L’Agence nationale nigériane d’administration et de contrôle des aliments et des médicaments a annoncé l’interdiction des boissons alcoolisées vendues en sachets ou en bouteilles de moins de 200 ml. L’agence affirme que l’interdiction permettra, entre autres avantages, de protéger les enfants mineurs d’un accès facile à l’alcool. Cependant, la Chambre fédérale des représentants, la chambre basse de l’Assemblée nationale du Nigeria, a demandé que l’interdiction soit suspendue dans l’attente d’une enquête.
La consommation d’alcool augmente parmi les jeunes Nigérians. Bien que la consommation d’alcool ne soit pas nouvelle dans la société nigériane, historiquement, seuls les adultes en consommaient parce que boire signifiait qu’on était une personne âgée . Des règles non écrites interdisaient aux jeunes de boire du vin de palme, qui était alors la seule boisson alcoolisée disponible. On pensait qu’ils étaient trop immatures pour supporter les effets intoxicants de l’alcool. De nos jours, un nombre croissant d’adolescents et de jeunes adultes nigérians consomment de l’alcool. Certains considèrent même que boire est à la mode et ceux qui s’abstiennent sont démodés.
Des études ont montré que les jeunes Nigérians consomment davantage d’alcool. Par exemple, des études publiées en 2015 , 2021 et 2023 ont révélé une prévalence de consommation d’alcool de 30 %, 34 % et 55,8 % chez les jeunes au Nigeria.
Ces statistiques suggèrent qu’il y aura plus de problèmes liés à l’alcool tels que le sous-développement ou les lésions cérébrales , les maladies provoquées par l’alcool , l’absentéisme scolaire, la violence, les blessures et la mort chez les jeunes qu’auparavant.
Les études existantes montrent non seulement que les jeunes boivent, mais révèlent également une consommation excessive d’alcool et une ivresse. Ces résultats font également écho à un rapport de l’Organisation mondiale de la santé de 2018 qui montrait que la prévalence de 22,5 % de forte consommation d’alcool épisodique chez les Nigérians âgés de 15 à 19 ans était parmi les plus élevées du continent africain.
Comment les sachets d’alcool contribuent-ils au problème ?
Des recherches ont montré que plusieurs facteurs sont responsables de la consommation d’alcool des jeunes au Nigeria. La principale d’entre elles est la commercialisation non réglementée de l’alcool . Les sociétés d’alcool au Nigeria ont de plus en plus recours à des stratégies de marketing agressives, à la publicité et aux promotions des ventes, telles que le programme « achetez-en deux, obtenez-en un gratuitement », qui rendent différentes marques de ces alcools facilement disponibles, accessibles et abordables .
Les boissons alcoolisées conditionnées dans des bouteilles et sachets en plastique de moins de 200 ml sont abordables et largement disponibles dans les magasins de détail, les supermarchés, les kiosques routiers et les restaurants au Nigeria.
Ils sont également vendus à proximité des écoles primaires et secondaires , où les enfants passent du temps loin de leurs parents. Cela va à l’encontre des pratiques standard internationales.
Les boissons alcoolisées en sachet sont également faciles à transporter et peuvent être cachées aux adultes en raison de leur petite taille. Les jeunes peuvent facilement les acheter et les boire.
Une autre raison pour laquelle les boissons en sachet posent problème est qu’il s’agit de boissons à base de spiritueux très puissantes . Ils peuvent contenir entre 40 et 60 % d’alcool, ce qui est potentiellement plus nocif .
Il y a aussi une autre raison, liée à un autre problème croissant au Nigeria. De nombreux jeunes utilisent désormais différents types de boissons alcoolisées en sachets d’herbes et en bouteilles en plastique comme aphrodisiaques et stimulants sexuels . Une étude de 2020 a révélé que 33,6 % des adolescents consommaient de l’alcool en sachet avant leur dernier rapport sexuel.
Quelle est l’efficacité des interdictions des produits alcoolisés ?
Une application bien coordonnée de l’interdiction peut permettre de vérifier la disponibilité des boissons alcoolisées en sachets. Cela devrait réduire l’accessibilité, la consommation et les méfaits qui en découlent chez les jeunes.
L’Ouganda a une interdiction qui a réduit la disponibilité et la consommation d’alcool en sachet dans ce pays. Des recherches menées dans les pays occidentaux ont également montré que l’interdiction de la publicité pour l’alcool réduit la consommation.
Pour que l’interdiction soit efficace, le Nigeria devrait tirer les leçons de l’expérience du Malawi . Dans ce pays, l’interdiction des sachets d’alcool n’a pas produit les résultats escomptés en raison d’un manque d’application coordonnée et efficace.
Les institutions étatiques du Nigeria ont la capacité de faire respecter l’interdiction. Cela nécessite un effort coordonné. En tant qu’organisme de réglementation, l’Agence nationale d’administration et de contrôle des aliments et drogues ne peut pas mettre en œuvre l’interdiction sans le soutien des organismes fédéraux chargés de l’application des lois, comme la police.
Que peut-on faire d’autre pour lutter contre la consommation d’alcool chez les jeunes ?
La résolution du problème de la consommation d’alcool chez les jeunes va au-delà de l’interdiction des boissons alcoolisées en sachet. De nombreux jeunes des pays occidentaux évitent de consommer de l’alcool en raison de la prise de conscience croissante des problèmes associés à la consommation d’alcool et également de la diminution de la pression de leurs pairs . La baisse de la consommation d’alcool chez les jeunes en Occident peut également être due à la mise en œuvre efficace de politiques de commercialisation de l’alcool et à l’augmentation de l’âge minimum pour consommer de l’alcool , en particulier dans des pays comme les États-Unis.
Les agences nigérianes devraient tirer les leçons des raisons pour lesquelles les jeunes occidentaux évitent l’alcool. Cela facilitera la conception et le partage d’informations visant à éduquer les jeunes nigérians et le public sur les dangers liés à l’utilisation de produits alcoolisés en sachet.
La campagne de sensibilisation devrait mettre en évidence les effets positifs à court et à long terme de l’interdiction. Ceci est important pour que les producteurs et les commerçants d’alcool ne forment pas des alliances qui iraient à l’encontre de l’objectif.
Pour diffuser largement l’information, il convient de donner la priorité aux plateformes de médias sociaux sur lesquelles les jeunes sont de plus en plus actifs, sans négliger les médias traditionnels. Les ONG de santé et autres organisations caritatives devraient également contribuer à diffuser des informations sur les avantages de l’interdiction, notamment sur l’idée selon laquelle « la santé est une richesse ».
Le Nigéria devrait relever l’âge minimum d’achat de 18 à 21 ans et appliquer de telles réglementations pour décourager l’initiation et la consommation précoces d’alcool.
Pour éviter l’échec de l’interdiction des sachets d’alcool, le gouvernement fédéral devrait veiller à ce qu’elle soit appliquée sans corruption.
Emeka Dumbili
Professeur adjoint et Ad Astra Fellow, University College Dublin
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