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RDC – Changement de la Constitution : Si je ne peux pas pour des raisons d’économie politique, alors ni le président ni quiconque ne peut pour des raisons purement politiques(Tribune de Jo M. Sekimonyo)

La Constitution est bien plus qu’un simple contrat social ou un pacte sacré ; c’est censé être la colonne vertébrale idéologique d’une nation, un texte qui oriente les choix politiques, économiques et sociaux pour garantir un progrès collectif. C’est notre bouclier contre l’arbitraire et notre boussole pour bâtir un avenir commun. Pourtant, la Constitution actuelle, comme celles qui l’ont précédée, porte le péché originel d’avoir été concoctée par des politiciens opportunistes et des juristes sans boussole de l’économie politique, ni vision idéologique claire. Résultat ? Une fois encore, un document bancal, taillé sur mesure pour maintenir les privilèges d’une élite déconnectée plutôt que pour bâtir une nation prospère. 

Face à ce que je considère comme un gâchis institutionnel, en tant que citoyen engagé et respectueux des principes démocratiques, initier une révision intégrale de cette Constitution, ce n’est pas un caprice, mais une nécessité dictée par ma foi en notre nation et ses citoyens. J’ai déposé une pétition pour une révision intégrale de la Constitution, accompagnée d’un projet structuré et fondé sur une trajectoire de véritable économie politique.

J’ai déposé, non pas une, ni deux, mais trois fois une pétition pour une révision intégrale, accompagnée d’un projet clair et complet de nouvelle Constitution : le 21 octobre 2014 auprès de la Commission politique, administrative et juridique de l’Assemblée nationale, puis à nouveau le 14 novembre 2024 auprès de la Commission politique, administrative, juridique et Droits humains du Sénat et de la présidence de la République. Ces actions reposent solidement sur l’article 27 de notre Constitution, qui impose à ces institutions une obligation claire : répondre à toute pétition citoyenne dans un délai de trois mois. Tout silence ou refus au-delà de ce délai constitue une violation manifeste de la loi fondamentale, ce même texte que certains proclament inviolable, mais qu’ils foulent du pied en silence.

Au lieu d’un débat constructif, le régime et la soi-disant opposition se taisent sur ma pétition, peu habitués à scruter minutieusement des documents aussi longs et denses qu’une nouvelle Constitution complète, ils préfèrent nourrir des frissons et des résistances irrationnelles. Ce comportement trahit une peur viscérale : celle qu’une Constitution puisse, pour une fois, servir véritablement les intérêts du peuple plutôt que de protéger leurs propres ambitions et privilèges.

La révision intégrale : une zone fantôme constitutionnelle

La Constitution congolaise, dans ce qui semble être un mélange de sagesse et d’imprécision calculée, détaille avec minutie les modalités d’une révision partielle. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une révision intégrale, autrement dit un changement de Constitution, elle est muette. Ce vide juridique alimente des interprétations opportunistes et une confusion regrettable, faisant croire à tort que ce pouvoir est réservé exclusivement au président de la République ou qu’il est conditionné par des situations extraordinaires, telles que la levée de l’état de siège.

Dans ce flou, il est crucial de s’en tenir à l’article 27 de la Constitution. Cet article stipule clairement que tout citoyen congolais, sans distinction de rang, peut soumettre une pétition, y compris pour une révision intégrale. Contrairement à certaines idées reçues, pour soumettre une pétition, il n’y a aucune exigence de recueillir des centaines de milliers de signatures, ni de bénéficier du soutien de figures influentes, ni de mener une campagne médiatique spectaculaire. En fin de compte, de ce fait quand il s’agit d’une révision intégrale, le souverain primaire, c’est-à-dire le peuple congolais, est le seul habilité à décider du sort de la nouvelle Constitution proposée, par voie référendaire.

Si l’Assemblée nationale, le Sénat ou la présidence prétendent que je n’ai pas le droit d’initier le changement de Constitution, elles s’engagent dans une logique profondément autodestructrice. En niant ce droit à un citoyen, elles affirment implicitement qu’aucun Congolais, qu’aucun être ou institution, y compris elles-mêmes, n’a la légitimité d’initier une révision intégrale. Cela inclut le président de la République, le Parlement, le Sénat et tout autre acteur institutionnel. Une telle position revient à transformer la Constitution en un texte figé, intouchable, incapable d’évoluer avec le temps et les besoins de la nation.

Un théâtre politique absurde

La pauvreté de l’esprit peut être bien plus dévastatrice que la pauvreté financière. Car si cette dernière vous prive de biens matériels, la première vous prive de bon sens, de vision.

J’ai partagé avec tout le monde, en toute transparence le projet de la nouvelle Constitution, soigneusement réfléchie et fondée sur une trajectoire d’économie politique destinée à servir, pour une fois, les intérêts des citoyens congolais. Et que font nos chers acteurs politiques ? Plutôt que d’examiner sérieusement ce texte ou d’y répondre de manière constructive, ils s’agitent autour d’un concept vague de « nouvelle Constitution », un mirage très flou que le président Tshisekedi et ses partisans hurlent à chaque occasion.

D’un côté, vous avez Katumbi et ses compères. Leur stratégie ? Dire « non » à tout. Pas « non » à quelque chose de concret, non, mais « non » à rien. Oui, rien. Leur opposition est tellement primitive qu’elle ne sait même pas sur quoi elle s’oppose.

De l’autre côté, il y a Muzito et consorts. Leur jeu ? Dire « oui » à tout ce que le président propose, sans poser de questions. C’est comme signer un chèque en blanc avec enthousiasme, sans même savoir si le compte est approvisionné. Voilà le sommet de l’irresponsabilité politique : applaudir à l’aveuglette et espérer des faveurs en retour.

Entre ces deux extrêmes, le « non à rien » et le « oui à tout », je regarde, perplexe, un théâtre politique d’une pauvreté intellectuelle désespérante.

Pourquoi maintenant ?

On m’harcèle souvent : « Pourquoi maintenant ? » Fondamentalement : Pourquoi pas ? Nous sommes tous conscients de notre mortalité, ou du moins, nous devrions l’être. Certes, nous vivons plus longtemps que les moustiques, mais pourquoi ne pas profiter de ce répit pour tenter de remettre l’humanité, du moins ce que l’on considère comme notre monde, sur la bonne voie avant que l’inévitable, la mort, ne nous rattrape ? 

En RDC, j’aperçois des gens qui ont juste assez d’argent pour se nager dans la délusion d’être riche. Je ne sais comment m’empêcher vois la misère autour de moi. Je vois des pauvres toujours plus nombreux, des oubliés, des marginalisés, des humiliés. Alors, la vraie question, ce n’est pas « Pourquoi maintenant ? », mais plutôt « Pourquoi pas hier ? » Hier, je dois l’avouer, j’espérais peut-être qu’un autre aurait l’audace d’en faire cette responsabilité avec la même motivation de briser ce cycle infernal d’humiliation sociale, politique, et surtout économique qui pèse sur chaque Congolais depuis plus d’un siècle.

Ma démarche est aussi un défi intellectuellement nationaliste. La Constitution, tout comme la démocratie, ne sont pas des idées vagues ou des concepts abstraits. Ce sont des outils concrets, forgés pour construire un avenir meilleur, pour guider une nation vers la prospérité. Attendre encore un jour, c’est accepter l’immobilisme. C’est trahir ce que je crois être juste.

Bien plus qu’une pétition : le control citoyen

Mon engagement ne se limite pas à une pétition pour changer la Constitution. Depuis des années, je me retrouve à faire le travail que l’opposition aurait dû assumer, que le régime aurait dû anticiper en proposant des solutions concrètes pour répondre aux besoins pressants du peuple. Rien qu’à la fin de 2024, j’ai déposé près de dix pétitions, portant sur des enjeux essentiels tels que sur la dédollarisation du secteur public et la réorganisation des services de mobile money en RDC, la fixation et l’ajustement du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) ainsi que pour garantir des conditions de travail décentes en RDC, les conditions contractuelles de l’État et les activités d’extraction, les droits des personnes arrêtées et détenues, les délais de statution et les mesures disciplinaires pour les juges , la restructuration de la CENI et la protection des déplacés internes.

La dernière en date, déposée le 24 novembre 2024 auprès de la Commission ECOFIN du Sénat, demande une allocation budgétaire spécifique pour les déplacés internes dans l’Est de la RDC, victimes des attaques de la coalition M23-RDF. Parce que pendant que nos dirigeants se disputent autour de concepts flous, des familles entières souffrent dans l’indifférence générale.

Et ce n’est pas tout. Actuellement, mes avocats finalisent une requête en inconstitutionnalité contre la nouvelle loi sur le numérique, qui sera prochainement déposée devant la Cour constitutionnelle. Parallèlement, nous préparons une requête auprès du Conseil d’État contre le service courrier du Sénat, qui refuse obstinément de réceptionner une note d’information adressée individuellement aux sénateurs concernant les pétitions introduites dans leurs commissions.

Ces actions ne sont pas motivées par une quête personnelle, mais par un souci profond de faire respecter les droits fondamentaux de chaque citoyen congolais avec une vue sur le développement économique de la nation tout entière. Mon engagement est guidé par une conviction simple : si nos institutions ignorent les lois, alors c’est à nous, citoyens, d’exiger qu’elles les respectent. Parce qu’en fin de compte, ce combat dépasse les procédures : il s’agit de redonner une dignité et une voix à ceux que notre système continue d’ignorer.

Et après ?

La fameuse question : « Et après ? » Jusque-là voici la suite des événements que l’on peut entrevoir :

  1. D’abord, il faut attendre. Les trois mois impartis par l’article 27 de la Constitution s’écoulent le 21 janvier 2025.
    • Si une des institutions (Assemblée nationale, Sénat ou présidence) approuve ma pétition, nous irons vers un référendum. Ce sera au peuple congolais, le souverain primaire, de se prononcer sur le projet de révision intégrale.
    • Si toutes rejettent ma pétition, leurs arguments seront examinés, et une décision sera prise sur la meilleure manière de poursuivre cette lutte.
  2. Si toutes les institutions se taisent ? Cela constituerait une violation flagrante de l’article 27 de la Constitution, qui les oblige à répondre à une pétition citoyenne dans un délai précis. Dans ce cas, ce sera au Conseil d’État, garant du respect de la légalité et des droits constitutionnels, de trancher. Le silence des institutions, loin d’être une fin, marquera alors le début d’un combat juridique et constitutionnel encore plus déterminé. Cela va de même pour toutes les pétitions déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat,

Ce qui est inacceptable, que l’on me dit d’attendre qu’une commission présidentielle improvisée ou des manœuvres partisanes finisse de concocter un projet de révision intégrale de la Constitution. Ce n’est pas ce que prévoit la Constitution. Ce serait un détournement pur et simple du processus démocratique, une insulte à l’esprit de la loi fondamentale et une trahison envers le peuple congolais.

Il convient de souligner qu’une révision intégrale de la Constitution signifie que chaque article a été modifié d’une manière ou d’une autre. Certains ont été ajoutés, d’autres supprimés, et d’autres encore complètement refondus. Au lieu de vouloir se contenter d’un résumé ou d’une version simplifiée de ce document complexe, chaque Congolais doit se faire justice en lisant et en assimilant chaque article dans son intégralité.

Ce que je peux révéler, c’est que chacun de ces articles a été conçu avec une perspective d’économie politique et une conviction idéologique forte : le développement de la RDC passe par la nécessité de déplumer la République de la Gombe et d’en finir avec la centralisation abusive des richesses et des pouvoirs.

Alors, bon appétit et surtout, bonne digestion !

Jo M. Sekimonyo

Économiste politique, théoricien, militant des droits de l’homme et nationaliste convaincu

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