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Pour les âmes perdues en quête de leur identité économique (Tribune de Jo M. Sekimonyo)

Pourquoi, aujourd’hui, en RDC, tout le monde se dit entrepreneur, et personne ne veut être qualifié de commerçant ou de travailleur indépendant ? C’est simple : le mot entrepreneur sonne plus chic ! Avouez-le, « je suis entrepreneur » a plus de classe au bar du coin que « je vends des chikwangues au marché » ou « je suis propriétaire d’un bar », voir même « j’ai une ferme de chèvres ».

C’est un peu une confusion moderne : en RDC, on a adopté le terme entrepreneur comme un badge d’honneur, une sorte de titre qui vous place directement dans la catégorie des « visionnaires ». Même si, dans la réalité, on est plutôt en train de faire tourner une boutique de quartier ou de proposer ses services d’électricien en freelance. Mais bon, ça fait plus cool de dire qu’on est en train de « disrupter » le marché, même si on vend des beignets depuis 1997.

En fait, il y a un petit malentendu sur ce que signifie vraiment entreprendre.

Tout le monde qui entreprend n’est pas forcément un entrepreneur. Il y a, par exemple, le commerçant, qui achète et revend des produits en maximisant ses marges. Son objectif ? La rentabilité, pas forcément l’innovation. Le travailleur indépendant, quant à lui, est souvent son propre patron par nécessité plutôt que par choix stratégique : il vend ses services ou son savoir-faire, mais sans chercher à bâtir un empire ou à révolutionner le marché.

L’entrepreneur, lui, c’est une autre affaire. Il ne se contente pas de gérer une activité existante ; il veut créer quelque chose de nouveau, résoudre un problème à grande échelle, et, idéalement, changer les règles du jeu. Là où le commerçant et l’indépendant cherchent la stabilité, l’entrepreneur, lui, court le risque avec l’ambition de transformer son idée en une entreprise scalable, durable, et, bien sûr, lucrative.

Bref, la confusion vient surtout du fait qu’en RDC, « entrepreneur » sonne comme un rêve, tandis que « commerçant » ou « travailleur indépendant », c’est juste la réalité… et parfois, c’est moins glamour !

Que sais-je sur l’entrepreneuriat ?

Bon, imagine ça : je voyage à travers l’Afrique et je tombe toujours sur Yango, que tous les Africains pensent être un Uber africain… alors qu’en fait, c’est russe ! À Dakar, un chauffeur Yango me raconte qu’ils se font ponctionner une grosse partie de leurs revenus par la plateforme. Et là, hop ! Je réuni mon équipe et a lancé https://tokooss.com/fr . Plutôt que de prélever un pourcentage sur chaque course, les chauffeurs paient un abonnement mensuel ou annuel. Et le plus cool ? Les courses se commandent par WhatsApp, et bientôt avec Mopepe !

Ensuite, tous les débuts du mois, il y a mes collaborateurs locataires, toujours en train de râler parce qu’ils paient leur loyer en cash ont peur de se faire cambrioler ou de perdre le carnet de quittances. Cela va de même mes amis proprios ! Alors, j’ai réuni mon équipe et a lancé https://kodisha.online/ : les propriétaires inscrivent leurs locataires en ligne, les loyers se paient en ligne usant mobile money ou nzimbu, et tout devient digital. Ceci mettrait fin à cette histoire de cash et les papiers !

Et pour ceux qui me cherchent sur Twitter, surprise, je ne « tweete » plus, je « piolole ». Ceux qui savent ce que veut dire « ko piolola » comprendront ! mais amis chinois sont sur Weibo, les Congolais ont https://piololo.com/ . Et comme je n’en avais pas encore assez, j’ai aussi lancé https://lumumba.online/  pour que les auteurs congolais publient leurs livres et les vendent en ligne. Contrairement à Amazon, ici on paye avec le mobile money ou des nzimbu, et de la même façon les auteurs retirent leurs bénéfices. Un win-win au vrai sens du terme.

Je pourrais continuer à te raconter mes initiatives entrepreneuriales, mais si quelqu’un tient vraiment tout fouiner, clique juste sur https://www.voxov.online/francais .

Bref, oui, on peut dire que j’en sais quelque chose d’être entrepreneur car je le pratique !

Casquette économique

Quelle casquette à enfiler pour ta courante ou prochaine aventure économique ? Chaque rôle a ses propres pouvoirs… et ses défis ! Pose-toi donc cette question existentielle : as-tu besoin d’adopteurs, de clients, d’un réseau, ou de ressources ?

Un entrepreneur, c’est avant tout une affaire de concept. Ton défi ? Séduire ces adopteurs précoces, souvent motivés par l’innovation et la curiosité, prêts à tester et à promouvoir un nouveau produit, service ou technologie.

Un commerçant, c’est une tout autre histoire. Là, tu commences avec des produits à vendre. La priorité ? C’est clair : de l’argent, un fonds de commerce. Pas de ronds, pas de rideau levé.

Quant au travailleur indépendant, c’est simple : tout repose sur le savoir-faire. Un réseau est ton épée légendaire, prêt à découper la concurrence et à décrocher tes premiers contrats comme un héros intrépide. Pour un vendeur, c’est toujours pareil. Les « frappeurs » se reconnaîtront dans cette description !

Enfin, pour l’industriel, c’est à un niveau supérieur : production à grande échelle ! Là, il te faut du capital et des ressources. Un peu comme essayer de fabriquer des smartphones ou produire des montres, avec un budget pour les composants et une équipe pour les assembler pièce par pièce.

Alors, as-tu trouvé ton badge ? Parce que chaque type d’activité a ses petites exigences, et ça commence avec ce qu’il te faut en premier pour démarrer !

Tous dans la même soupe

Le plus comique, voire tragique, selon la perspective, c’est que cette confusion n’est pas seulement le fait des frimeurs, mais aussi de ceux censés savoir la différence entre les agents économiques. Les décideurs politiques et les universitaires ! Des profs de fac perdent leur calme quand j’ose les interpeler sur la différence entre entrepreneur et commerçant, que tous les agents économiques ne sont pas des Steve Jobs en devenir. Apparemment, ramener les pendules à l’heure peut vite virer à la catastrophe !

Pour illustrer, les commerçants, ce sont les pneus de l’économie. Ils ont le contact direct avec le terrain et permettent à l’économie de bouger, d’avancer, et d’encaisser les bosses du marché. Les entrepreneurs, eux, sont le carburant. Ils donnent l’énergie pour avancer plus vite. Mais voilà, sans de bons pneus, même avec le meilleur carburant, la voiture ne va pas loin, et elle risque même d’exploser un pneu en chemin ! À l’inverse, même avec des pneus dégonflés, comme en RDC, on peut encore avancer un peu, même si c’est lent et laborieux. Par contre, même sans produire notre propre essence derrière sa maison, on peut toujours aller faire le plein à la station, grâce aux importations.

Bref, même si produire notre propre carburant serait un bonus pour l’indépendance économique, avoir de meilleurs pneus, surtout fabriqués localement, est fondamental pour la durabilité d’une nation.

Et oui, je sais, je fais partie de ceux qu’on accuse de « perdre les gens dans le labyrinthe de l’articulation d’argument or observation avec ce genre d’illustrations cérébrales. Mais, je le revendique : c’est un exercice cérébral sain, un régime pour les neurones, et un outil indispensable pour forcer les Congolais à s’intégrer dans les dialogues mondiaux modernes. La différence entre être un intellectuel et un académique, c’est justement de se permettre ce genre de métaphores, qui apportent de la clarté. Mais bon, ce sujet-là, ce sera pour un autre article !

Danger de la confusion dans la politique économique nationale

Quand une nation tout entière est obsédée par la notion glamourisée de « l’entrepreneur », ça devient problématique. Entre le prestige de l’appellation et le « swag » d’en parler, on finit par créer des politiques économiques biaisées, qui ont les yeux braquer uniquement sur ces « superstars » économiques, laissant tous les autres agents économiques, les vrais, ceux qui font tourner l’économie restent coincés sur le banc de touche. Cela force même le vendeur de cacahuètes ou un frappeur de s’autoproclamer « entrepreneur » !

Alors que je tire la sonnette d’alarme sur la confusion, ou plutôt le mauvais étiquetage, de ce qui est ou n’est pas un entrepreneur, le plus triste de tout cela, puis-je dire, le vrai danger est la dévalorisation qui en résulte. Cette décomposition de l’étiquette dégrade non seulement l’esprit d’innovation dans le mental congolais mais aussi l’appréciation des véritables entrepreneurs congolais, comme moi et tant d’autres qui sont jusque-là soit discrets ou inaudibles.

Mais bon, faire émerger un écosystème qui réveille l’esprit des inventeurs, des créateurs de concepts (pas juste de contenu), et des codeurs, éparpillés partout dans le pays, pas seulement à Kinshasa est une des clés pour surfer sur la vague économique du 21ᵉ siècle. On a besoin de geeks dans les villages autant que des frimeurs sur TikTok, des stars sur vuhava.com, ou des politiciens qui changent de discours aussi vite que de cravate !

Ce qu’il faut retenir, c’est que les entrepreneurs, commerçants, travailleurs indépendants, industriels, et même les frappeurs sont tous des agents économiques. Alors oui, ça sonne moins glamour que « entrepreneur », mais ça fait le job ! Que tu lances une appli révolutionnaire en costard-cravate ou que tu vendes du pain au coin de la rue, tu contribues à l’économie. Parce qu’au fond, que tu sois une jeune dame, un as du numérique en mode start-up nation, ou un vieux pro de la vente du tabouret en porte-à-porte, on fait tous partie de la même équipe : celle du « business », même si le titre fait moins rêver que dans les films !

Jo M. Sekimonyo

Économiste politique, théoricien, militant des droits de l’homme et écrivain

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