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RDC : Léopold II ou Mobutu, quel fantôme hante le présent ? (Tribune de Jo M. Sekimonyo)

Adolescent, j’ai découvert « Les Fantômes du roi Léopold: Un holocauste oublié » d’Adam Hochschild, un livre qui dévoile avec une tristesse déchirante comment Léopold II a transformé le Congo en un champ de destruction économique, un véritable génocide masqué sous les dehors de la philanthropie. Il a mis en place un système de production forcée basé sur des concessions accordées à des entreprises privées, soutenues par la Force Publique, des indigènes, où la violence était endémique.

Cette économie politique de la violence, où les profits du caoutchouc étaient directement liés à la terreur et à la mort, symbolisait un impérialisme implacable, fondé sur l’exploitation humaine au service des intérêts financiers de l’État léopoldien.

Après avoir pris le contrôle de la colonie des griffes de leur roi en 1908, la Belgique adopta une attitude paternaliste : les Congolais étaient traités comme des mineurs. Les autorités traditionnelles étaient instrumentalisées en tant qu’agents pour collecter les impôts et mobiliser la main-d’œuvre au profit de la métropole coloniale.

Aujourd’hui, après avoir visité des sites miniers à Kolwezi, il est clair que le président Félix Tshisekedi et son prédécesseur Joseph Kabila sont bien plus que des frères idéologiques : ils sont des jumeaux siamois dans leur approche économique. Alors que la violence directe de Léopold II a évolué en une exploitation plus insidieuse, sous le regard menaçant des militaires congolaises, sous un prétexte philanthropique et une vision paternaliste du gouvernement central, qui s’est érigé depuis Mobutu en nouvelle métropole coloniale, cette obsession perdure. Le nouveau « kapita, » Doudou Fwamba Likunde Li-Botayi, perpétue cette même logique de maximisation des recettes fiscales pour l’Etat, et ce, par tous les moyens nécessaires.

Le fantôme de Mobutu se manifeste par les initiatives, les activités et les programmes du gouvernement qui sont tous plus axés sur le prestige que par l’efficacité réelle. En regardant la télévision ou en lisant les journaux en RDC, on ne peut que s’émerveiller devant les membres du cabinet et les soi-disant opposants politiques, qui se pavanent comme des paons, déployant leurs plumes avec une telle bravoure. On pourrait presque les féliciter pour leur talent à impressionner le public, si seulement cette mise en scène ne se faisait pas au détriment des résultats concrets qui comptent vraiment pour les Congolais, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Je me vois contraint de reformuler, sous une nouvelle perspective, que pour résoudre le problème primordial de transformer le paradigme congolais déplorable—et briser un cycle séculaire d’humiliation sociale, politique et économique—il est crucial d’initier une phase de super-croissance, un miracle économique.

La formule

Tout comme il est possible de découvrir la formule d’une bombe nucléaire avec une simple recherche en ligne, comprendre comment super-dynamiser l’économie d’une nation semble presque simpliste : investir dans l’éducation de qualité, accroître les investissements dans les infrastructures et les secteurs modernes, et ouvrir l’économie aux investissements étrangers, non seulement pour l’afflux de capitaux, mais aussi pour approfondir les compétences en gestion et en efficacité. Facile, non ? Pourtant, la carte n’est pas le chemin.

Pour illustrer, en 1980, le PIB par habitant de la Chine était de 312,02 USD, et celui de l’Inde de 267,39 USD (tous deux inférieurs à celui de la RDC à l’époque). La Chine et l’Inde, toutes deux conscientes de cette formule et disposant de personnes formées pour la mettre en œuvre, avaient des potentiels et des malheurs de départ similaire. Pourtant, la Chine a réussi à se mobiliser et à réaliser le miracle social et économique, tandis que l’Inde continue de patauger.

Chine Vs. Inde

La Chine a adopté un modèle de croissance orienté vers l’investissement, et maintenant les États-Unis et les pays européens emboitent le pas pour développer des avantages comparatifs dans les secteurs de l’économie verte et microprocesseurs.

Le succès économique de la Chine repose en partie sur ses investissements dans le capital humain et l’égalité des genres. De plus, la politique chinoise impose aux entreprises étrangères de former des coentreprises avec des acteurs locaux, favorisant le transfert de compétences dans des industries clés telles que l’automobile, les véhicules électriques et les trains à grande vitesse. La Chine maintient également un contrôle stratégique sur les secteurs des transports et de l’énergie pour aligner leur développement avec la croissance économique et les transformations sociales.

Cependant, ces stratégies de renforcement des capacités sont moins décisives que l’approche consistant à pousser les gouvernements locaux à contracter des emprunts massifs pour des projets d’infrastructure et à soutenir les initiatives entrepreneuriales locales. La dette des gouvernements locaux chinois dépasse désormais 9,8 billions de dollars, reflétant l’ampleur de ces investissements dans les infrastructures et le développement économique régional.

L’héritage colonial et le système de castes en Inde ont engendré un piège de désorientation. Tandis que la Chine, en plus de l’athéisme officiel, intègre plus de 200 groupes ethniques sans que ces identités ne freinent son progrès, l’Inde demeure prisonnière de ses divisions sociales et religieux rigides. En outre, maintenir délibérément les gouvernements locaux faibles et les affaiblir davantage à chaque fois, combiné à la persistance des castes et des identités religieuses, a non seulement maintenu ces administrations sous-dotées ou sabotées, mais a aussi transformé le système démocratique en une fatalité à la transformation sociale.

La super-dynamisation l’économie congolais est ancrée dans la question suivante : le Congo est-il plus similaire à la Chine ou à l’Inde ? La réponse devrait sembler évidente : nous sommes plus structurellement plus comme de l’Inde.

Correction constitutionnelle : Exorciser le fantôme de Léopold II ou de Mobutu pour être apte à suivre le modèle chinois

Voici les articles principaux, mais pour plus de détails, je vous invite à consulter le site : https://rdcconstitutionrevision2024.com .

ARTICLE 3 : Création d’une identité nationale pour chaque Congolais.  ARTICLE 5 : Garantie d’accès à l’éducation et aux opportunités économiques pour tous les citoyens congolais. ARTICLE 7 : Protection du droit à la liberté d’expression. ARTICLE 14 : Organisation d’un recensement général tous les 10 ans.  ARTICLE 15 : Le droit foncier inclut celui du sous-sol, sauf pour les étrangers.  ARTICLE 16 : L’État ne peut traiter qu’avec des entreprises enregistrées en RDC où les Congolais détiennent plus de 50 % des actions. Une mesure incitative pour que les Congolais créent leurs propres banques.

Le plus important :

ARTICLE 24 : Les compétences exclusives des entités territoriales décentralisées couvrent la police locale, les pompiers, la santé, l’enseignement primaire et secondaire, les transports publics, les services publics, l’immobilier, les infrastructures locales (eau, électricité), le commerce et la protection de l’environnement. Elles sont également responsables de la régulation des PME.

Les entités territoriales perçoivent des impôts sur les transactions économiques (basé sur la valeur des ventes, ad valorem) et les impôts fonciers. Elles peuvent instaurer des taxes dans leur juridiction, émettre des obligations avec l’approbation du Parlement provincial, et créer des entreprises mixtes pour exploiter les ressources naturelles, minières ou pétrolières. Elles délivrent également les permis de recherche et d’exploitation.

Le verrou

Il existe un obstacle majeur qui empêche la RDC de déclencher une croissance accélérée : une direction claire, le choix stratégique des secteurs clés et des investissements soutenus à long terme.

Felix Tshisekedi incarne un tribaliste idéologique acharné et l’attitude paternaliste des colons belges et se porte garant du bastion de ces fléaux. Il a créé dans son gouvernement tout un vice ministère dédié aux Affaires Coutumières, démontrant ainsi qu’il ne croit pas à l’égalité de tous, à l’image de l’Inde. Dans une interview, il s’affirme plus Mobutiste qu’il ne le pense : il voit un danger en l’autonomie des entités territoriales décentralisés, les dénigrant dans ses discours. Sur le plan de l’économie politique, il affectionne le « prêt-à-porter », c’est-à-dire les solutions prémâchées importées, sans donner aux Congolais l’opportunité d’acquérir des compétences ni de renforcer leurs capacités modernes. De plus, son mandat est entaché de scandales financiers, résultant du favoritisme et du clientélisme qui gangrènent la gouvernance. Heureusement pour nous, il ne constitue pas un véritable goulot d’étranglement, car son dernier mandat touche rapidement à sa fin.

La Chine, pour sa part, a magistralement joué le rôle du « Renard » dans la version moderne du « Corbeau et du Renard » pour se moderniser, semant aujourd’hui la terreur parmi ses concurrents mondiaux, les « Corbeaux ». Mais maintenant, le reste du monde développé connaît le tour. Comment duper à notre tour le monde ? Comment jouer le tour une Chine qui la perfectionner, saisissant notre fromage avec une emprise ferme ? Toutefois, ce dilemme n’est pas le véritable obstacle qui pourrait nous freiner.

Le véritable goulot d’étranglement réside dans l’anti-intellectualisme des élites – qu’il s’agisse des médias, de la politique, de la religion, de la société ou même du monde académique. Combien de fois ai-je entendu des journalistes se lamenter en direct que mes réponses étaient « trop élevées », comme si j’étais dans un autre univers ? Combien de fois m’a-t-on assuré que « les gens », mais pas eux bien sûr, ne pouvaient pas suivre mon raisonnement ?

Les élites ont même réussi à ériger des secteurs entiers autour de l’anti-intellectualisme : entre les chaînes de télévision dépourvues de véritable stratégie ou mission, les coachs sans expertise utiles, les influenceurs fauchés en quête de célébrité, et les églises omniprésentes. Tout encourage la culture de la médiocrité, asphyxiant l’élan créatif et annihilant l’ambition de compétitivité sur la scène mondiale.

Tant que les émotions et la spiritualité continueront à prévaloir sur la logique dans le processus décisionnel, comme c’est souvent le cas en Inde, plutôt que d’adopter l’approche pragmatique de la Chine, la RDC restera verrouillée dans un cycle d’humiliation sociale, politique et surtout économique qui dure depuis plus d’un siècle.

Jo M. Sekimonyo

Écrivain, théoricien, défenseur des droits de l’Homme et économiste politique

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