Tribunes Économiques

RDC : une crise sans précédent ignorée

Ces derniers mois ont vu une détérioration dramatique de la situation dans l’est de la République démocratique du Congo, où d’innombrables civils sont attaqués en toute impunité. Les niveaux extrêmes de violence, de faim et de déplacements reçoivent peu de financement, l’apathie des médias et la négligence. Le monde extérieur néglige une crise humanitaire aux proportions immenses dans une région où les besoins humanitaires sont énormes depuis des décennies.

« Le manque d’attention accordé aux souffrances sans précédent dans l’est du Congo est impardonnable. Il s’agit de la plus grande crise alimentaire au monde. 25 millions de personnes se retrouvent en grande partie livrées à elles-mêmes, confrontées à la famine, aux maladies et aux attaques. Un tiers des enfants ne sont pas scolarisés. Les personnes que j’ai rencontrées m’ont raconté des histoires de souffrance humaine à un niveau extrême : des groupes armés attaquant des familles sans défense, des femmes et des filles soumises à des violences sexuelles, des enfants incapables d’aller à l’école, des réserves alimentaires rapidement épuisées et un manque d’eau potable. J’ai rarement été témoin de besoins humanitaires d’une telle ampleur », a déclaré le secrétaire général du CNRC, Jan Egeland, après avoir visité la province de l’Ituri cette semaine.

Les récentes campagnes militaires et massacres ont provoqué une situation d’urgence aiguë dans un contexte de décennies de crise profonde et de négligence. La communauté internationale doit soutenir une réponse à la hauteur de la gravité de la situation dans la province de l’Ituri et plus largement dans l’est de la République démocratique du Congo.

Huit mois après le début de 2023, moins d’un tiers du financement requis a été reçu pour la modeste réponse humanitaire prévue en République démocratique du Congo. Il n’est pas acceptable que les agences humanitaires soient obligées de faire des choix impossibles quant à savoir qui peut ou ne peut pas être aidé. Et il n’est pas acceptable que tant de pays riches, d’entreprises et d’individus refusent d’apporter une juste contribution aux millions de personnes qui souffrent.

La violence généralisée des groupes armés dans la province de l’Ituri a provoqué le déplacement de plus de 550 000 personnes ces derniers mois, contribuant ainsi à un total de 1,7 million de personnes qui ont dû fuir leur foyer. En juin, une attaque contre le site de déplacement de Lala a entraîné la mort de 46 personnes, dont une majorité d’enfants et de personnes âgées, incapables de courir. Plus de 7 800 autres personnes ont été contraintes de fuir le site.

La situation en Ituri est une urgence négligée au sein d’une crise déjà négligée. L’ampleur de la violence contre les civils a conduit à une croissance exponentielle du nombre de personnes forcées de fuir. La protection des civils est quasiment inexistante, les groupes armés s’attaquant aux personnes en toute impunité. Les personnes vulnérables n’ont nulle part où se tourner.

Rien qu’en Ituri, plus de 750 000 enfants ont vu leur éducation interrompue en raison du conflit armé. Lorsque les enfants se voient refuser leur droit à l’éducation, les taux d’exploitation sexuelle, de traite, de mariage forcé et de recrutement dans des groupes armés augmentent considérablement. Ne pas bénéficier d’une éducation tue leur espoir d’un avenir meilleur. Nous faisons donc tout notre possible pour rétablir l’éducation et la formation des enfants. C’est essentiel si nous voulons un jour briser ce cycle dévastateur de violence et de souffrance.

La négligence face aux souffrances en RDC fait partie d’un fossé mondial béant, entre les ressources promises pour l’aide et les besoins sur le terrain. Partout dans le monde, un immense déficit de financement se développe, privant des millions de personnes des besoins les plus élémentaires, voire même de la nourriture. Le personnel du CNRC est témoin des effets de la négligence et de la souffrance d’une manière qui n’est tout simplement pas enregistrée dans les capitales, les conseils d’administration et les salles de rédaction des pays du Nord.  

La population de l’est de la République démocratique du Congo a désespérément besoin que la communauté internationale intensifie ses efforts financiers, politiques et diplomatiques pour combler l’écart.

Faits et chiffres : 

  • La République démocratique du Congo est la plus grande crise alimentaire au monde, avec plus de 25 millions de personnes qui luttent quotidiennement pour simplement manger à leur faim. ( PAM )
  • La République démocratique du Congo abrite l’une des plus grandes populations déplacées au monde et est classée parmi les crises de déplacement les plus négligées au monde au cours des sept dernières années,  selon le rapport annuel du NRC .
  • Le pays accueille l’une des plus grandes populations déplacées (y compris les réfugiés) au monde – environ 5,5 millions. La majorité se trouve dans l’est du pays. ( HCR )
  • Le peu de financement fourni à la RD Congo provient d’un très petit groupe de contributeurs : plus de 80 % du soutien financier actuel provient de seulement 5 donateurs ( UNOCHA )
  • Sur les huit premiers mois de cette année, seul un tiers des financements nécessaires à la RDC a été alloué. Dans l’état actuel des choses, il manque à la RDC environ 70 % de l’aide dont elle a besoin. ( HCR )
  • Le secteur de l’éducation a été particulièrement touché par la crise, avec plus d’un enfant sur trois n’étant pas scolarisé début 2022 et plus de 230 écoles fermées dans toute l’Ituri au cours de l’année. ( UNICEF )

Des dizaines de crises humanitaires sont confrontées à d’importants déficits de financement. Pour chaque dollar d’aide humanitaire collecté par personne dans le besoin en Ukraine, par exemple, seulement 25 cents ont été collectés par personne dans le besoin dans le cadre des 10 crises les plus négligées au monde.

En 2022, le nombre de personnes dans le besoin en RDC était nettement plus élevé que le nombre de personnes dans le besoin en Ukraine, mais le montant du financement obtenu était inférieur de 74 %.

Ed Prior

Conseiller médias du secrétaire général NRC

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