La mort de Brigitte Bardot, à l’âge de 91 ans , met un terme à l’une des carrières les plus extraordinaires de la vie culturelle française d’après-guerre.
Connue principalement comme actrice, elle était également chanteuse, icône de la mode, militante pour les droits des animaux et symbole de la libération sexuelle en France.
Connue notamment sous ses initiales, BB symbolisait une certaine vision de la féminité française : rebelle et sensuelle, mais aussi vulnérable.
Son influence sur les canons de beauté et l’identité nationale française fut profonde. À l’apogée de sa gloire, elle rivalisait avec Marilyn Monroe en termes de célébrité et de reconnaissance internationales. Simone de Beauvoir, figure emblématique du féminisme français, écrivait en 1959 que Bardot « apparaît comme une force de la nature, dangereuse tant qu’elle reste indomptée ».
Une étoile est née
Bardot est née en 1934 dans une famille parisienne aisée. Élevée dans un foyer catholique strict, elle a étudié le ballet au Conservatoire de Paris dans l’espoir de devenir danseuse professionnelle.
Sa beauté saisissante l’a conduite vers le mannequinat. À 14 ans, elle apparaissait déjà dans le magazine Elle, attirant l’attention du réalisateur Roger Vadim, qu’elle a épousé en 1952.
Elle a commencé sa carrière d’actrice au début des années 1950 et son apparition dans le rôle de Juliette dans Et Dieu … créa la femme de Vadim (1956) l’a fait connaître du grand public.
Bardot accéda instantanément à la célébrité internationale. Vadim présenta son épouse comme l’incarnation ultime d’une liberté érotique et juvénile qui choqua et fascina le public français.
En revoyant aujourd’hui ce film relativement sage, il est difficile d’imaginer à quel point la performance de Bardot était transgressive. Mais dans la France catholique et conservatrice des années 1950, elle a instauré de nouvelles normes en matière de sexualité à l’écran.
Le film est devenu un phénomène mondial. La critique l’a adoré, mais les censeurs et les groupes religieux se sont inquiétés.
Une icône des années 60
Le fait que Bardot n’ait pas reçu de formation formelle d’actrice est paradoxalement devenu une partie de son charme : elle a adopté une approche spontanée du jeu, autant physique que verbale.
Elle était sublime dans Le Mépris (1963), le chef-d’œuvre de Jean-Luc Godard sur un mariage qui se délite. Godard a utilisé sa beauté et sa célébrité à la fois comme un spectacle et une critique. La séquence la plus célèbre du film est une conversation de 31 minutes entre Bardot et son partenaire Michel Piccoli. Bardot n’a jamais été aussi brillante.
Dans le drame judiciaire intense d’Henri-Georges Clouzot, La Vérité (1960), elle a démontré toute l’étendue de son talent dramatique en interprétant une jeune femme jugée pour le meurtre de son amant.
En 1965, elle partage l’affiche avec Jeanne Moreau dans Viva Maria de Louis Malle , un film rare mettant en scène un duo féminin, mêlant comédie et satire politique. L’énergie anarchique de Bardot reste une performance éblouissante.
Dans Vie privée (1962), elle interprète une femme consumée par la célébrité et traquée par les médias. L’intrigue préfigure étrangement le propre avenir de Bardot.
Elle a popularisé des tendances comme la coiffure choucroute et les ballerines . Le décolleté Bardot – robes et hauts à épaules dénudées – porte son nom . Elle portait même une robe vichy rose à son mariage en 1959.
Séduction et provocation
Le charme de Bardot résidait dans ses contradictions . Elle paraissait à la fois naturelle et provocante, spontanée et calculée. Son glamour désinvolte et sa sexualité sans effort ont contribué à forger l’archétype de la « sex-kitten » moderne.
Elle a dit cette phrase devenue célèbre : « Il vaut mieux être infidèle qu’être fidèle sans le vouloir. »
Se libérant des carcans de la morale bourgeoise, Bardot incarnait l’engagement envers la liberté émotionnelle et sexuelle. Sa vie amoureuse tumultueuse en est la preuve. Elle fut mariée quatre fois et connut des dizaines de relations orageuses et d’aventures extraconjugales.
Immortalisée à jamais comme une jeune femme libre et ingénue, Bardot fut une muse pour les cinéastes, les artistes et les musiciens, d’ Andy Warhol à Serge Gainsbourg . Plus tard, Kate Moss, Amy Winehouse et Elle Fanning l’ont citée comme une source d’inspiration .
Comme chacun sait, Bardot n’a jamais eu recours à la chirurgie esthétique. Elle l’a d’ailleurs elle-même remarqué :
Les femmes devraient accepter le vieillissement car, au final, il est bien plus beau d’avoir une grand-mère aux cheveux blancs qui ressemble à une dame âgée qu’une grand-mère aux cheveux décolorés, teints et […] qui paraît beaucoup plus vieille mais aussi profondément malheureuse.
La vie après le cinéma
Bardot a mis fin à sa carrière d’actrice en 1973, à seulement 39 ans, invoquant sa désillusion face à la célébrité. « Cela m’a étouffée et détruite », a-t-elle déclaré à propos du monde du cinéma.
Elle a ensuite porté son attention sur les droits des animaux, en fondant la Fondation Brigitte Bardot en 1986. Elle est devenue une militante intransigeante et engagée, luttant contre la cruauté envers les animaux, l’élevage d’animaux à fourrure, la chasse à la baleine et la corrida.
Mais Bardot s’est attiré la controverse dès le milieu des années 1990 en raison de ses opinions politiques d’extrême droite , de ses propos sur l’islam et l’immigration, et de ses condamnations répétées pour incitation à la haine raciale. Elle a publiquement défendu l’acteur déchu Gérard Depardieu et s’est opposée au mouvement #MeToo en France.
De telles déclarations ont nui à sa réputation, notamment à l’étranger, et ont créé une image troublante : celle d’un symbole sexuel autrefois libérateur désormais associée au conservatisme nationaliste.
Bien qu’elle ne se soit jamais identifiée comme féministe, son autonomie assumée, sa retraite précoce et ses opinions tranchées ont conduit certains à la réévaluer comme une figure de rébellion proto-féministe.
La France commença peu à peu à se retourner contre Bardot, agacée par ses opinions tranchées. Mais certains applaudissaient son attitude désinvolte et son refus de se plier aux règles.
En refusant la célébrité selon ses propres conditions, elle a finalement transformé son esprit libre des années 50 en une prise de position audacieuse contre le conformisme et les normes sociales.
Sur le tard, elle a confié à Danièle Thompson, la scénariste et réalisatrice de la mini-série de 2023 consacrée à sa carrière : « Je ne comprends pas pourquoi le monde entier parle encore de moi. »
La réponse est simple : Bardot continue de nous fasciner, avec ses défauts et tout.
Ben McCann
Professeur agrégé d’études françaises, Université d’Adélaïde





















