Analyses

Canada : la mesure officielle de la pauvreté du gouvernement est insuffisante

Le taux d’inflation au Canada a commencé à ralentir après avoir culminé à 8,1 % l’été dernier , mais les prix des aliments et du logement montrent peu de signes de ralentissement. Les augmentations des salaires et des gains ne compensent que partiellement la perte de pouvoir d’achat. Ceux qui travaillent dans des industries moins rémunératrices sont moins susceptibles de voir leur salaire augmenter.

De nombreux Canadiens sont en difficulté et ceux qui ont des budgets plus serrés et une marge de manœuvre financière moindre sont particulièrement touchés. À l’automne 2022, un Canadien sur quatre a indiqué qu’il avait de la difficulté à faire face à la nourriture, au logement et aux autres dépenses nécessaires , contre environ un Canadien sur cinq à l’été 2021.

Mais ces statistiques ne sont qu’une partie du tableau — la mesure officielle de la pauvreté au Canada se concentre uniquement sur le revenu et ignore d’autres facteurs importants. Cela signifie que des millions de Canadiens vivant dans la pauvreté risquent de passer inaperçus et de ne pas être entendus.

Mesure officielle de la pauvreté au Canada

La mesure officielle de la pauvreté au Canada, la mesure du panier de consommation, est basée sur le coût d’un panier spécifique de biens et de services représentant un niveau de vie de base modeste.

Ce panier est tarifé pour une famille de deux adultes et deux enfants et tient compte des prix locaux. Lorsque le revenu disponible d’une famille est inférieur à celui du panier, elle est pauvre en revenu. Pour les autres modes de vie, il existe une formule qui ajuste le seuil de pauvreté en fonction de la taille des ménages.

Pourtant, la situation individuelle des gens est souvent plus diversifiée que ne peut le faire la mesure du panier de consommation.

La mesure du panier de consommation ne tient pas compte du moment où les dépenses des gens sont plus élevées parce qu’ils ont des besoins non standard, comme une allergie alimentaire, des remboursements de prêts étudiants ou qu’ils paient un loyer du marché supérieur à la moyenne pour un logement à faible coût.

Des dépenses plus élevées pour atteindre un niveau de vie de base expliquent pourquoi certaines personnes connaissent des privations matérielles tout en ayant un revenu supérieur au seuil de pauvreté.

Alternativement, l’accès à des ressources autres que le revenu peut expliquer pourquoi certaines personnes peuvent éviter la privation matérielle malgré un faible revenu. En effet, la mesure du panier de consommation ne tient pas compte des ressources financières, telles que l’épargne ou le crédit, qui contribuent à financer un niveau de vie acceptable, malgré un faible revenu.

La mesure du panier de consommation manque également lorsque les gens ont accès à des biens et services subventionnés et à des avantages liés au travail comme les prestations de santé, qui réduisent les dépenses personnelles. La mesure officielle de la pauvreté au Canada fait des erreurs des deux côtés en excluant de nombreuses personnes qui devraient probablement être comptées et en incluant de nombreuses personnes qui ne devraient probablement pas l’être.

Une mesure complémentaire de la pauvreté

Je travaille avec Banques alimentaires Canada pour recueillir des données qui brossent un tableau plus large de la pauvreté en me concentrant sur une mesure de la pauvreté appelée privation matérielle . La privation matérielle se concentre sur les éléments que les personnes ayant un niveau de vie acceptable peuvent se permettre, plutôt que sur le seul revenu.

Nous avons utilisé des sondages d’opinion et des groupes de discussion pour identifier les besoins socialement perçus des Canadiens. Un article est considéré comme une nécessité lorsque la plupart des répondants le considèrent comme nécessaire, ou très nécessaire, pour un niveau de vie décent.

Des exemples de ces nécessités comprennent une paire de chaussures bien ajustées et au moins une paire de bottes d’hiver; la capacité de manger de la viande, du poisson ou un autre équivalent protéique tous les deux jours ; et la possibilité d’acheter de petits cadeaux pour la famille ou les amis une fois par an.

Les personnes sont considérées comme dépourvues d’articles lorsqu’elles ne peuvent pas posséder un article nécessaire ou s’engager dans des activités nécessaires en raison d’un manque d’argent. Les personnes sont considérées comme matériellement démunies lorsqu’elles manquent de plus d’éléments que le seuil de privation.

Il ne fait aucun doute que la pauvreté augmente en ce moment. Les chiffres de la mesure du panier de consommation refléteront cela, mais ils passeront néanmoins à côté d’un élément clé de l’histoire de la pauvreté.

Nos données sur la privation matérielle raconteront cette histoire.

La collecte systématique de telles données en complément des statistiques sur la pauvreté monétaire est logique. Pas seulement en période d’inflation record, mais toujours. Non seulement pour les organismes de bienfaisance, mais aussi pour les gouvernements canadiens.

Politique qui réduit la pauvreté

Des outils de mesure de la pauvreté inexacts faussent non seulement notre compréhension de l’ampleur de la pauvreté et des personnes à risque, mais faussent également la manière dont les politiques contribuent à réduire la pauvreté .

Depuis son élection en 2015, le premier ministre Justin Trudeau a déclaré que la réduction de la pauvreté était une priorité du gouvernement fédéral. Le gouvernement s’emploie actuellement à réduire la pauvreté de 50 % d’ici 2030 , comme le détermine la mesure du panier de consommation.

Le fait de savoir que la pauvreté est plus répandue que ce qui est considéré comme un faible revenu implique que les critères d’admissibilité que les Canadiens doivent remplir pour accéder aux aides gouvernementales pourraient devoir être moins rigoureux.

De même, ces connaissances mettent en garde contre la réduction des transferts gouvernementaux fondés sur le revenu comme l’ allocation canadienne pour les travailleurs , un crédit d’impôt remboursable pour les travailleurs à faible revenu.

De plus, les comparaisons entre les effets d’un transfert de revenu comme l’ Allocation canadienne pour enfants et des subventions comme le système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants peuvent être faussées. Les mesures de la pauvreté monétaire tiennent automatiquement compte du transfert de revenu, mais elles peuvent sous-estimer ou ignorer l’effet des subventions sur la réduction de la pauvreté.

Actuellement, nous ne pouvons que spéculer sur la portée et l’ampleur de ces biais. Mais, étant donné les écarts relativement importants entre les ménages à faible revenu et les ménages matériellement démunis, ils pourraient être substantiels.

Géranda Notten

Professeur agrégé, École supérieure d’affaires publiques et internationales, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa

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