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Face à une crise multidimensionnelle — sécuritaire, institutionnelle, économique et éthique — la République Démocratique du Congo engage en 2025 une démarche inédite à travers le Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble. Au cœur de cette initiative, le Dialogue des Experts – Ateliers Citoyens de la Nation se propose de mobiliser l’intelligentsia congolaise pour diagnostiquer les blocages structurels du pays et concevoir des feuilles de route sectorielles pour son redressement.
A l’image du Special Studies Project dirigé par Henry Kissinger, ce programme entend associer rigueur scientifique, approche participative et vision stratégique. Toutefois, son succès dépendra de conditions strictes : sélection rigoureuse des experts, indépendance, intégration aux politiques publiques, suivi-évaluation crédible et financement autonome. Pour transformer ce moment en fondement durable, des réformes sont proposées, notamment l’institutionnalisation des Ateliers et l’adoption d’une Charte des savoirs nationaux. Le Congo est ainsi appelé à se reconstruire par l’intelligence et le bon sens.
Une nation à la croisée des chemins
En cette année 2025, la République Démocratique du Congo se retrouve à la croisée des chemins, dans une situation historique où le destin d’une nation semble suspendu à sa capacité de transformation ou de dislocation définitive. Depuis plus de six décennies, la promesse de l’indépendance n’a cessé de se diluer dans les méandres d’une instabilité chronique, de conflits armés récurrents, d’une pauvreté rampante, et d’un désespoir collectif profond. Les symptômes de la crise sont désormais structurels : un effondrement sécuritaire dans l’est du pays, une gouvernance institutionnelle affaiblie, des inégalités criantes, un système éducatif sclérosé, et des millions de jeunes sans repères, privés de perspectives réelles de dignité ou de progrès. À Kinshasa comme à Goma, dans les campagnes comme dans les milieux urbains, la résignation côtoie la rage, et le silence de l’élite a parfois laissé place à une cacophonie de violences ordinaires.
Cette tragédie nationale n’est plus uniquement celle des armes, des frontières troublées ou des rivalités ethniques instrumentalisées ; elle est aussi et surtout celle d’une nation orpheline de sa pensée, de ses intelligences, de sa capacité à se projeter avec lucidité dans l’avenir. Pourtant, au cœur de ce chaos, une initiative inédite est née, portée conjointement par la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) et l’Église du Christ au Congo (ECC). Le « Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble » ne se présente pas seulement comme une plateforme de dialogue, mais comme un véritable projet de refondation nationale, qui ose parier sur la sagesse, la compétence et la responsabilité des Congolais eux-mêmes. Il invite l’intelligentsia nationale — chercheurs, ingénieurs, médecins, artistes, juristes, économistes, éducateurs — à sortir de leur torpeur, à retrouver leur voix, et surtout à mettre leur savoir au service de la République. C’est dans ce cadre que s’inscrit le « Dialogue des Experts – Ateliers Citoyens de la Nation », un espace où la pensée stratégique doit précéder et orienter l’action politique.
Face à l’échec des recettes anciennes, à la faillite des politiques clientélistes, à l’incapacité des institutions à garantir le minimum républicain, la RDC se tourne désormais vers ses forces morales et intellectuelles pour penser un redressement global, territorialisé et multisectoriel. L’ambition est immense, presque utopique. Car il ne s’agit plus de réformer quelques mécanismes institutionnels, mais bien de redéfinir les fondements éthiques, politiques et techniques de la nation. Dans cette optique, une question cruciale surgit : ce « Dialogue des Experts », dans sa méthodologie, son ambition et sa structure, peut-il rééditer l’exploit des célèbres « Special Studies Project » menés sous la direction d’Henry Kissinger dans les années 1950 aux États-Unis ? Ces études stratégiques avaient mobilisé les meilleurs esprits de leur temps pour repenser l’organisation géopolitique et la sécurité du pays dans un monde bouleversé par la guerre froide. Elles ont contribué à façonner une politique nationale cohérente, résiliente, et orientée vers l’avenir. La RDC peut-elle s’inspirer de cette réussite ? Peut-elle, par l’agrégation de ses intelligences, produire les feuilles de route d’un redressement réel, adapté à ses réalités locales, mais articulé à une vision nationale puissante ?
La réponse dépendra de plusieurs facteurs : l’indépendance réelle du processus, la rigueur scientifique des contributions, la capacité à traduire les recommandations en politiques publiques effectives, mais surtout, de la volonté collective de se ressaisir en tant que peuple. Car au fond, il ne s’agit pas seulement d’un dialogue technique entre experts, mais d’un acte de foi en la possibilité d’un Congo qui se gouverne par l’intelligence et le bon sens, et non par la force ou le mensonge. Voilà le pari, exigeant et noble, que propose aujourd’hui le Pacte Social. Le reste, comme souvent, appartiendra à l’histoire et à ceux qui auront osé la réécrire.
L’intelligentsia congolaise : pilier ignoré du redressement
L’intelligentsia congolaise, vaste constellation de savoirs et de compétences incarnée par les chercheurs, enseignants, ingénieurs, médecins, juristes, artistes, économistes, entrepreneurs, est à la fois une force dormante et un pilier stratégique trop longtemps négligé dans les tentatives de reconstruction nationale. Elle forme ce que le texte fondateur du « Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble » nomme avec lucidité une « couche sociétale primaire » : non pas par privilège, mais par fonction structurante. Car dans toute nation qui aspire à la stabilité, au progrès et à l’ordre démocratique, la pensée précède l’action, la méthode soutient le projet, et la science éclaire la décision. Or, en RDC, cette élite intellectuelle a été, pendant de longues décennies, marginalisée, instrumentalisée ou rendue silencieuse par des systèmes qui ont préféré la manipulation à la raison, le clientélisme à la compétence, l’improvisation à la planification.
La crise congolaise n’est donc pas uniquement une question de pauvreté matérielle ou de fragilité sécuritaire ; elle est aussi — et peut-être d’abord — une crise de désarticulation entre les savoirs disponibles et les décisions prises. L’intelligentsia, lorsqu’elle est mobilisée à bon escient, joue le rôle de médiateur entre la complexité du réel et la formulation de politiques rationnelles. Elle structure la mémoire collective, modélise les possibles, corrige les dérives, et anticipe les conséquences. C’est elle qui, dans les grandes nations, produit les matrices de transformation économique, les réformes éducatives ambitieuses, les politiques sanitaires robustes, les cadres juridiques crédibles, et les innovations culturelles porteuses de sens. À l’inverse, une nation qui marginalise ses penseurs, qui n’écoute pas ses ingénieurs, qui néglige ses médecins, et qui oublie ses artistes, se condamne à une errance où les décisions deviennent aveugles et les actions, erratiques.
Dans l’appel lancé à l’élite nationale à travers le « Dialogue des Experts », cette nécessité d’une réhabilitation stratégique du rôle des savants et des sachants est mise au premier plan. « Sans l’implication dynamique et décisive de cette couche sociétale primaire… point de salut pour tout destin national » : cette formule n’est pas une simple formule rhétorique. Elle rappelle que l’intelligentsia est le moteur invisible mais décisif du changement, non pas en surplomb du peuple, mais au service de celui-ci. Elle possède la double mission de comprendre et de traduire : comprendre les racines profondes des crises, dans toutes leurs dimensions — sociales, économiques, historiques, identitaires — et traduire ces compréhensions en feuilles de route concrètes, en recommandations pratiques, adaptées, mesurables.
Redonner à l’intelligentsia congolaise sa place centrale, c’est non seulement reconnaître la valeur de l’effort intellectuel, mais c’est surtout parier sur une gouvernance fondée sur la compétence, l’éthique, et la vision. Cela suppose un changement de paradigme radical : rompre avec les politiques de court terme, avec les logiques de pouvoir pour le pouvoir, et embrasser une démarche de redressement par la raison, la connaissance et le bon sens. C’est là que réside l’un des enjeux majeurs du « Dialogue des Experts » : non pas seulement produire des idées, mais reconstruire la confiance entre la pensée et l’action publique. Car dans une République véritable, le savoir n’est pas un luxe ; il est la boussole sans laquelle aucun navire ne peut espérer atteindre un rivage.
L’initiative du « Dialogue des Experts – Ateliers Citoyens de la Nation »
L’initiative du « Dialogue des Experts – Ateliers Citoyens de la Nation » s’inscrit comme la pierre angulaire du Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble en République Démocratique du Congo. Elle incarne une rupture méthodologique et politique majeure: celle de substituer au bavardage stérile des élites politiciennes une réflexion technique, ancrée dans les savoirs, et guidée par la rigueur scientifique. L’ambition de ces Ateliers n’est rien de moins que celle de reconstruire le pays à partir d’un diagnostic lucide de ses failles, d’une planification sérieuse de son redressement et d’un engagement résolu de ses intelligences à formuler des solutions structurantes.
Les objectifs fixés à ce processus sont clairs, cohérents et d’une ampleur sans précédent. Le premier consiste à effectuer un diagnostic stratégique des grandes crises congolaises, à partir d’analyses empiriques et documentées. Il ne s’agit pas ici de dresser des constats généraux, mais d’identifier les causes profondes des blocages dans tous les secteurs vitaux : sécurité, économie, santé, éducation, environnement, infrastructures, culture. Ce diagnostic est à la fois horizontal — couvrant l’ensemble du territoire — et vertical — allant des dysfonctionnements institutionnels jusqu’aux perceptions locales des citoyens.
Ce travail préparatoire débouche sur un second objectif fondamental : l’élaboration de feuilles de route pratiques sectorielles, les FRP-RGAC (Feuilles de Route Pratiques du Redressement Global Accéléré du Congo). Celles-ci doivent articuler une vision claire des réformes à entreprendre dans chaque domaine, avec des propositions concrètes, hiérarchisées et réalisables. Ces feuilles de route ne relèvent pas d’une planification abstraite, mais sont conçues comme des instruments de gouvernance appliquée, capables d’orienter à la fois les politiques publiques et les efforts de la société civile.
Enfin, le troisième objectif de ces Ateliers est la définition de priorités stratégiques multisectorielles, traduites dans des matrices de solutions appelées TSMO (Tableaux des Solutions et de Mise en Œuvre). Ces matrices permettent de structurer les recommandations selon leur degré d’urgence, leur impact attendu, leur faisabilité et leur durée de mise en œuvre (court, moyen ou long terme). Elles constituent un outil puissant d’organisation, de séquençage et de pilotage des réformes, dans une logique de résultats.
La force de cette initiative réside aussi dans sa méthodologie participative et territorialisée. Contrairement aux démarches descendantes souvent imposées par des technocrates éloignés du terrain, le Dialogue des Experts adopte une approche bottom-up : chaque territoire, chaque province, chaque secteur est invité à formuler ses propres diagnostics et solutions, à partir de ses spécificités, de ses ressources et de ses réalités. Cette dimension de territorialisation garantit à la fois l’appropriation locale des recommandations et leur pertinence contextuelle. En outre, l’approche intégrée — qui croise données quantitatives, témoignages, perceptions communautaires et analyses stratégiques — permet d’embrasser toute la complexité du réel congolais.
Les livrables attendus sont d’une grande précision : chaque groupe d’experts devra produire un registre FRP-RGAC par secteur, accompagné de fiches de projets pilotes, de TSMO, d’un calendrier d’exécution, d’indicateurs de performance (KPI), ainsi que d’un ensemble de documents annexes validant les analyses et les recommandations. Ce corpus formera, à terme, un référentiel général de la planification du redressement accéléré du pays, une sorte de « charte stratégique nationale » classant les priorités par secteur, avec les valeurs, principes et moyens opérationnels nécessaires pour atteindre les objectifs de transformation.
Ainsi, le Dialogue des Experts se positionne non seulement comme un forum d’analyse, mais comme un espace de conception politique éclairée, un atelier d’architecture républicaine où le savoir devient enfin producteur de réforme. Le Congo, pays de paradoxes et de promesses trahies, a peut-être trouvé là un moyen inédit de mettre en cohérence sa pensée, ses besoins et ses ressources.
En miroir : le « Special Studies Project » d’Henry Kissinger
En 1956, dans un contexte international marqué par l’incertitude nucléaire, la guerre froide naissante et les bouleversements géopolitiques de l’après-guerre, Nelson Rockefeller lança une initiative audacieuse de prospective stratégique : le Special Studies Project. Confiée à une jeune figure montante, Henry Kissinger, cette entreprise allait profondément marquer la manière dont les États-Unis pensaient leur rôle dans le monde. Il ne s’agissait pas d’une simple série de rapports académiques, mais bien d’un projet structuré de réflexion collective, réunissant des experts issus de domaines aussi variés que la défense, l’économie, la politique internationale, la psychologie sociale, la technologie et l’histoire. Cette équipe pluridisciplinaire avait pour mission explicite de définir les lignes de force d’une doctrine américaine à long terme, capable de guider les grandes orientations de la politique étrangère, de la sécurité nationale et du développement technologique du pays.
À la tête de ce projet, Kissinger introduit une méthodologie fondée sur la rigueur intellectuelle, la confrontation d’idées contradictoires, l’analyse prospective, et surtout, sur une exigence de synthèse opérationnelle. Les résultats ne se firent pas attendre. Les conclusions du Special Studies Project furent rassemblées dans une série d’essais majeurs — dont Nuclear Weapons and Foreign Policy (1957), devenu un ouvrage de référence — et influencèrent profondément la stratégie de dissuasion nucléaire américaine, la doctrine de containment et la construction d’alliances durables. L’approche prônée par Kissinger fut non seulement analytique, mais aussi prescriptive. Elle ne se contentait pas de comprendre le monde ; elle proposait des modèles d’action réalistes, coordonnés et hiérarchisés, directement exploitables par les décideurs.
Le succès du modèle Kissinger repose sur trois éléments fondamentaux. D’abord, la rigueur méthodologique, qui a su articuler diagnostics empiriques, théorisation stratégique et contextualisation historique. Ensuite, la cohérence interne des propositions, issues d’une délibération intellectuelle fondée sur des données et non sur des opinions. Enfin — et c’est là le trait le plus marquant — la traduction effective de ces idées dans la sphère décisionnelle. Car les propositions issues du Special Studies Project ne sont pas restées lettre morte : elles ont nourri les politiques publiques, modelé les priorités militaires, influencé les discours diplomatiques, et redéfini le rôle des États-Unis dans un ordre mondial en mutation.
En miroir, le « Dialogue des Experts » en RDC pourrait s’inspirer de cette expérience historique. Il s’agit là d’un précédent fécond : un exemple où l’intelligence collective, structurée autour d’un projet cohérent, a pu orienter le destin d’une nation face à une crise de civilisation. Le cas du Special Studies Project démontre que, dans un moment critique, une élite intellectuelle mobilisée peut devenir le cerveau stratégique de la transformation nationale — à condition que ses idées ne soient pas récupérées à des fins politiques immédiates, mais intégrées dans une vision à long terme, portée par une volonté politique ferme. Si la RDC parvient à instaurer une telle dynamique, alors les Ateliers Citoyens de la Nation pourraient bel et bien marquer un tournant historique, au même titre que le projet visionnaire qui permit aux États-Unis de s’ériger en puissance globale du XXe siècle.
Peut-on transposer l’exemple Kissinger au contexte congolais ?
Transposer l’exemple du Special Studies Project de Henry Kissinger au contexte congolais n’est pas un exercice mécanique. C’est une ambition à la fois légitime et audacieuse, mais elle ne saurait réussir sans une série de conditions strictes, tant structurelles que culturelles. Le Congo d’aujourd’hui n’est pas l’Amérique des années 1950 : il est en proie à une instabilité chronique, à un déficit d’institutions solides, à une crise de confiance entre les élites et la population, et à une marginalisation historique du savoir dans la prise de décision publique. Toutefois, si certaines balises sont respectées, le Dialogue des Experts congolais peut devenir un laboratoire stratégique d’envergure, capable d’impulser une refondation nationale à la hauteur des défis actuels.
La première condition est la sélection rigoureuse des experts. Le processus en cours prévoit un appel à candidatures ouvert, encadré par un comité multipartite. Toutefois, cette ouverture, aussi vertueuse soit-elle sur le plan démocratique, ne garantit pas la qualité scientifique des contributions. Il faut aller plus loin : établir des critères stricts de compétence sectorielle, d’expérience prouvée et de capacité de synthèse, appuyés par un processus d’évaluation par les pairs. Sans cette rigueur, le Dialogue risque de verser dans le discours d’opinion, diluant sa crédibilité.
Deuxièmement, la réussite dépend de la neutralité et de l’éthique des experts mobilisés. Un code de conduite est certes prévu, mais dans un pays où les clivages politiques sont omniprésents et où les loyautés sont souvent instrumentalisées, la tentation de récupérer le processus à des fins partisanes est réelle. L’expérience Kissinger a montré l’importance d’un périmètre protégé, à l’abri des pressions immédiates du pouvoir, où les intellectuels peuvent formuler librement des orientations critiques. Le Dialogue des Experts ne doit pas être une tribune idéologique, mais un organe de lucidité stratégique.
Troisièmement, le succès du modèle dépend de l’intégration effective des recommandations dans les politiques publiques. En RDC, cette responsabilité est portée par le Forum du Consensus National, mais l’engagement réel de l’État reste à démontrer. Il est impératif de créer un pont solide et institutionnalisé entre les FRP-RGAC produits par les experts et les instances de décision politique, afin que les idées ne restent pas enfermées dans des rapports consultatifs.
Quatrièmement, la mise en place d’un dispositif de suivi-évaluation crédible est essentielle. Le modèle congolais prévoit des indicateurs de performance (KPI) et des matrices de solutions (TSMO), ce qui constitue un progrès notable. Toutefois, la culture du suivi participatif est encore faible. Il faudra former, équiper et responsabiliser les structures locales pour piloter l’exécution des recommandations, en instaurant une transparence active et des mécanismes de redevabilité.
Enfin, la question du financement indépendant reste un point de fragilité majeur. Le projet bénéficie d’un appui logistique par les Églises partenaires, mais dépend encore largement de bailleurs externes. Or, un redressement stratégique ne peut se faire sous dépendance budgétaire continue. Il est donc crucial de concevoir un mécanisme autonome de financement, notamment à travers un fonds national pour la stratégie de reconstruction, alimenté par des contributions publiques et privées.
En somme, oui, le modèle Kissinger est transposable — mais il ne l’est qu’au prix d’une vigilance rigoureuse, d’une volonté politique authentique et d’une réforme de la place du savoir dans la gouvernance congolaise. L’Histoire ne se répète pas, mais elle inspire. Et si le Dialogue des Experts parvient à incarner cette inspiration dans une structure adaptée, cohérente et protégée, alors il pourrait bien devenir le catalyseur tant attendu de la renaissance nationale.
Recommandations pour maximiser l’impact du Dialogue des Experts
Pour que le Dialogue des Experts devienne un véritable levier de transformation nationale et ne se résume pas à une parenthèse technocratique sans lendemain, il est impératif d’accompagner sa mise en œuvre par un ensemble de réformes structurelles. Ces recommandations ne relèvent pas de l’accessoire, mais du fondement : elles visent à garantir la durabilité, la légitimité et l’efficacité du travail engagé par les Ateliers Citoyens de la Nation.
Ces cinq recommandations forment un socle indispensable pour passer du diagnostic à l’implémentation, du discours à la réforme, de la volonté au changement mesurable. Le Dialogue des Experts a ouvert une brèche dans l’histoire congolaise contemporaine ; il appartient désormais à la société tout entière de l’élargir et de l’inscrire dans la durée.
Intelligence, bon sens et renaissance nationale
La République Démocratique du Congo, meurtrie mais debout, semble enfin avoir pris conscience d’une vérité fondamentale : aucune nation ne se reconstruit sans mobiliser sa pensée la plus lucide, ses intelligences les plus audacieuses et ses énergies morales les plus profondes. Par l’initiative du Pacte Social pour la Paix et le Bien-Vivre Ensemble, elle peut faire un choix inédit dans son histoire postcoloniale : celui de faire de la science, de la rigueur méthodologique et du dialogue interdisciplinaire un levier de refondation nationale. Ce tournant est révolutionnaire dans un pays trop longtemps habitué aux décisions improvisées, aux solutions de façade et aux politiques dictées par l’urgence ou l’émotion.
Ce que propose le Dialogue des Experts – Ateliers Citoyens de la Nation, ce n’est ni une consultation technocratique sans âme ni une conférence de prestige. C’est une invitation à rétablir les conditions fondamentales d’un contrat républicain : gouverner par la connaissance, décider selon la raison, reconstruire dans la justice. L’enjeu est immense. Il ne s’agit pas simplement de produire des rapports ou des diagnostics, mais bien de poser les bases d’une transformation éthique, cognitive et politique du pays. Cela implique une reconfiguration des rapports entre savoir et pouvoir, entre expertise et légitimité, entre citoyenneté et action publique. C’est un processus qui exige, de la part de tous, un effort de dépassement : dépasser la culture de l’urgence, du cynisme, du repli identitaire ; dépasser aussi la tentation de réduire le savoir à un outil de confirmation de l’ordre établi.
L’exemple du Special Studies Project dirigé par Henry Kissinger dans les années 1950 rappelle que, même dans un monde incertain, la lucidité stratégique, la pensée interdisciplinaire et la volonté politique peuvent converger pour produire des réformes durables. Si les États-Unis ont su, à travers cet exercice de prospective éclairée, se doter d’une doctrine cohérente qui a structuré leur puissance, le Congo peut à son tour, en adaptant ce modèle, donner naissance à une architecture intellectuelle propre, enracinée dans ses réalités, portée par ses élites, et tournée vers son avenir. Le Dialogue des Experts peut devenir ce cerveau collectif tant attendu, ce cœur stratégique du sursaut national, à condition qu’il reste protégé des récupérations partisanes, des ambitions personnelles ou des simplifications idéologiques.
Ce projet exige que l’intelligence retrouve sa place dans le gouvernement des hommes, que le bon sens l’emporte sur les logiques d’exclusion, et que le pays ose croire à nouveau en la puissance de ses savoirs. La renaissance du Congo ne sera ni improvisée, ni importée: elle sera pensée, travaillée, débattue, et construite par ses propres fils et filles. Ce ne sera pas facile. Ce ne sera pas rapide. Mais c’est possible. Et c’est, désormais, absolument nécessaire.
Dr. John M. Ulimwengu
Chargé de recherches senior – Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI)
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