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RDC vs Rwanda : Que la course vers Trump commence ? (Tribune de Jo M. Sekimonyo)

La victoire de Trump a provoqué un véritable frisson sur la scène internationale, et beaucoup de pays se préparent déjà à de possibles bouleversements. En Afrique, ce retour au pouvoir de Trump ravive des tensions et réorganise les priorités diplomatiques, notamment entre deux rivaux farouches : Félix Tshisekedi de la RDC et Paul Kagame du Rwanda. Conscients que les cartes géopolitiques sont en train de se redistribuer, les deux leaders semblent être entrain d’enfiler leurs chaussures de sprint pour gagner la course vers l’administration Trump, espérant chacun s’attirer ses faveurs et un soutien stratégique.

Entre Kigali et Kinshasa, la rivalité est ancienne et alimentée par des intérêts économiques et des ambitions régionales. Mais aujourd’hui, face à la possibilité d’une politique étrangère américaine où seuls les partenariats les plus stratégiques compteront, Tshisekedi et Kagame savent qu’ils doivent se démarquer. Cette course vers Trump devient dès lors un jeu complexe d’influence et d’alliances, où chaque geste et chaque engagement sont calculés pour attirer l’attention d’un président plus imprévisible que jamais.

Lobbying vs Système de Jeu

Le camp Tshisekedi, avec un arsenal de moyens financiers pour le lobbying, a les ressources pour séduire l’administration Trump, en particulier avec les vastes réserves minérales de la RDC. Les États-Unis, sous Trump, se montrent généralement intéressés par des opportunités économiques substantielles et rapides. La croisade de Tshisekedi à travers le monde présente comme le chef d’un géant endormi. La RDC serait un partenaire de choix des États-Unis contre la Chine, dans un monde où les métaux critiques comme le cobalt et le coltan sont de plus en plus recherchés.

À l’opposé, Kagame a montré qu’il n’a pas besoin d’un budget gigantesque pour jouer habilement sur la scène internationale. Bien que le Rwanda soit une petite nation en termes de ressources naturelles, Kagame a prouvé qu’il maîtrise l’art de l’alliance stratégique. Grâce à une diplomatie subtile et un réseau bien entretenu, il pourrait tirer parti de l’image de stabilité et de dynamisme du Rwanda pour attirer l’intérêt américain, sans se ruiner en opérations de lobbying dispendieuses.

Poudrière sous Surveillance Internationale

Le conflit à l’est de la RDC, où le M23, soutenu par le Rwanda selon de nombreux observateurs, continue de déstabiliser la région, ajoute une dimension critique à cette course diplomatique.

Tshisekedi a toujours tenté, sans succès jusqu’à présent, d’obtenir le soutien des États-Unis pour imposer des sanctions ou faire adopter une résolution obligeant Kigali à se retirer de la zone de conflit. Kagame, de son côté, a prouvé qu’il sait manœuvrer habilement dans les instances internationales, maniant avec adresse la rhétorique de la « sécurité régionale » pour légitimer certaines de ses actions et désamorcer les pressions.

Le Conseil de Sécurité dans une configuration Trump, les États-Unis avaient souvent pris des positions distantes voire critiques vis-à-vis de l’ONU. De ce fait, Tshisekedi pourrait se retrouver dans une situation délicate.

Kagame, conscient de cette dynamique, pourrait chercher à maintenir ses positions par d’autres alliances, comptant sur un réseau diplomatique qu’il a construit minutieusement au fil des ans. Ce jeu d’équilibre au Conseil de Sécurité pourrait devenir un théâtre de manœuvres intenses, avec Tshisekedi tentant de mobiliser des alliés contre Kagame, tandis que ce dernier tente de maintenir un statu quo favorable.

Entre Convoitise et Compétition

Sous toutes les administrations américaines, les politiques économiques en Afrique ont souvent mis l’accent sur des accords qui bénéficient principalement aux entreprises américaines, avec moins d’intérêt pour le développement local. Le modèle du premier mandat de Trump était peu concerné par les besoins nationaux des pays africains.

Si cette approche perdure, elle pourrait avantager le Rwanda, dont le climat des affaires est favorable et attractif pour les investissements dans la technologie et l’agriculture. Kagame pourrait tirer parti de cette image pour attirer des capitaux américains, renforçant ainsi son poids économique et diplomatique.

Tshisekedi, de son côté, gérer un pays immense, riche en ressources mais avec des défis en termes de logistique et capital humain. Ces contraintes ont longtemps freiné l’attractivité de la RDC pour les investisseurs américains, souvent à la recherche de profits rapides et de marchés accessibles. Cependant, si la RDC réussit à démontrer, pourquoi pas, avec un peu de poésie et de persuasion, qu’elle est capable de surmonter ces défis structurels, le potentiel d’investissement y est colossal, ce qui pourrait jouer en faveur de Tshisekedi dans la longue course pour séduire Trump.

Nouveau pion régional ?

La politique étrangère de Biden avait soigneusement placé ses pions sur l’Angola comme partenaire de confiance en Afrique subsaharienne, avec même une visite officielle prévue en décembre. Mais l’arrivée de Trump risque de transformer ce scénario bien ordonné en une mystification d’improvisation géopolitique. Là où Biden recherchait de la stabilité et un allié « solide », Trump, lui, pourrait décider de redistribuer les cartes façon poker, et, honnêtement, personne ne sait qui pourrait finir avec le rôle du joker dans ce jeu.

Si Trump décide de faire ses propres choix pour gérer les « bagarres » en Afrique subsaharienne, cela pourrait sérieusement secouer les ambitions de Tshisekedi et Kagame. Si Trump choisi entre les deux poids lourds africains, le Nigeria ou l’Afrique du Sud, Tshisekedi serait aux anges, avec une RDC renforcée en Afrique centrale, et l’influence du Rwanda diluée comme un mauvais cocktail. Mais si Trump mise plutôt sur le Kenya ou l’Ouganda, Kagame pourrait se retrouver avec un jackpot stratégique en main, consolidant une alliance Est-Africaine où le Rwanda serait la pièce maîtresse.

Cette redistribution des alliances pourrait également chambouler les dynamiques d’investissements, de flux commerciaux et d’aides militaires. Chaque leader devra habilement jouer ses cartes et s’ajuster aux préférences géopolitiques imprévisibles de Trump, qui pourrait bien choisir un « partenaire clé » en Afrique sans se soucier particulièrement de résoudre le conflit entre la RDC et le Rwanda.

Que le meilleur gagne ! Ou la cause juste ?

Comme l’a dit Muhammad Ali : « Le combat se gagne loin des lumières – derrière les lignes, à l’entraînement et sur la route, bien avant que je ne danse sous les projecteurs. » Mais ici, les projecteurs éclairent crûment une réalité douloureuse : l’est de la RDC a déjà assez souffert. Avec le lancement officiel d’un mécanisme de suivi de la crise sécuritaire dans l’est de la RDC à Goma, Tshisekedi semble prêt à avaler la pilule amère de l’humiliation, répondant aux exigences de Kagame dans un geste qui pourrait calmer les tensions mais qui risque aussi d’éroder sa crédibilité.

Bon, la victoire se jouera probablement avant même que l’un des deux leaders ne franchisse les portes de la Maison Blanche pour plaider sa cause. Tshisekedi pourrait bien miser sur son budget de lobbying, mais Kagame a déjà prouvé qu’il pouvait faire beaucoup avec peu. Dans cette compétition où chaque mouvement compte, l’avenir des deux nations, et, par extension, de la région des Grands Lacs, pourrait bien dépendre de la capacité de chacun à anticiper les désirs et priorités de Trump.

Alors, que la nouvelle course commence ! Entre poignées de main calculées, quelques poignards dans le dos, et des sourires de circonstance, Tshisekedi et Kagame s’affrontent dans un duel où chaque atout et chaque faiblesse sont amplifiés. Qui saura captiver le nouveau locataire de la Maison Blanche ? L’histoire nous le dira, mais pour l’instant, les paris sont ouverts, et le ring est prêt pour un combat diplomatique acharné.

Il faut dire que Trump, dans son premier mandat, a souvent manifesté peu d’intérêt pour s’engager dans des conflits complexes à l’étranger. Il pourrait bien choisir de ne pas « se salir les mains » et laisser les deux leaders naviguer seuls dans cette situation explosive.

Trump est président des États-Unis d’Amérique

Le slogan de la campagne de Trump était « Make America Great Again ». Dans sa vision, la grandeur des États-Unis passe avant tout, et ni l’Afrique, ni la RDC, ni le Rwanda n’y figurent en priorité. Trump n’a pas fait campagne pour rendre la RDC prospère, ni pour résoudre les tensions entre Kigali et Kinshasa. Pour lui, l’Afrique, avec toute sa richesse de ressources et ses opportunités de marché, est un terrain où les États-Unis pourraient, si l’occasion est rentable, tirer leur épingle du jeu.

C’est aux présidents Tshisekedi et Kagame, ainsi qu’aux élites de chaque pays, de décider comment collaborer ou, soyons francs, comment exploiter l’autre pour maximiser les gains de leurs propres citoyens. La question n’est plus de savoir si l’un peut dominer l’autre, mais plutôt de comprendre comment chaque pays peut manœuvrer dans cette rivalité régionale, en capitalisant sur les ressources, l’influence et les alliances internationales pour son propre développement. Que ce soit par des partenariats stratégiques ou des manœuvres de pouvoir, chaque dirigeant doit déterminer s’il est plus avantageux de bâtir des ponts ou d’établir une forme subtile de domination régionale pour assurer les intérêts de sa nation.

C’est exactement ce que les Rwandais semblent avoir compris et appliqué, quitte à ce que cela se fasse au prix de vies humaines. Pour eux, chaque action est une pièce sur l’échiquier de la domination régionale, une stratégie où alliances et conflits servent les intérêts rwandais, même au détriment de la stabilité de l’est de la RDC. Les Congolais, en revanche, semble naïvement croire à la possibilité d’une coopération sans arrière-pensée, alors même que les réalités du jeu de pouvoir régional exigent une posture plus pragmatique. Cette approche moins cynique sous-estime cette compétition impitoyable. Autrement-dit, dans ce contexte de rivalité, la question n’est plus de savoir qui peut simplement s’allier, mais de voir qui, entre eux, saura maîtriser ce jeu pour obtenir le maximum de gains nationaux, quitte à dominer subtilement l’autre.

Jo M. Sekimonyo

Économiste politique, théoricien, militant des droits de l’homme et écrivain

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