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France : la dette et l’économie zombie

La France, un des piliers de l’Union Européenne, est aujourd’hui confrontée à un double défi économique majeur : la progression alarmante de sa dette publique et l’émergence d’une économie dite « zombie. » Parallèlement, l’essor de l’économie instantanée, ou « snap economy, » amplifie ces problématiques en introduisant une dynamique qui favorise la gratification immédiate au détriment des investissements durables. Ces trois forces combinées freinent la croissance et menacent la résilience économique du pays.

La dette publique française a franchi la barre des 3 000 milliards d’euros en 2024, représentant plus de 110 % du PIB. Une telle situation, bien que comparable à celle d’autres économies développées, met en lumière une trajectoire inquiétante. Depuis des années, l’État finance des politiques expansionnistes pour protéger les ménages et les entreprises face à des crises successives, de la pandémie de COVID-19 à la flambée des prix de l’énergie provoquée par la guerre en Ukraine. Cette politique de soutien, bien qu’efficace à court terme, pèse lourdement sur les finances publiques, d’autant plus que la hausse des taux d’intérêt rend le coût du service de la dette de plus en plus insoutenable.

En parallèle, l’économie zombie prend racine dans le tissu économique français. Ce phénomène se caractérise par la survie artificielle d’entreprises incapables de générer des profits suffisants pour rembourser leurs dettes. Ces sociétés, maintenues en vie grâce à des crédits bon marché ou des subventions publiques, freinent l’innovation et entravent l’allocation efficace des ressources. En France, où l’État joue un rôle traditionnellement fort dans l’économie, ces entreprises bénéficient souvent d’un soutien massif au nom de la préservation de l’emploi. Cette stratégie, cependant, perpétue une économie stagnante où des capitaux et des talents précieux sont immobilisés dans des entreprises peu performantes, au détriment de celles qui pourraient véritablement dynamiser le marché.

L’économie instantanée ajoute une nouvelle dimension à ce problème. En valorisant la rapidité et la gratification immédiate, elle change profondément le comportement des consommateurs et des entreprises. Les entreprises privilégient désormais des solutions rapides et des cycles de production accélérés, souvent au détriment de la qualité et de la durabilité. Les consommateurs, quant à eux, deviennent de plus en plus dépendants de cette gratification immédiate, exerçant une pression croissante sur les entreprises pour répondre à leurs attentes. Ce phénomène, accentué par l’essor des plateformes numériques et de la livraison rapide, détourne les ressources des investissements stratégiques de long terme vers des objectifs de court terme. Par ailleurs, l’impact environnemental de cette économie basée sur l’urgence aggrave les défis liés à la transition écologique.

Ces défis économiques se heurtent à des problématiques structurelles profondes. Le marché du travail français, rigide et coûteux, freine les restructurations nécessaires pour améliorer la productivité. Parallèlement, le poids fiscal, parmi les plus élevés au monde, décourage les investissements privés et l’entrepreneuriat. Cette pression fiscale s’accompagne d’une dépendance persistante à l’intervention de l’État, qui soutient un modèle économique orienté vers la survie des entreprises existantes plutôt que vers leur expansion ou leur transformation.

L’interaction de la dette croissante, de l’économie zombie et de l’économie instantanée place la France dans une position de vulnérabilité face aux crises économiques. La croissance économique, déjà faible, pourrait stagner davantage, tandis qu’un éventuel resserrement des conditions financières menacerait la viabilité des entreprises zombies. La compétitivité de la France sur les marchés mondiaux est également en jeu, alors que d’autres économies s’adaptent plus rapidement aux nouvelles dynamiques économiques mondiales.

Pour répondre à ces défis, la France doit impérativement engager des réformes profondes. Cela implique une meilleure gestion des entreprises en difficulté, en favorisant la liquidation des sociétés non rentables pour libérer des ressources au profit de celles qui innovent. L’investissement stratégique doit être réorienté vers des secteurs porteurs, tels que la transition énergétique et les technologies numériques. Parallèlement, une réduction de la dépendance à l’État et une modernisation du marché du travail permettraient de redynamiser l’économie et de stimuler l’entrepreneuriat.

Le modèle économique français, bien qu’en crise, possède les atouts nécessaires pour rebondir. Toutefois, ce redressement dépendra de la capacité des décideurs à équilibrer les impératifs sociaux et économiques tout en prenant les mesures audacieuses nécessaires pour rompre avec les inerties du passé. Dans un contexte où chaque jour perdu aggrave le poids des défis, le temps presse pour que la France retrouve sa place de moteur économique en Europe et dans le monde.

Éric Pichet

Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School

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