Tribunes Économiques

RDC : le gouvernement s’acharne à peaufiner la misère au détriment de la croissance économique nationale

Indermit Gill, l’économiste en chef de la Banque mondiale, fustige que de nombreux pays en développement persistent à s’enliser dans des stratégies démodées, espérant ainsi atteindre le statut d’économies avancées. Il plaide, avec une insistance justifiée, pour une rupture radicale avec ces méthodes dépassées et encourage l’adoption de stratégies de croissance audacieuses et novatrices, seules capables de véritablement transformer les économies. C’est une voie que moi-même, ainsi que de nombreux autres défenseurs du Sud global, préconisons avec force pour les nations tiers-mondistes, afin de les extraire de l’impasse économique où elles se trouvent.

Cette trajectoire dépassée se reflète de manière flagrante dans la feuille de route économique adoptée par le gouvernement congolais, comme cela a été le cas avec tous ses prédécesseurs. Leur fixation sur le contrôle des prix, leur obsession pour l’inflation, et leur focalisation sur le taux de change du dollar face au franc congolais dans le but d’accroître le pouvoir d’achat dans un pays à revenu faible ne sont rien d’autre que des mécanismes subtils mais destructeurs, qui non seulement perpétuent, mais raffinent même la qualité de la pauvreté existante. Et que dire des vendeurs, pris dans cette même spirale de déception ?

Loin de stimuler une véritable croissance économique, ces stratégies ne font que renforcer un système qui enchaîne la population dans une misère chronique, tout en prétendant garantir une stabilisation économique illusoire.

Méthode Matata Ponyo : la magie de l’illusion

Aujourd’hui, l’un des artifices utilisés pour éblouir les Congolais est le « taux directeur ». Pourtant, dans une économie profondément dollarisée comme celle de la RDC, où la majorité des transactions se fait en devises étrangères et où les banques commerciales disposent d’une surliquidité, l’impact de cette politique est dérisoire sur la véritable économie. De surcroît, les infrastructures inadéquates et la structure économique défaillante, conjuguées à la nature même du taux directeur, rendent ces ajustements totalement inefficaces pour dynamiser réellement les activités commerciales.

Monsieur Matata Ponyo, durant son mandat de Premier ministre et jusqu’à ce jour, a trompé les Congolais en leur jetant de la poudre aux yeux avec le terme « macroéconomiques », tout en les abreuvant d’indicateurs fallacieux. Aujourd’hui, il se révèle comme le principal bénéficiaire de cette duperie. Bien qu’il ne nie pas avoir volé, il affirme que sa haute fonction au moment des faits devrait le protéger d’une condamnation. Le fait qu’il siège au parlement et se voit attribuer des rôles d’écoute, au lieu de purger une peine, constitue une incitation manifeste pour tous les anciens et nouveaux charlatans.

Si le gouvernement souhaite sincèrement reprendre le contrôle du système monétaire congolais, il doit relever mon défi : la dédollarisation du secteur public.

Les véritables baromètres

Il existe de nombreux indicateurs pour évaluer l’état d’une économie, mais les plus fondamentaux se résument aux taux de chômage et au salaire minimum.

Un faible taux de chômage est bénéfique pour l’économie et les dépenses des consommateurs, car il indique que davantage de personnes perçoivent un revenu. En général, un taux de chômage raisonnable se situe entre 3 % et 5 %.

La mesure de la pauvreté est fondée sur l’incapacité à obtenir les ressources monétaires nécessaires pour acquérir le panier de consommation minimal socialement accepté. La Banque mondiale fixe la ligne de pauvreté internationale à 2,15 $ par personne et par jour, servant de référence pour évaluer la pauvreté extrême à l’échelle mondiale. En conséquence, le salaire minimum garanti (SMIG) en RDC devrait s’aligner sur cette ligne internationale : au lieu de 2,15 $ par jour, comme un pays à revenu faible, d’abord 3,65 $ par jour pour atteindre le statut de pays à revenu intermédiaire inférieur puis dans un an à 6,85 $ par jour pour atteindre celui de pays à revenu intermédiaire supérieur.

L’objectif véritable est d’atteindre un salaire minimum de 7 $ de l’heure, le seuil le plus bas parmi les pays développés.

Leçons à tirer de l’échec du casse de Kigali : l’accord sur les migrants

Le nouveau Premier ministre britannique, Keir Starmer, a annulé le plan controversé de déportation des demandeurs d’asile vers le Rwanda. Ce dispositif, mis en place par le précédent gouvernement conservateur, avait conduit à un paiement de 310 millions de dollars au Rwanda depuis l’annonce du projet en 2022. Le coût total, initialement évalué à 700 millions de dollars, s’est en réalité élevé à 10 milliards de dollars.

Parallèlement, l’Union européenne est de plus en plus divisée sur la pertinence de financer l’intervention rwandaise au Mozambique, dont le coût s’élève à plusieurs millions de dollars.

Le régime rwandais semble engagé dans des opérations de braquage à l’échelle mondiale, pour ainsi dire, visant à rapatrier des fonds importants et à dynamiser son économie par des manœuvres complexes et controversées. Cette approche contraste fortement avec la situation RDC, où la privatisation des secteurs publics et les contrats attribués par les institutions continuent de privilégier les intérêts des entités étrangères. Au lieu de répondre aux besoins internes du pays, ces pratiques favorisent l’enrichissement des acteurs étrangers au détriment du développement économique national.

Plus préoccupant encore, le retrait des financements des pays développés pour Kagame soulève des inquiétudes quant à une possible intensification de ses efforts pour combler ce vide en exploitant la RDC par tous les moyens nécessaires.

Rire et pleure

On pourrait me demander comment je contribue à exploiter d’autres nations pour le bénéfice de la mienne. Cet article, à l’instar des précédents, démontre clairement comment je dérobe le savoir des nations développées pour le mettre à disposition gratuitement, malgré la morgue dont je fais l’objet de leur part.

Cependant, je ne peux m’empêcher de m’interroger sur la raison pour laquelle des individus comme Noël Tshiani préfèrent jouer les clowns plutôt que d’assumer leur rôle d’intellectuel ; user de leur intelligence et expertise au service de solutions concrètes pour la société. La tentation de se réfugier dans la facilité et la rémunération rapide est compréhensible, mais elle ne fait que renforcer le statu quo.

La RDC se trouve à l’aube d’un tournant historique, le premier depuis la fin de la colonisation, un moment où un chef d’État congolais saura enfin dénicher les talents et rassembler une équipe d’experts nationaux pour briser le cycle d’humiliation politique, sociale et économique qui étouffe la nation depuis plus d’un siècle. Et donc, il est désormais impératif que le président de la République, successeur de Félix Tshisekedi en 2028, possède une maîtrise approfondie de l’économie politique moderne. Il devra non seulement saisir avec acuité les défis contemporains, mais aussi concevoir et mettre en œuvre des solutions innovantes, en parfaite adéquation avec les besoins de la nation.

Je ne vois pas ces qualités chez des conservateurs congolais telles que Katumbi, Fayulu, Muzito, et encore moins chez Kabila ou Mukwege. Un tel être devrait nécessairement émerger du nouveau courant de libéraux congolais.

Ce changement ne pourra se réaliser sans une mobilisation passionnée de tous les Congolais. Il ne suffit pas de remplacer les acteurs ; il est crucial de réinventer les critères et les mécanismes de sélection des individus appelés à servir la patrie, tout en redéfinissant les responsabilités qui leur sont confiées. Ainsi, je répète, une révision profonde de la constitution de 2006 et des lois électorales s’impose, pour les aligner avec une vision moderne et éclairée de l’économie politique.

Jo M. Sekimonyo

Écrivain, théoricien, défenseur des droits de l’Homme et économiste politique

roi makoko

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