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Le génie des peintures murales animalières de Banksy 

Les fans de Banksy ont été ravis en août, lorsque neuf fresques murales sur le thème des animaux ont été réalisées par l’artiste de rue à travers Londres en l’espace de quelques jours. Les spéculations vont bon train quant aux significations profondes qui pourraient se cacher derrière ces nouvelles œuvres. Pourtant, selon Pest Control (l’organisme qui authentifie les œuvres de Banksy), on en a déjà trop parlé.

Je suis sociologue, pas critique d’art, mais je ne pense pas que ces peintures murales soient une méditation profonde sur la nature de la société. Je ne pense pas non plus qu’un message politique codé se révèlera maintenant que toutes les images peuvent être vues ensemble. Les peintures murales ont captivé l’imagination du public, non pas parce qu’elles sont des chefs-d’œuvre artistiques, mais parce qu’elles jouent avec quelque chose qui dépasse le monde du pop art : notre amour, notre peur et notre fascination pour les animaux.

À la fin des années 1990, les sociologues américains Arnold Arluke et Clinton Sanders ont développé l’idée d’une « échelle sociozoologique » pour expliquer la façon dont nous percevons les différents animaux. Cette échelle nous permet de classer les animaux dans des catégories, comme « animal de compagnie », « nourriture » ou « nuisible », en fonction de leur utilité perçue pour la société.

Certains animaux, comme les chiens, sont généralement aimés et bien traités par la société car ils sont considérés comme loyaux et serviables. Les nuisibles et les prédateurs sauvages, en revanche, sont généralement craints et contrôlés car ils ne correspondent pas aux souhaits de la société.

Nous portons tous en nous cette échelle sociozoologique, qui fait partie de ce que les sociologues appellent notre « vision du monde fondée sur le bon sens » – un ensemble de règles invisibles que nous suivons sans vraiment y penser. Nous apprenons ces règles de notre famille, de l’école, de nos amis, des médias et des gens qui nous entourent. Ces règles nous aident à nous entendre avec les autres et à donner un sens au monde, même si nous ne nous rendons pas compte que nous les suivons.

C’est l’utilisation ludique de l’échelle sociozoologique par Banksy qui rend ses animaux si accrocheurs. Il suffit de regarder, par exemple, la façon dont il peint les rats, l’animal qui est devenu sa marque de fabrique.

Sur le plan sociozoologique, nous avons tendance à considérer les rats comme de la vermine. Ce sont des nuisibles indésirables que la société cherche à contrôler, mais nous les considérons également comme des êtres intelligents et subversifs. Lorsque nous projetons notre vision des rats, ou de tout autre animal d’ailleurs, sur les êtres humains, cela s’appelle de l’anthropomorphisme.

Banksy le fait souvent. Lorsqu’il peint des rats courant avec des bombes de peinture et des cutters, il se peint en réalité lui-même et la vie d’un artiste de rue underground. L’image entre en conflit avec l’échelle sociozoologique de nos têtes, et c’est ce sentiment de choc qui nous fait nous asseoir et y prêter attention.

Jouer avec l’échelle

Banksy joue également avec l’échelle sociozoologique en utilisant la juxtaposition. En octobre 2013, alors qu’il se décrétait comme « artiste en résidence » aux États-Unis, Banksy a fait circuler dans les rues de New York une camionnette de style abattoir remplie d’animaux en peluche.

Dans l’œuvre intitulée Sirens of the Lambs, une équipe de marionnettistes a poussé des têtes d’animaux en peluche à travers les conduits de ventilation du camion. Placer des animaux en peluche regardant à travers un wagon à viande industriel sale était si accrocheur parce qu’il ne s’agissait pas des animaux que l’on s’attend à voir.

Mais dans ces nouvelles fresques, Banksy joue avec l’échelle sociozoologique d’une manière différente. Les animaux qui apparaissent à travers Londres n’appartiennent généralement pas aux villes. Qu’il s’agisse de trois singes se balançant sur un pont ferroviaire en béton, d’un rhinocéros fonçant sur une voiture abandonnée ou d’un banc de piranhas nageant autour d’une guérite de police, Banksy joue ici avec nos idées reçues sur la place des animaux à tel ou tel endroit.

Dans cet esprit, ma préférée est la neuvième fresque, peinte sur les volets du zoo de Londres. Ici, un gorille vigilant monte la garde tandis qu’il soulève les volets pour permettre à la ménagerie en silhouette de s’échapper. Derrière les volets se trouvent trois paires d’yeux d’animaux qui nous regardent dans l’obscurité.

Je ne pense pas que Banksy utilise ces peintures murales pour faire une déclaration politique sur le maintien en captivité des animaux sauvages. Mais en jouant avec l’échelle sociozoologique d’une manière aussi amusante et accessible, Banksy nous fait réfléchir aux animaux et à leur place dans la société humaine.

Nicolas Jenkins

Professeur de sciences sociales interdisciplinaires, Université de l’Ouest de l’Écosse

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