La réforme des retraites est l’un des grands points de discussion de cet entre-deux tours de l’élection présidentielle 2022. Nous pourrions le résumé en affaire de plagiat généralisé : Macron 2022 plagie Pécresse, comme la candidate des Républicains le dénonça durant la campagne, tandis que Le Pen plagie, en partie, Macron 2017.
Le candidat de l’époque annonçait, à raison, le dossier des retraites réglés à la suite de la réforme Fillon si bien qu’il promettait d’engager un vaste chantier d’unification de l’ensemble des 42 régimes d’une part et l’adoption pour le régime général d’un système à point sur le modèle des retraites complémentaires. Les spécialistes qualifièrent de systémiques ces chantiers à engager.
Jean-Paul Delevoye fut nommé, en 2017, haut-commissaire à la réforme des retraites. Il ne ménagea pas sa peine pour consulter les partenaires sociaux et menaça de démissionner lorsque certains députés LREM évoquèrent la nécessité de repousser l’âge légal au-delà de 62 ans. En outre, il n’hésita pas à parler, comme le fit avant lui Alain Juppé, de la nécessité de recourir à l’immigration pour régler cette question de l’équilibre des régimes de retraite, tout en prenant soin de placer ce débat migratoire sur le plan européen. Pour autant, il fut confirmé dans son poste.
Des positions qui varient
Des problèmes d’atteinte à la déontologie l’ont conduit à démissionner fin 2019. Le départ d’une figure emblématique du dialogue social, puis la crise du Covid, eurent raison de la réforme systémique voulue par le président Macron. En 2020, le gouvernement d’Édouard Philippe avait proposé une réforme qui conduisit à plusieurs semaines de grèves et de manifestations.
Le texte maintenait l’idée de la généralisation d’une retraite par points et l’unification des régimes, mais il s’avéra confus en imaginant un report progressif de l’âge légal à 64 ans tout en maintenant l’idée d’un départ possible dès 62 ans, sans annoncer précisément les décotes liées à un départ précoce ni la liste précise des exceptions au départ à 64 ans pour les métiers difficiles.
En 2022, le candidat Macron a repris ce dernier projet en abandonnant toutefois son idée initiale de système par points pour s’en tenir au report de l’âge légal cette fois-ci à 65 ans, plagiant ainsi les réformes proposées par les politiques les plus libéraux, Valérie Pécresse en l’occurrence dans la campagne de premier tour.
En ce début d’entre-deux-tours, descendu dans l’arène de la campagne, marqué sans doute par les très nombreuses interpellations sur cette question, le candidat Macron a annoncé le mardi 12 avril, sur les terres des Haut-de-France favorables à Marine Le Pen, que le report de l’âge légal à 65 ans n’ [« était »] pas un dogme » et que l’organisation d’un référendum était envisageable.
Marine Le Pen a également fait évoluer son programme de 2022 pour plagier, en partie, le président Macron d’avant 2020 ! Par souci de réalisme économique, elle a abandonné son projet d’âge légal de départ à 60 ans. Au vrai, ses propositions ne sont pas d’une grande clarté, mais elle généralise un système d’annuités pour pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein, sans effaroucher les électeurs avec la question d’un âge légal.
Essayons de présenter sa proposition bien complexe : 40 annuités seront nécessaires pour toucher une retraite à taux plein dès 60 ans pour ceux qui seraient entrés sur le marché du travail avant 20 ans, ce qui lui permet de régler la question des carrières longues. Elle propose ensuite d’augmenter les annuités de cotisation d’un trimestre chaque demi-année supplémentaire d’entrée sur le marché du travail après l’âge de 20 ans.
Ainsi, pour une entrée dans la vie active à 20 ans et 6 mois, les annuités nécessaires pour toucher une retraite à taux plein seront de 40 années et 3 mois. Pour une entrée à 21 ans, il faudra cotiser 40 ans et 6 mois. Pour une entrée à 22 ans, 41 années seront nécessaires, puis 42 années pour ceux entrés à 24 ans, ou plus tard, soit une retraite à taux plein à partir de 66 ans, voire 67 ans pour une entrée dans la vie active à 25 ans.
Autrement dit, plus l’entrée sur le marché du travail sera tardive plus le nombre d’annuités de cotisation sera élevé. La candidate du Rassemblement national veut ainsi encourager une entrée précoce dans la vie active qui évitera aux étudiants, ajoute-t-elle peu aimablement à l’endroit de l’université française, de suivre des formations sans débouchés.
La réponse migratoire éludée
Cependant, un examen sérieux du dossier nous permet d’affirmer que la question de l’équilibre des régimes de retraite, qu’il s’agisse du régime général ou celui des retraites complémentaires, est d’ores et déjà réglée.
En effet, les effets de la réforme Fillon-Woerth (2010) complétée par la réforme Touraine (2014) avec le recul de l’âge légal à 62 ans et l’allongement de la durée de cotisation à 42 ans (génération née en 1961,62,63) puis à 43 ans (personnes nées à partir de 1973), pour pouvoir prétendre toucher la retraite du régime général à taux plein, ainsi que la réforme des retraites complémentaires négociée entre les partenaires sociaux (2015) qui augmente la durée du travail d’une année pour éviter l’application d’une décote de 10 % pendant 3 ans sur le montant des retraites complémentaires, ont conduit à une augmentation spectaculaire ces 5 dernières années du taux d’emploi des 55-64 ans (40 % en 2010, 46 % en 2012 et 56,2 % en 2020).
Les données montrent que la question de l’âge légal n’est pas pertinente pour aborder la question des retraites. C’est bien la durée de cotisation qui est la mesure la plus appropriée. À cet égard, la France dispose de l’un des régimes de répartition les plus durs. La comparaison des systèmes nationaux se fait de façon trop superficielle pour livrer des enseignements intéressants. Ainsi lorsque les commentateurs avancent la durée de cotisation fixée à 45 ans en Allemagne pour stigmatiser les mesures françaises qui seraient insuffisantes, ils se gardent de préciser que les années d’apprentissage entrent dans le calcul des années cotisées dans un pays où la moitié d’une classe d’âge suit ce type de formation.
De même les prévisions de déficit annoncées par le Conseil d’orientation des retraites (COR) pour les années à venir reposent-elles sur d’insupportables hypothèses malthusiennes s’agissant de la quantification de la population active. Certes, la démographie l’explique mais le Conseil élude la réponse migratoire possible.
Dans son dernier rapport de 2021, il retient pour l’avenir les tendances migratoires de la dernière décennie, marquée par des politiques restrictives, nettement inférieures aux évolutions des années antérieures à 2010. Aux 80 000 entrées retenues, il suffirait de compter sur l’apport de 50 000 personnes supplémentaires. Nous voilà bien loin des prévisions migratoires apocalyptiques.
Nous pouvons ainsi suspecter le président-candidat, rallié aux thèses les plus libérales sur ce dossier alors que sa position de 2017 le classait au centre gauche, de vouloir financer la dépendance à l’aide des cotisations retraites.
La jeune génération appréciera d’être à nouveau l’otage des « boomers » dont la grande majorité est loin du besoin. Bénéficiaires patrimonialement de la hausse ahurissante des prix de l’immobilier, empêchant les jeunes de se loger décemment dans les grands centres urbains, les voilà demandant aux actifs de les aider pour leurs vieux jours. En plagiant le programme libéral, le président-candidat semble avant tout chercher à capter l’électorat fillonniste de 2017.
Bernard Laurent
Professeur, EM Lyon
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