Que vous préfériez vos spaghettis al dente ou fondants, il peut être difficile d’obtenir une cuisson parfaite à la maison. Nombre d’entre nous ont déjà vu leurs pâtes se désagréger en une bouillie beige, surtout lorsqu’il s’agit de pâtes sans gluten.
Alors, de quelle quantité d’eau et de sel avez-vous réellement besoin, et combien de temps faut-il cuire les pâtes pour un résultat optimal ? De plus, comment adapter la cuisson lorsqu’on utilise des pâtes sans gluten ? Une étude récente menée par mes collègues et publiée dans la revue Food Hydrocolloids apporte des réponses en dévoilant les mécanismes physiques de la cuisson.
Nous avons utilisé la source de lumière Diamond, le synchrotron national britannique (un accélérateur de particules circulaire), pour étudier la diffusion des rayons X par les pâtes (à de faibles angles) et ainsi révéler leur structure interne. Nous nous sommes ensuite rendus à Isis et à l’Institut Laue-Langevin, deux installations de recherche sur les neutrons situées au Royaume-Uni et en France, et avons utilisé ces neutrons (qui constituent le noyau atomique avec les protons) pour analyser la microstructure des spaghettis classiques et sans gluten dans différentes conditions de cuisson.
L’étude montre comment la structure interne des pâtes change pendant la cuisson, et pourquoi les versions sans gluten se comportent si différemment.
Ce dispositif nous a permis d’étudier la structure de l’amidon et du gluten dans les spaghettis à des échelles très fines, allant de quelques dizaines à plusieurs milliers de fois le rayon d’un atome. Nous avons ainsi pu comparer les transformations qui se produisent dans les pâtes classiques et sans gluten lors de différentes cuissons, notamment une cuisson trop longue ou sans sel.
Nos expériences nous ont permis d’observer séparément les différents composants des pâtes. En mélangeant de l’eau normale et de l’eau lourde (contenant un isotope appelé deutérium), nous avons pu rendre invisibles au faisceau de neutrons soit le gluten, soit l’amidon. De cette manière, nous avons pu isoler efficacement chaque structure tour à tour et comprendre les effets de l’amidon et du gluten pendant la cuisson.
Le pouvoir du gluten et du sel
Notre étude révèle que, dans les pâtes classiques, le gluten forme une structure solide qui maintient les granules d’amidon en place même pendant la cuisson, conférant ainsi aux pâtes leur fermeté et leur digestion lente. Dans les pâtes sans gluten, les granules d’amidon gonflent et s’affaissent plus facilement, ce qui explique la texture pâteuse et la décomposition plus rapide observées lorsque ce type de pâtes est cuit dans des conditions non optimales.
Nous avons également étudié l’effet du sel dans l’eau de cuisson sur la structure des pâtes. Nos résultats montrent que le sel n’améliore pas seulement le goût des pâtes ; il influence aussi fortement leur microstructure. Lorsque des pâtes classiques sont cuites dans de l’eau salée, le gluten conserve sa structure et les granules d’amidon sont moins dégradés par la cuisson.
Quelle quantité de sel faut-il ajouter pour préserver la structure microscopique des pâtes ? Notre étude a révélé que la dose optimale de sel est de sept grammes par litre d’eau, la quantité d’eau nécessaire augmentant avec la quantité de pâtes. Le temps de cuisson recommandé est de dix minutes pour les pâtes classiques et de onze minutes pour les pâtes sans gluten. En revanche, lorsque la concentration en sel est doublée, l’organisation interne se dégrade plus rapidement et la structure des granules d’amidon est significativement altérée par la cuisson.
Dans le cas des pâtes sans gluten, la situation était différente en raison de l’absence de gluten. Même de petites quantités de sel ne pouvaient compenser son absence. Les composés artificiels d’amidons transformés, utilisés par les fabricants pour remplacer le gluten, se dégradaient rapidement. L’exemple le plus extrême de cette dégradation se produisait lorsque les spaghettis sans gluten étaient cuits trop longtemps, par exemple pendant 13 minutes au lieu de 11, et dans une eau très salée.
La principale conclusion est donc que les pâtes sans gluten sont structurellement plus fragiles et tolèrent moins bien une cuisson trop longue et un dosage incorrect de sel.
Améliorer les alternatives sans gluten
Comprendre la structure des pâtes à ces échelles infimes, invisibles même au microscope, permettra de concevoir de meilleurs aliments sans gluten. L’objectif est notamment d’obtenir des alternatives sans gluten plus résistantes aux mauvaises conditions de cuisson et dont la texture soit plus proche de celle des spaghettis classiques.
Les pâtes de blé classiques ont un faible index glycémique car le gluten ralentit la digestion des granules d’amidon. Les pâtes sans gluten, à base de farine de riz et de maïs, sont souvent dépourvues de cette structure, ce qui peut entraîner une libération plus rapide des sucres. Grâce à la diffusion de neutrons, les scientifiques peuvent désormais identifier les ingrédients et les conditions de cuisson qui recréent le mieux la structure du gluten.
C’est aussi l’histoire de la façon dont des outils expérimentaux de pointe, principalement utilisés pour la recherche fondamentale, transforment la recherche alimentaire. La diffusion des neutrons a joué un rôle fondamental dans l’avancement de notre compréhension des matériaux magnétiques, des batteries, des polymères et des protéines. Elle nous aide désormais également à expliquer le comportement des aliments courants à l’échelle microscopique.
Andrea Scotti
Maître de conférences en chimie physique, Université de Lund





















