatiquement, ce qui permettrait à l’État de percevoir davantage de recettes via l’Impôt Professionnel sur les Rémunérations (IPR). Ce mécanisme génère un double bénéfice : d’une part, il fournit plus de ressources à l’État pour financer ses programmes et services publics, et d’autre part, il accroît le pouvoir d’achat des travailleurs, stimulant ainsi la consommation intérieure et la croissance économique.

Dans l’état actuel de la législation, l’IPR est calculé selon un barème progressif défini par l’article 84 de l’ordonnance-loi n°69/009 du 10 février 1969, révisée à plusieurs reprises. Les taux d’imposition sont répartis en quatre tranches :

– 3 % pour les revenus allant de 0 à 1.944.000 FC,

– 15 % pour les revenus entre 1.944.000 FC et 21.600.000 FC,

– 30 % pour les revenus compris entre 21.600.000 FC et 43.200.000 FC,

– 40 % pour les revenus excédant cette dernière tranche.

Cependant, ce barème est actuellement basé sur des niveaux de rémunération extrêmement faibles, rendant l’impôt économiquement peu significatif, en particulier pour les bas salaires. Si l’on extrapole ces chiffres sur un SMIG (Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti) quotidien qui ne représente que 10% des besoins réels des travailleurs, on peut aisément mesurer l’ampleur des capitaux et du pouvoir de consommation qui échappent au système fiscal et à l’économie nationale. L’insuffisance des salaires actuels limite la participation des travailleurs à l’économie formelle et réduit les marges de manœuvre pour redresser l’économie. Une augmentation substantielle des revenus, accompagnée d’une réforme fiscale appropriée, permettrait non seulement d’augmenter les recettes fiscales mais aussi de relancer la demande intérieure, créant ainsi un cercle vertueux pour la croissance économique et le développement social du pays.

Un salaire décent, combiné à l’IPR, signifie plus de revenus pour l’État et un pouvoir d’achat accru pour le peuple congolais.

Sylvain Nsana

Chercheur en Droit Économique et Social et Défenseur des droits humains.

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