Société

RDC : NUIT DE NOEL 2025 – Cathédrale saints Pierre et Paul Lubumbashi, 24 décembre 2025

Messeigneurs les Vicaires généraux, Frères et sœurs dans le Christ,

En communion avec les chrétiens et chrétiennes de toute la terre, dans l’allégresse, nous venons, ce soir, nous incliner devant le Fils de Dieu, venu dans ce monde pour sauver l’humanité de ses péchés.

Nous venons glorifier Dieu, qui, en nous envoyant son Fils, son Fils unique, réalise sa promesse de donner le salut au monde.

Ce soir, la lumière venant du ciel resplendit avec un éclat exceptionnel. Elle chasse les ténèbres qui englobent le monde et enveloppent nos vies.

Dans la foi, au son des mélodies célestes du chœur des anges, contemplons cette lumière vive et laissons éclater notre joie.

Mais auparavant, reconnaissons qu’assez souvent, nous laissons envahir nos cœurs par les ténèbres du péché et demandons à Dieu de nous purifier.

HOMELIE

Messeigneurs les Vicaires généraux,

Frères et sœurs dans le Christ,

Comme chaque année, à la même date, nous commémorons la nativité de notre Sauveur. Remarquons d’emblée que malgré la longueur du temps qui nous sépare de cet événement mémorable dans l’histoire de l’humanité, qui a eu lieu il y a près de deux mille vingt-cinq ans, notre ferveur est intacte. En effet, ce qui nous réunit ce soir, n’est pas simplement synonyme de nous souvenir de la nativité de notre Sauveur, mais la joie de la vivre dans la foi, après avoir été préparés pendant quatre semaines du temps de l’Avent.

La liturgie de ce soir est splendide. Par-delà l’évocation d’un souvenir vivant et mémorable de la venue au monde du Fils de Dieu, elle nous plonge dans la prière, la communion et la contemplation.

Nous venons avant tout prier devant la crèche, où repose ce nouveau-né qui vient sauver l’humanité. Notre prière est davantage une prière d’adoration de ce petit enfant que nous sommes appelés à reconnaître comme Dieu fait homme, Verbe fait chair (Jn 1, 14). Cette reconnaissance du Fils de Dieu est un acte de foi et d’action de grâce, qui compte beaucoup pour nous. Elle est l’âme de notre célébration de ce soir, à laquelle nous a préparés tout le temps de l’Avent. En plus de reconnaître le Messie dans cet enfant de Noël, il nous faut l’accueillir, l’accepter dans notre vie ; il nous faut, par le fait même, nous résoudre à le laisser naître dans nos cœurs, et surtout nous engager à croître avec lui et à marcher selon le message qu’il est venu livrer au monde.

Nous sommes réunis ensuite dans la communion avec tous ceux et toutes celles, en Eglise ou en dehors d’elle, célèbrent, dans la foi ou dans la joie, le mystère de la venue du Fils de Dieu dans ce monde. Réalisation d’une promesse divine et accomplissement du dessein de Dieu pour le salut du monde, cette naissance du Sauveur de l’humanité est l’expression de l’amour suprême de Dieu pour chacun et chacune de nous. Cette célébration, en effet, nous rappelle que nous ne sommes pas seuls à croire en Jésus, Fils de Dieu, venu dans ce monde pour nous sauver. Au contraire, nous sommes nombreux, unis dans la foi, sans distinction de race, de sexe ou d’ethnie et nous sommes tous engagés dans la marche synodale pour rencontrer le Christ vivant. Notre présence ici exprime notre croire ensemble, qui justifie notre vivre ensemble et notre marche ensemble, comme manière concrète de vivre notre synodalité.

Ce soir, nous venons également contempler la grandeur et la splendeur de Dieu, qui se révèlent dans l’enfant de Bethléem. Nous fêtons Dieu si Grand, qui se laisse toucher dans la chair de cet enfant merveilleux. En effet, l’événement est grandiose : Dieu, qu’on sait invisible, se rend désormais visible dans son Fils bien-aimé. Ce Fils de Dieu est de condition divine, c’est-à dire qu’il est Dieu, Fils de Dieu. Il est venu du ciel. Il a revêtu notre humanité pour la rendre apte à être sauvée. Il est en plus Emmanuel, ‘’Dieu parmi nous’’ pour nous donner le salut et donc pour nous donner la possibilité d’entrer, nous aussi, au ciel. C’est un mystère appelé ‘’mystère du Verbe incarné’’ ou ‘’mystère de l’Incarnation’’. Ce mystère dépasse notre intelligence humaine.

Face à un tel mystère, la meilleure attitude de foi que nous puissions adopter c’est de le contempler. L’essentiel de cette nuit sainte réside, en effet, à contempler Dieu si Grand, si inexprimable, si innommable qui, par amour pour nous, pécheurs, est visible dans ce petit enfant, né d’une humble femme de Nazareth, la Bienheureuse Vierge Marie. Pour bien contempler cet enfant merveilleux, annoncé par les prophètes, puis attendu depuis de nombreux siècles, il nous faut en même temps l’adorer parce qu’il est Dieu fait homme. Voilà pourquoi une vraie contemplation doit conduire à l’adoration et suivie de son acceptation comme Messie Sauveur. La crèche, un outil didactique, nous aide justement à passer par ces trois moments : contempler en reconnaissant le Messie, l’adorer et, enfin, l’accepter comme Sauveur.

A la lumière de cet enseignement, prenant en compte les réalités de notre contexte d’aujourd’hui, il y a lieu de retenir quelques leçons pour notre foi. Je n’en présenterai que trois.

Le premier message est relatif à l’ ’’Ubuntu’’, ‘’Bumundu’’, ‘’Bumuntu’’, ‘’Ubumuntu’’, que sugère la venue de Jésus, Verbe divin, dans la chair de l’humanité et qui constitue une dimension importante de son identité de vraiment Dieu et vraiment homme.

En entrant dans l’humanité, le Verbe divin, vrai homme et vrai Dieu, a honoré, valorisé et porté l’humanité au-dessus de toutes les créatures. Dans le langage de l’Eglise, nous parlons de la dignité inaliénable de la personne humaine. Cette dignité conférée à l’homme depuis la Création est renforcée, portée à sa plus haute signification par le fait de l’Incarnation du Verbe dans la chair humaine.

Dans ce sens, Noël nous apporte un message fort, qui se résume à peu près à ceci : nous sommes des créatures de Dieu dotés d’une dignité inaliénable que nous confère Jésus en se faisant homme comme nous, en ressemblant à nous en toutes choses sauf dans le péché. Dès lors, il nous faut en prendre conscience. Ainsi, soyons humains et considérons les autres comme des humains.

Etre humain c’est avoir des sentiments de bienveillance envers les autres, avoir de la compassion et de l’empathie pour eux, les aimer, ne pas faire aux autres ce que l’on récuse soi-même (Cfr Mt 7, 12).

A ce propos, en attendant parler des Accords sur notre pays, la RDC, je suis porté à faire une brève réflexion.

D’une part, je considère la situation actuelle de notre pays comme un riche homme qui souffre d’une maladie incurable et qu’entourent des gens qui, au lieu de le consoler et de compatir à sa maladie, ont des yeux rivés sur sa richesse, lui parlent plutôt de la façon dont ils vont se partager son héritage. Etrange attitude qui soulève pas mal de questions ᴉ

A tous ceux et celles qu’intéressent les ressources naturelles du Congo, la lumière de Noël nous pousse à dire qu’au-delà des minerais, il y a des gens, dotés de la dignité qui vient de Dieu. Il est absurde qu’on ne voie en RDC que des minerais à venir prendre, surtout des minerais dits stratégiques pour répondre aux besoins de la transition énergique (Cobalt, lithium, coltan, cuivre, etc.).

On parle des couloirs, c’est-à-dire des passages inclinés vers l’extérieur de notre pays, des réseaux pour faire couler les minerais vers l’extérieur, le tout sans d’abord se préoccuper des humains qui habitent sur la surface et dans ces territoires et qui, eux, ont besoin de paix et de développement.

En réalité, ces Accords sont des Accords de fausse amitié, de coopération déséquilibrée, de convoitise immodérée de nos ressources naturelles qui tirent profit de la faiblesse actuelle de notre pays pour lui prendre ce qui, en fait, revient à son peuple.

 L’idéologie qui sous-tend ces fameux Accords est en contradiction flagrante avec ce que Jésus, Fils de Dieu, est venu apporter à tous les hommes et à toutes les femmes de ce monde, à savoir leur dignité. De fait, nous sommes des humains, des personnes humaines, des personnes ayant besoin de dignité, de paix et de développement. Nous valons plus que les minerais. Nous sommes assoiffés de paix et de développement. Sans vouloir nier notre propre responsabilité en tant que Congolais et Congolaises, c’est cela qui, en principe, devrait d’abord préoccuper ceux qui prétendent venir nous aider pour mettre fin à la guerre et signer des Accords avec nous.

Il y a comme un déséquilibre géostratégique qui ne résiste pas face aux principes éthiques. Il s’agit, en réalité, d’une nouvelle forme de colonialisme, précisément un colonialisme économique. Ce courant idéologique, dont souffrent d’autres pays africains, avait été dénoncé par le Pape François, lors de sa visite apostolique dans notre pays. Le Pontife romain disait :

« Après le colonialisme politique, un ‘’colonialisme économique’’ tout aussi asservissant s’est déchaîné. Ce pays, largement pillé, ne parvient donc pas à profiter suffisamment de ses immenses ressources : on en est arrivé au paradoxe que les fruits de sa terre le rendent ‘’étranger’’ à ses habitants. Le poison de la cupidité a ensanglanté ses diamants. C’est un drame devant lequel le monde économiquement plus avancé ferme souvent les yeux, les oreilles et la bouche. Mais ce pays et ce continent méritent d’être respectés et écoutés ; ils méritent espace et attention : Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l’Afrique. Cessez d’étouffer l’Afrique : elle n’est pas une mine à exploiter ni une terre à dévaliser ».

Ce propos du Saint Père est d’une actualité brûlante et mérite une profonde méditation. C’est une interpellation, mieux une boussole qui doit éclairer et orienter toute forme d’engagement de notre pays et de son patrimoine économique.

Dans le cas qui est le nôtre, il est dès lors inimaginable de gager ou de brader les minerais de toute une nation pour sauver un régime ou un système politique. De toute évidence, cela revient à sacrifier le développement de la population et à confisquer le bonheur des générations à venir. Etes-vous au courant qu’on a signé des Accords de 99 ans d’exploitation de nos minerais ? Vous avez bien entendu : 99 ans ᴉ

Aussi les minerais, il faut le rappeler, ne sont pas inépuisables. Nous avons l’obligation de les gérer avec sagesse, prioritairement au profit de notre population congolaise et des générations futures.

En outre, dans le contexte de la transition énergétique pariant sur les minerais stratégiques, après la guerre froide, de triste mémoire, il y a un grand risque à transformer la République Démocratique du Congo, notre pays, en un champ de bataille entre les puissances occidentales et la Chine. Beaucoup de signes avant-coureurs d’une telle bataille sont aujourd’hui identifiables. La population congolaise en paiera un lourd tribut. Vous voilà donc prévenus ᴉ

Dans ce contexte, face à l’aspiration populaire à la paix et au développement intégral, il n’est pas sage de faire des choix politiques qui préjudicient le peuple congolais, sacrifient la vie des autres et celle des enfants des autres. Voilà pourquoi faire la guerre est, en mon sens, une vaste distraction pour esquiver les vrais enjeux en cause. La guerre, en effet, augmente les risques que la population congolaise ne profite pas assez des dividendes de ses ressources naturelles.

Messeigneurs les Vicaires généraux, Frères et sœurs dans le Christ,

Le deuxième message est relatif à la dignité des enfants que suggère l’Enfant de la crèche. Cette dignité s’étend aux enfants en rupture familiale, qu’on appelle péjorativement enfants de la rue, shégués, moineaux ou vagabonds et dont s’occupent si bien nos vaillants missionnaires salésiens et salésiennes.

Je tiens à rappeler que même dans la rue, ces enfants ont des droits. Je suis conscient que ces enfants commettent parfois des exactions. Leur présence dans la rue constitue effectivement un problème de société, dont la responsabilité est partagée entre leurs familles et notre Etat. Néanmoins, on ne peut pour autant les traiter comme de bêtes de somme, des brigands ou des esclaves. C’est pourquoi, je condamne, une fois de plus, les rapts, les kidnappings, les enlèvements et l’enrôlement forcé pour le Service national de Kanyama Kasese, dont ces enfants sont victimes dans certaines villes de l’archidiocèse de Lubumbashi. Par respect pour la noble intuition de Mzee Laurent- Désiré Kabila, Fondateur de cette œuvre remarquable, je conseille leurs bourreaux de procéder au volontariat pour recruter les candidats à former à ce Service. Bien plus, étant donné que celui-ci est national, il n’est pas bon de ne venir recruter, et de la manière que nous condamnons ici, seulement au Katanga et dans une moindre mesure à Kinshasa, parce que, que je sache, le Congo a 26 provinces.

Messeigneurs les Vicaires généraux, Frères et sœurs dans le Christ,

Le troisième message que j’ai retenu ce soir est que, selon le témoignage du prophète Isaie (Cfr Is 9, 5), le nouveau-né porte des titres qui en disent long : Merveilleux Conseiller, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la paix.

Chacun de ces titres mérite une profonde méditation. Mais au regard de nos réalités d’aujourd’hui, le titre de ‘’Prince de la paix’’ retient plus notre attention. Nous, peuple congolais, voulons la paix. La vraie, c’est-à-dire la paix durable. La venue du Christ dans le monde revive notre espérance de vivre un jour dans la paix. En effet, Christ, a dit Saint Paul, est notre paix (Cfr Ep. 2, 14). C’est lui qui nous donne la vraie paix, à ne pas confondre avec l’absence de guerre. Voilà pourquoi, à chaque eucharistie, nous répétons ce qu’Il a dit à ses apôtres : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27). Notre prière s’élève au Très Haut pour que nous ayons cette paix de manière vraie et durable. Pour cela, nous devons être des artisans de paix, des amis de la paix, des assoiffés de la paix, comme le Christ lui-même nous a exhortés dans son Sermon sur la montagne (Cfr Mt 5, 9). Dès lors, entre le chemin de la paix et autre chose, notre choix doit naturellement porter sur le chemin de la paix.

Voilà pourquoi j’invite à la cessation immédiate de la guerre dans notre pays. La guerre fauche d’innombrables vies humaines, jette d’innombrables compatriotes sur le chemin de l’exil, crée la misère et la désolation. Elle n’est pas la seule solution à nos problèmes, surtout pas la meilleure. Il faut l’arrêter et nous engager résolument sur la voie de l’entente mutuelle, la réconciliation, le pardon mutuel, en vue de bâtir un Congo solidaire, uni et fort économiquement.

Il convient de retenir que notre Seigneur Jésus Christ a un jugement très sévère sur le refus de la paix. Ce refus de la paix n’est pas sans conséquences. En envoyant ses disciples en mission, le Christ leur a donné cette instruction :

« En quelque ville ou village que vous entriez, faites-vous indiquer quelqu’un d’honorable et demeurez-y jusqu’à ce que vous partiez. En entrant dans la maison, saluez-la : si cette maison en est digne, que votre paix vienne sur elle ; si elle ne l’est pas, que votre paix vous soit retournée. Et si quelqu’un ne vous accueille pas et n’écoute pas vos paroles, sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds. En vérité je vous le dis : au Jour du Jugement, il y aura moins de rigueur pour le pays de Sodome et de Gomorrhe que pour cette ville-là » (Mt 10, 11-15).

Aux yeux de notre Seigneur, le refus de la paix est quelque chose de grave. On ne le réalise pas assez souvent, c’est l’équivalent du refus de Dieu. Il faut bien réfléchir avant de refuser le chemin de la paix et être prêt à en assumer les conséquences. Nous sommes prévenus ᴉ

Que la bienheureuse Vierge Marie intercède pour nous, afin que, nous puissions accueillir son Fils et croire en lui, comme elle nous en a donné l’exemple. En nous souhaitant Joyeux Noël, n’oublions pas de penser à ceux et celles qui, de par le monde, particulièrement dans notre pays, sont privés de paix et de pain.

Amen.

Monseigneur Fulgence Muteba Mugalu

Archevêque Métropolitain de Lubumbashi et Président de la CENCO.

roi makoko

Recent Posts

Chine : Message du président chinois Xi Jinping pour le Nouvel An 2026

À la veille du Nouvel An, le président chinois Xi Jinping a transmis son message…

8 minutes ago

RDC–États-Unis : Partenariat stratégique ou architecture de sécurisation extractive ?

Pris dans son ensemble, l’accord institue une stratégie de croissance résolument structurée autour des minerais…

8 heures ago

France : Brigitte Bardot a incarné la femme moderne et défié les normes sociales

La mort de Brigitte Bardot, à l'âge de 91 ans , met un terme à…

2 jours ago

Myanmar : immenses opérations d’escroquerie en ligne prospèrent

L’Asie du Sud-Est est devenue l’épicentre de l’escroquerie en ligne mondiale, selon l’ONU, coûtant chaque…

2 jours ago

Crise en RD Congo : Il y a urgence de passer de la sous-traitance sécuritaire à la reconstruction institutionnelle ! (Tribune de Dr. John M. Ulimwengu)

Face à la persistance de l’insécurité à l’Est de la République démocratique du Congo, l’État…

2 jours ago