Lettre ouverte à Monsieur Corneille Nangaa Yobeluo, Dirigeant et Coordinateur Politique de l’alliance AFC-M23 (Jo M. Sekimonyo)

Je vous écris pour exprimer mes réflexions sur votre situation actuelle et ses implications pour notre nation. Bien que des rumeurs aient circulé concernant votre éventuelle candidature à l’élection présidentielle de 2023 en RDC, je n’ai pas été surpris de votre absence. Mon expérience amère avec la CENI a révélé que le dispositif électoral était minutieusement orchestré pour garantir la réélection de Félix Tshisekedi pour un second mandat, son dernier.

Plus de neuf mois après la fin des élections, le statu de ma propre candidature demeure en suspens, entravée par les complications judiciaires orchestrées par le juge Tasoki, un prétendu éminent professeur de droit constitutionnel, dont le verdict continue de planer sur moi comme un cauchemar persistant.

Comme beaucoup de Congolais, guidé par un amour de la patrie parfois naïf comme moi, j’avais espéré que votre retrait était une manœuvre stratégique en vue d’une candidature plus solide pour 2028. Cependant, je n’avais pas anticipé que votre choix entraînerait une décision fatidique, exacerbant le traumatisme générationnel et les cycles de violence et de désespoir qui déchirent notre nation, particulièrement dans les régions de l’est.

Je crois fermement en la légitimité des citoyens à s’unir, à se défendre et à résister contre la tyrannie. Néanmoins, malgré l’ardeur des partisans de Tshisekedi et les instincts tribaux qui peuvent les animer, il n’est ni un tyran ni doté de la capacité—ni, au regard des aspirations démocratiques actuelles des Congolais, de la possibilité—de le devenir. Son mandat est limité, et il prendra fin en 2028.

Votre décision de rejoindre le M23, et de diriger une alliance qui prétend mettre fin aux souffrances des Congolais, tout en intensifiant le conflit par l’expansion des territoires sous votre contrôle, engendre un coût financier dévastateur et gaspille d’innombrables opportunités économiques. Les 5 milliards de dollars alloués à la défense national par le gouvernement pour vous traquer et tuer auraient pu financer des initiatives vitales, telles qu’un programme national de subventions pour les accouchements ou une initiative de repas scolaires pour les enfants. Au lieu de cela, ces fonds sont utilisés pour la guerre, et les jeunes esprits sont formés non pour construire l’avenir, initier ou participer des commerces, entreprises ou dialogues modernes, mais pour perpétuer la violence, ôter des vies sans remords.

De plus, vous avez offert à Tshisekedi une opportunité en or pour détourner l’attention des échecs ridicules de son administration et échapper ainsi au jugement public. En agissant ainsi, vous êtes devenu, de manière regrettable, le bouc émissaire idéal du système que vous prétendiez critiquer.

La guerre de Sécession aux États-Unis est un exemple poignant de la manière dont un pays peut se déchirer lorsque les sentiments d’injustice sont alimentés par une soif de pouvoir. Les cicatrices laissées par ce conflit—traumatismes générationnels, communautés dévastées, et ruine économique—ont perdurer pour des décennies. Les Congolais, vieux, jeunes et même les nouveaux nés, dans les camps de réfugiés et celles vivant dans les villes sous la menace constante des attaques de vos forces ou de la réplique l’armée nationale et des « wazalendos » portent déjà ces cicatrices.

Si un groupe, comme les Tutsis dans ce cas, estime que ses droits sont bafoués ou qu’il est opprimé, il existe des voies légitimes pour obtenir justice, en particulier dans un système démocratique. Recourir aux armes, semer le chaos social et économique et tuer des innocents constitue une violation flagrante des droits d’autrui et trahit les principes mêmes de coexistence et de dignité. À chaque instance, cette voie de violence foule aux pieds la sainteté des droits des autres—plus de 100 millions de Congolais issus de plus de 700 tribus—qui s’investissent pour la paix, la transformation sociale, et le progrès économique de la nation. C’est un mauvais exemple qui est malheureusement exploité par des acteurs politiques opportunistes, mettant notre nation économique en otage et affaiblissant les fondements culturels de notre pays. Cela rend votre démarche non seulement malavisée, mais profondément répréhensible.

Le Congo est également un terreau d’histoires de repentance, comme celle d’Étienne Tshisekedi, autrefois proche complice de Mobutu. Tshisekedi a pris part à des actes horribles, tels que l’assassinat de Patrice Emery Lumumba et la pendaison des martyrs de la Pentecôte. Cependant, dans les années 80, il a changé de cap et s’est repenti, devenant un héros pour de nombreux Congolais.

2028 approche à grands pas, et il est crucial pour l’intérêt de notre nation—tant sur le plan économique que social—que vous déposiez les armes, rompiez votre lien avec le régime de Paul Kagame, présentiez des excuses à l’ensemble du pays, et optiez pour une voie démocratique. Dans cet esprit, je vous invite à soutenir notre campagne pour la collecte de signatures en faveur d’une révision constitutionnelle et à signer la pétition disponible sur https://rdcconstitutionrevision2024.com/ . Cette démarche pourrait non seulement réconcilier les ambitions avec l’avenir du pays, mais aussi ouvrir la voie à une prospérité partagée, dans le respect des droits et de la dignité de tous les Congolais.

Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes salutations les plus sincères et patriotiques.

Jo M. Sekimonyo

Écrivain, théoricien, défenseur des droits de l’Homme et économiste politique

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