Ce vendredi, le secrétaire d’État américain Marco Rubio, nommé à ce poste après la rotation ministérielle de janvier – occupera le devant de la scène diplomatique en accueillant la conclusion d’un accord de principe entre la RDC et le Rwanda. Selon des responsables du Département d’État, la cérémonie, organisée dans l’imposante salle Thomas Jefferson, scellera une « déclaration de principes » par laquelle les deux voisins s’engagent à transformer une fragile cessation des hostilités en un cessez-le-feu permanent.
La ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et son homologue rwandais, Olivier Nduhungirehe, signeront conjointement le document en présence de Marco Rubio et de plusieurs hauts représentants de la diplomatie qatarie. Doha, fort de sa réputation grandissante de médiateur dans les conflits complexes, a joué un rôle de cheville ouvrière dans les discussions qui se sont intensifiées ces dernières semaines sous l’égide de Washington.
Un conflit régional aux répercussions internationales
Depuis janvier, la résurgence de la rébellion du M23 a plongé l’Est congolais dans une spirale de violences ; des milliers de civils ont perdu la vie et plus de 800 000 personnes ont été contraintes de fuir leur foyer, selon les estimations d’agences humanitaires indépendantes. Les forces du M23, souvent mieux équipées que les unités régulières congolaises, ont conquis des localités stratégiques le long de la frontière, perturbant l’activité minière dans une région aussi riche en coltan et en cobalt qu’en tensions communautaires.
Les Nations unies, les États-Unis et plusieurs chancelleries occidentales accusent Kigali d’appuyer militairement le M23 – soutien que le gouvernement rwandais dément catégoriquement. Néanmoins, la pression s’est accentuée mi-avril lorsqu’un envoyé spécial américain, l’homme d’affaires Massad Boulos (par ailleurs beau-père de Tiffany Trump), s’est rendu successivement à Kigali et Kinshasa. À l’issue de sa mission, il a exhorté le Rwanda à « cesser tout soutien direct ou indirect » à la rébellion et à retirer « toute présence militaire rwandaise du territoire congolais ».
Les dessous géopolitiques de la « déclaration de Washington »
La signature imminente intervient à la suite d’une annonce surprise faite mercredi : Kinshasa et les commandants du M23 ont déclaré qu’ils stoppaient immédiatement les combats, ouvrant la porte à des négociations plus substantielles sous supervision internationale. Washington, soucieux de stabiliser une zone cruciale pour l’approvisionnement mondial en minerais stratégiques (cuivre, cobalt, lithium), entend consolider cette fenêtre d’opportunité.
Côté congolais, l’enjeu dépasse la sécurité frontalière. Selon des sources proches du dossier, la RDC espère profiter du moment pour conclure avec les États-Unis un accord bilatéral garantissant « un accès encadré et transparent » aux gisements de minerais critiques, condition jugée indispensable pour attirer davantage d’investissements américains et diversifier une économie trop dépendante des exportations brutes de matières premières.
Un pari sur la diplomatie économique
La démarche s’inscrit dans la stratégie africaine de l’administration américaine : contrer l’influence grandissante d’acteurs rivaux tout en sécurisant des chaînes d’approvisionnement « propres » et traçables. Pour Kigali, obtenir un accord officiel pourrait lever les soupçons récurrents autour de son rôle dans l’Est congolais et relancer la coopération sécuritaire avec Washington, gelée de facto depuis les sanctions ciblant certains hauts gradés rwandais.
Tandis que les stylos frapperont le parchemin, la communauté internationale scrutera les détails des « principes » : modalités de vérification du retrait des combattants étrangers, calendrier du désarmement du M23, garanties de protection pour les civils et mécanismes de suivi par des observateurs neutres. Les diplomates américains espèrent qu’une mise en œuvre rapide réduira le risque d’escalade et préparera le terrain à un accord de paix global, attendu depuis plus d’une décennie dans la région des Grands Lacs.
Quoi qu’il en soit, la cérémonie de Washington marque la reconnaissance par Kigali et Kinshasa qu’aucune victoire militaire durable n’est possible sans compromis politique. Reste à savoir si la « déclaration de Washington » inaugurera réellement une ère de stabilité ou si elle s’ajoutera à la longue liste d’accords restés lettre morte. Pour l’heure, les populations de Goma, Rutshuru et Rubavu guettent avec un mélange d’espoir et de scepticisme chaque geste susceptible d’éteindre enfin les armes et de ranimer la prospérité perdue.
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