Échos d'Afrique

Ghana : victoire pour les droits des femmes

L’ adoption du projet de loi sur l’action positive (égalité des sexes) par le parlement du pays le 9 août 2024 a marqué une victoire pour les droits des femmes au Ghana. Ce projet de loi, dont l’élaboration a pris des années, est le résultat du lobbying et des protestations de plusieurs acteurs, alliés et militants depuis plus d’une décennie. Dans sa forme actuelle, le projet de loi rend obligatoire l’élection ou la nomination de femmes aux principaux organes décisionnels de la vie publique.

Le projet de loi vise à garantir la réalisation de l’égalité des sexes dans les sphères politique, sociale, économique, éducative et culturelle de la société ghanéenne.

Les principaux secteurs de décision couverts par la version actuelle du projet de loi sont les fonctions publiques telles que les postes ministériels et le Conseil d’État (l’organe consultatif du président). Des dispositions couvrent également la fonction publique, le pouvoir judiciaire et les syndicats.

Une clause impose au gouvernement de s’engager dans une budgétisation sensible au genre. Les ministères et les agences gouvernementales doivent inclure une ligne budgétaire pour traiter les questions sexospécifiques et sensibles au genre identifiées dans les plans de ces agences.

Une autre clause exige que les partis politiques adoptent l’égalité et l’équité entre les sexes dans leurs processus électoraux et de nomination.

L’article 31 de la loi considère les violences verbales envers les femmes comme un délit.

Le projet de loi vise à atteindre l’égalité des sexes dans la prise de décision d’ici 2030. Les critères de référence pour atteindre ces objectifs incombent au gouvernement, car il est mandaté pour « promouvoir des politiques et des programmes visant à remédier au déséquilibre entre les sexes dans les domaines politique, économique et éducatif dans les secteurs public et privé ».

Les chances de succès de la nouvelle loi

Le Ghana est signataire de plusieurs lois et traités régionaux et internationaux relatifs aux droits des femmes. Au niveau national, il existe des lois importantes visant à promouvoir les droits des femmes, telles que la loi sur la violence domestique et la loi sur la traite des êtres humains . D’autres lois qui ont une incidence indirecte sur la protection des femmes et l’élargissement de l’accès à la justice ont également été adoptées. Ces lois sont louables, mais leur mise en œuvre est loin d’être optimale. Compte tenu de ces antécédents, il faut faire preuve d’un optimisme prudent quant à l’adoption de ce projet de loi.

La loi ne parvient pas à répondre aux défis auxquels les femmes sont confrontées. Par exemple, l’application de la loi incombe au ministère ghanéen du Genre et de la Protection sociale, en collaboration avec la Commission pour l’égalité des sexes du parlement ghanéen. Malheureusement, le ministère a toujours été l’un des moins bien dotés en fonds . Quelle sera son efficacité lorsqu’il manquera de personnel et de ressources financières pour assurer le suivi et l’évaluation ?

Le sous-financement habituel des agences gouvernementales pourrait avoir une incidence sur la part de leur budget allouée aux indicateurs et aux interventions en matière d’égalité des sexes.

Et le projet de loi n’impose pas de lourdes sanctions en cas de non-respect.

Que peut apprendre le Ghana des autres pays en matière d’élimination des obstacles à la participation des femmes à la prise de décision ?

Le Ghana peut s’inspirer de l’activisme politique de sa première république sous Kwame Nkrumah, qui avait pour objectif de créer des opportunités pour les femmes qualifiées de diriger.

Deuxièmement, les citoyens peuvent s’inspirer de l’exemple des communautés matriarcales. Dans ces communautés, les femmes exercent un certain pouvoir de décision dans les domaines politique, culturel et spirituel. L’exemple des Akan au Ghana donne une idée du rôle central que jouent les femmes dans la vie économique et politique de leur communauté. Le Ghana peut se positionner comme un leader dans la transformation de sa vie politique et sociale pour atteindre et dépasser les objectifs de l’Agenda 2063 de l’Union africaine , de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relative aux droits de la femme en Afrique ( Protocole de Maputo ) et de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes .

On peut également tirer des enseignements de l’expérience de certains pays africains qui ont instauré des quotas par sexe dans le cadre de dispositions électorales ou constitutionnelles. La Namibie, le Sénégal et l’Afrique du Sud figurent parmi les 20 pays comptant le plus de femmes au sein de leur assemblée législative nationale. La plupart de ces pays y sont parvenus en appliquant des quotas par sexe.

Le Rwanda, par exemple , est devenu un leader mondial en matière de représentation des femmes, avec un gouvernement équilibré en termes de genre qui contribue au développement national. En Sierra Leone , l’adoption en 2023 d’une loi imposant un quota de 30 % de femmes a conduit à l’élection de femmes à des fonctions publiques.

Ensemble, ces exemples nationaux et internationaux montrent que l’égalité des sexes peut être atteinte s’il existe une volonté politique et un changement des mentalités sociales.

Malgré ces améliorations, il convient de noter que les femmes dans certains de ces pays sont encore confrontées à plusieurs défis liés au genre.

Ces différents résultats montrent que la législation n’est pas une condition suffisante pour l’égalité des sexes. Les arrangements institutionnels nécessaires, soutenus par un soutien budgétaire, doivent être mis en place pour garantir l’efficacité de toute action législative.

Que faudra-t-il pour réussir ?

L’adoption du projet de loi sur l’action positive (égalité des sexes) laisse entrevoir des perspectives encourageantes en matière de droits des femmes et de représentation dans la vie publique ghanéenne. Bien qu’il ait fallu plus d’une décennie pour atteindre ce jalon, il faut faire preuve d’un optimisme prudent et d’une vigilance soutenue pour s’assurer que la loi ne reste pas dans les tiroirs. Les défenseurs des droits des femmes et les hommes qui luttent pour l’égalité des sexes doivent veiller à ce que la loi finale devienne une réalité dans la vie quotidienne des femmes ghanéennes. Une représentation équitable des sexes dans la vie publique est une victoire pour le développement national.

Joséphine Jarpa Dawuni

Professeur associé, Université Howard

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