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La souveraineté économique n’est pas un slogan politique. C’est une architecture. Et dans cette architecture, la pièce la plus décisive ne se trouve ni dans les ministères ni dans les annonces d’investissements étrangers. Elle se trouve dans la capacité d’un pays à concevoir, structurer et contrôler ses propres projets de développement.
Un pays n’est véritablement souverain que lorsqu’il décide ce qui est construit sur son sol, comment cela est financé, et selon quelles priorités. Or, dans de nombreux pays africains et en particulier en République démocratique du Congo, cette chaîne décisionnelle est encore largement externalisée.
L’erreur consiste à croire que la souveraineté se joue au moment de la signature d’un accord avec un investisseur. En réalité, elle se joue bien avant, au stade où le projet est imaginé, défini, structuré et porté.
Selon la Banque mondiale, plus de 90 pour cent des emplois dans les pays en développement sont créés par le secteur privé. En Afrique subsaharienne, ce chiffre dépasse 80 pour cent. Mais la question essentielle n’est pas seulement de savoir qui finance. Elle est de savoir qui conçoit.
Dans le discours économique africain, les termes sont souvent confondus. On parle d’investisseurs quand il s’agit en réalité de développeurs de projets. Cette confusion affaiblit la souveraineté économique. Le développeur est celui qui identifie un besoin, sécurise le foncier, négocie les autorisations, structure le modèle économique et crée un véhicule de projet. L’investisseur arrive ensuite pour financer ce qui a déjà été pensé et sécurisé.
Lorsque les projets sont conçus à l’extérieur, même s’ils sont financés localement, la souveraineté est partielle. Les priorités, les rythmes, les arbitrages se définissent ailleurs. Les capitaux deviennent dominants face à la vision nationale.
Le cas est fréquent en République démocratique du Congo. Un porteur de projet étranger arrive avec un concept clé en main dans l’hôtellerie, l’immobilier ou les infrastructures. Il sollicite un terrain ou une concession auprès de l’État. L’accord de principe est signé. Les médias annoncent un investissement massif. En réalité, le projet n’est pas encore financé. Il reste tributaire de la capacité du développeur à lever des fonds internationaux qu’il ne contrôle pas toujours.
Ce mécanisme explique pourquoi de nombreux projets annoncés ne se matérialisent jamais ou changent profondément de forme. Selon la CNUCED, près de 40 pour cent des projets d’investissement direct étranger annoncés en Afrique ne sont jamais pleinement exécutés. Ce n’est pas un échec financier. C’est un déficit de souveraineté du projet.
La souveraineté moderne ne signifie pas fermer les frontières aux capitaux. Elle signifie être capable de mobiliser les capitaux domestiques et mondiaux autour de projets africains, pensés par des Africains, alignés avec des priorités nationales et régionales.
Les exemples internationaux sont clairs. Les pays qui ont réussi leur transformation économique ont tous investi dans une classe professionnelle de développeurs de projets nationaux. En Asie du Sud Est, l’État a agi comme catalyseur, mais les projets ont été conçus localement, même lorsqu’ils étaient largement financés par des capitaux étrangers.
Le Vietnam, aujourd’hui intégré aux chaînes de valeur mondiales, n’a pas cédé la conception stratégique de ses zones industrielles, de ses infrastructures logistiques ou de ses pôles manufacturiers. Les capitaux étaient globaux. Les projets étaient nationaux.
L’Afrique, et la RDC en particulier, doivent engager la même transition. Cela implique de former des développeurs de projets africains, de financer la phase de développement, de renforcer les banques locales, les assurances, les fonds de pension et les marchés de capitaux afin qu’ils participent activement au financement en amont.
Selon l’OCDE et la Banque africaine de développement, l’Afrique dispose de plus de 1 000 milliards de dollars d’épargne domestique, dont une grande partie reste mal mobilisée ou investie hors du continent faute de projets structurés et bancables. Le problème n’est donc pas l’argent. C’est la maîtrise du projet.
La souveraineté économique africaine ne naîtra pas d’une multiplication d’accords spectaculaires. Elle naîtra d’un changement de posture. Passer d’une logique d’attente à une logique de conception. Passer d’une économie qui accueille des projets à une économie qui les décide.
Un pays est souverain non pas parce qu’il attire des capitaux, mais parce qu’il sait quoi en faire.
Le développement ne commence pas avec l’investisseur. Il commence avec le projet. Et la souveraineté commence lorsque ce projet est africain.
Par Billy Issa
Fondateur & Hôte, Africa Economic Forum
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